Chapitre 30

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Armand entre dans la salon avec tout le charisme dont lui seul a le secret. Une main en poche, l’autre agitant ses clés de voiture.

-bonjour.

Sa grosse voix fait échos dans la pièce. Ça fait trois mois que je ne l’ai pas vu.

-bonjour Armand. je réponds.

-qu’est-ce qu’il y a ? il demande en s’asseyant.

-Orémi et moi avons décidé de vous réunir afin de clarifier votre situation parce que sincèrement on est non seulement largué mais épuisé.

Armand s’arrange dans son siège, fronce les sourcils et écoute attentivement.

-ça fait exactement un an, douze mois que Kaya est partie de la maison parce que l’atmosphère était invivable et que vous aviez atteint un point de non retour. Je répète fidèlement ce que j’ai entendu. Vous avez décidé de vous séparer, on ne sait pas exactement pourquoi mais vous êtes séparés. Depuis un an. Jusqu’ici je dis vrai ?

-exactement !

-un an que vous êtes séparés mais faites croire aux gens que tout va bien entre vous. Un an que vous êtes séparés mais personne n’entame la procédure de divorce. Un an qu’Orémi et moi sommes devenus complices de votre mensonge. Je préfère penser que c’est un appel au secours, que vous avez essayé de gérer à deux comme un couple, et avez maintenant besoin d’une aide extérieure. Orémi ?

-je voudrais te demander à toi Kaya de te rappeler des paroles d’Otima quand tu nous a annoncé que tu allais te marier. « La fougue s’estompe, l’amour peut finir, à ce moment il te faudra t’accrocher à quelque chose de fort. » Je me suis mariée à l’église, et c’est une grâce parce qu’il y a des préparations au mariage avant la cérémonie. Je ne parle pas d’apprendre à faire l’amour ou la cuisine, je parle de préparer un couple à devenir un époux et père, une épouse et mère. On vous met devant certaines situations pour comprendre que l’engagement que vous êtes en train de prendre c’est pas un jeu. C’est pour ça que l’église n’accepte pas le divorce. Tu signes jusqu’à ce que la mort vous sépare. Malheureusement vous n’êtes pas croyants, vous n’avez pas non plus été préparés. Ni aux épreuves, encore moins à la maladie.

-aujourd’hui, reprend Ben. Vous allez vider vos sacs, vous parler. Nous ne sommes pas experts mais nous allons faire de notre mieux pour jouer les rôles de médiateurs. Kaya s’il te plaît, dis à ton mari ce que tu lui reproches. 

J’hésite à prendre la parole. Je regarde Armand qui me fixe, j’ai toute son attention. Je ne sais pas comment commencer, par où commencer.

-je préfère lui donner la parole en premier.

Tous les regards sont sur lui. Enfoncé dans son fauteuil il me fixe toujours.

-est-ce que tu me tiens responsable de la mort de nos enfants ? Respecte-nous et dis la vérité.

-un peu.

-parce que j’aurai dû te parler des conséquences de notre condition en ma qualité de médecin.

-oui.

Il n’ajoute plus rien.

-en ta qualité de médecin tu connais la psychologie. En ta qualité de médecin tu as été formé pour faire face à une personne endeuillée. Je n’en voulais pas qu’à toi. J’en voulais à mes parents, à la structure hospitalière dans laquelle j’ai vu le jour, à moi-même, au monde entier. Tu as été formé pour comprendre ça. Je faisais l’effort chaque jour de me lever et mettre un pied devant l’autre, d’être là pour ma famille mais vous m’en demander toujours plus. Plus que je n’en étais en mesure de donner.

-et c’est pour ça que tu es partie ? me demande Ben. Parce que tu ne te sentais pas comprise ?

-il sait pourquoi je suis partie. Ce qu’il a dit ce jour. Tout ce que je voulais c’était un peu d’espace, je ne méritait pas que tu me dises ça.

-que tu ne mérites pas d’être mère ?

-juste avant.

Il ne répond pas. Il sait de quoi je parle.

-Armand. Tu veux rebondir ? demande Orémi.

-je sais que ce soir là j’étais à bout et que j’ai dit des choses que je ne pensais pas forcément pour te faire réagir.

-j’ai toujours été présente pour les enfants. Malgré le chagrin, j’étais là pour eux.

-et pour ton mari ? Je ne parle pas de devoir utiliser un préservatif pour baiser ma propre femme, je ne parle pas de te donner à moi uniquement par obligation, je te parle d’être là pour moi alors que je venais de perdre mon fils. Car c’est au décès de Pierre-Vivian que tout a commencé.

Ben et Orémi se sentent gênés et veulent partir mais Armand les en empêche.

-ça ne me gène pas d’en parler devant vous.

-je n’en avais pas la force tu voulais que je fasse quoi ? Quand c’est vous qui me demandiez sans cesse de refouler ma peine et avancer comme un robot.

-et le psy ? Pourquoi je suis allé là voir.

-et c’est tout ce que tu as fait. Tu m’as forcé à oublier que j’avais perdu un enfant.

-tu sombrais Kaya. il rétorque en haussant le ton.

-bas peut-être que c’était un mal pour un bien. Peut-être que j’avais besoin de rester au sol pour reprendre des forces. J’ai fait tout ce que tu voulais mais il fallait que tu demandes encore plus.

-non mais j’hallucine. Du grand n’importe quoi !

Plus personne ne parle.

-donc qu’est-ce que vous décidez ? Perso je ne comprends rien de votre histoire et nous ne sommes pas là pour ça. Qui a tort ? Qui a raison ? Quelle est cette parole ? Ce n’est pas le plus important. La question est, cette parole dite a-t-elle sonné le glas de votre mariage ?

-quel mariage quand Madame s’envoie en l’air devant mes enfants avec un autre ? Avec mon alliance au doigt !

Le ton utilisé était loin d’être amical.

-je n’ai jamais couché avec lui devant tes enfants, c’est arrivé deux fois avant qu’il n'aménage ici contre mon gré. 

-prends-moi pour un con en plus.

-je dis la vérité ! Je n’étais pas en couple avec lui, et je suis allée vers lui quand tu as présenté une Émilie à nos enfants.

-je n’ai présenté personne à qui que ce soit. Les enfants se sont fait des films et si tu tenais encore à ce mariage tu aurais cherché à en savoir plus. Tu aurais creusé et découvert que c’est une cousine et partenaire de footing. Mais tu n’en as rien à foutre de moi, de notre mariage.

-ce n’est pas vrai. j’avoue à voix basse.

-ah oui ?! Oui Kaya ? Et en douze mois qu’est-ce que tu as fait pour arranger les choses ?

-j’avais besoin de temps.  Armand arrête de faire comme si tu ne savais pas.

-maintenant tu auras tout le temps et la liberté dont tu as besoin.

Il se lève et part. Ma poitrine me fait soudain extrêmement mal. Si mal je m’assoie à même le sol en la tenant. Orémi se met juste à côté et se contente de m’appuyer l’épaule. La voiture démarre et quitte la concession, mon cœur avec.

Puis on entend des pas. Armand est de nouveau dans le salon, il est en colère et essaie de se maîtriser.

-est-ce que je dois entamer la procédure de divorce oui ou non ?

Je secoue la tête de gauche à droite.

-c’est oui ou c’est non ?

-non.

Il ressort comme il est entré.

-bon bah bon déménagement, moi je vais au travail. annonce Ben en se levant.

          ***Hearly***

-je t’avais bien dit que le travail n’était pas terminé, se fâche papa Bongolo. Tu es parti sans jamais revenir maintenant tu veux quoi ?

-je n’avais pas assez d’argent. Papa fais quelque chose. Je ne peux pas rester dans la minuscule maison de ma mère.

-le problème avec toi c’est que tu n’es pas patient en plus de vouloir tout en même temps. Tu veux quoi ? Attiré une femme n’importe laquelle, cadenasser les blanches ou ta Kaya la ?

-tout papa ! Ce qui marche je prends. Mais Kaya reste la priorité, au moins avec elle j’ai déjà une certaine garantie. Je pars déjà de chez ma mère.

-d’accord ! Laisse-moi consulter les génies, reviens dans trois jours. Mais prévois déjà au minimum trois cent mille francs.

-c’est pas un problème ça. Maman va toucher sa pension demain.

Qu'est-ce que l'amour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant