Serpent & Lit

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Brann commençait vraiment à se faire chier dans ce trou moisi. Aussi, quand Thorn Spic, leur tuteur, vint leur rendre visite accompagné de ses collègues, il sauta sur l'occasion : il demanda du travail. Céleste haussa un sourcil face à cette demande avant d'y adhérer elle-même, suivie de près par Mentham. Tant qu'à faire, se disait Brann, autant infiltrer le réseau directement. Plus on se montrera coopératifs, plus tout ça atteindra sa fin. Peut-être même que nous travaillerons sur notre procès, qui sait ?
Thorn fut en premier lieu surpris - pincipalement car il avait d'autres plans pour la journée, puis se tourna vers ses camarades, et conclut à travers leurs regards amusés, qu'un tel projet était envisageable.
« - Mais avant toute chose, petits garnements, vous apprendrez que travailler ici, ce n'est pas une tâche aussi aisée qu'il n'y paraît.
Mint se tourna vers Brann, chuchotant à son oreille :
- Sérieusement, comment une telle idée t'est venue à l'esprit ?
Il grimaça.
- Je ... je ne sais pas. J'ai l'impression que de leur côté, Enora et Nacht vont faire pareil. Finalement, on est pas si en retard sur le planning.
Mentham marqua son étonnement :
- Mais comment peux-tu sentir ça ?
- Tu vois, Nacht et Enora ont une connexion, dont nous ne connaissons pas encore l'origine, mais j'ai l'impression que je suis aussi liée à elle.
- Comment ça ?
- Il y a quelques semaines j'ai fait un rêve sur un corbeau qui s'est métamorphosé en homme. Et depuis, je sais qu'Enora le connait aussi, et à travers cet individu, nous sommes reliés. Très faiblement, bien sûr, mais je le sens particulièrement quand il est question de faire des efforts. J'ignore encore pourquoi. Et j'ignore pourquoi il nous a contactés, Enora et moi.
- Donc, résuma Céleste qui s'était jointe à eux, dis-moi si je me trompe, tu nous a caché tout ça pendant des semaines. Bravo l'amitié. Enfin, amitié, c'est à se demander si tu es toujours notre ami.
- Céleste, s'il te plaît, tempéra Mentham. Il en avait plus qu'assez de cette tension incessante entre ses deux amis. Celle-ci, qui était probablement partie d'un rien (Mint ne se souvenait plus exactement), était à présent innée. Comme si, depuis le départ, elle était tapie dans l'ombre, attendant la moindre faille pour jaillir.
Thorn éleva la voix :
- Vous avez fini votre conciliabule, oui ou non ? Ça fait trois minutes que vous vous concertez, ça tire un peu en longueur, votre histoire. »
Les jeunes s'alignèrent devant Thorn qui les mena jusqu'au bureau de Seamróg. Celui-ci était débordé de travail mais il accorda un peu de son temps à ses protégés. Seamróg était un homme sympathique, certes, mais Brann se souvint de ses idées arrêtées qu'il avait évoquées sur le chemin vers Revocity. Il affecta à chacun un travail, mineur bien évidemment. Mentham, qui avait beaucoup appris avec Lucy sur les humains grâce à Enora, se retrouva dans la section CSSH « Campagne de sensibilisation aux sciences humaines ». Brann, lui, fut engagé comme ouvrier, étant donné qu'il lui restait des pouvoirs physiques ; Céleste, quant à elle, fut condamnée à nettoyer les toilettes du 4ème étage.
La journée fut plutôt exténuante, même pour Céleste pour qui le temps de travail était court mais intensif. De retour au manoir principal, les trois amis se retrouvèrent dans la chambre des garçons.
- C'était passionnant, raconta Mentham. Il y avait une dame qui était résidente de cette ville depuis 16 ans déjà ! Et elle ne s'y connaissait pas du tout en technologie. Je lui ai montré une télé, et je lui ai dit que ça ressemblait à nos « écrans spontanés » et alors elle a compris.
Brann s'écria :
- Putain, Mint, tu vas jamais la fermer ??
- Sauf que nous, tu vois, on utilise pas la science pour animer des images, on utilise les pouvoirs d'illusions mineures des Tempêtes Vertes, alors que eux, ils exploitent le fonctionnement de la lumière, et tout ! Et puis y avait aussi un vieux pépé qui n'avait jamais entendu parler de Louis XIV mais c'est drôle puisque justement nous on est allé à Versailles, donc j'ai pu...
- Mon dieu mais faites-le taire, supplia Céleste.
- Moi, interrompis Brann, j'ai produit une grosse ressource en matière de feu pour les métallurgistes. Et à midi, j'ai même fait un barbecue. Après, j'ai fait brûler les déchets du quartier.
Certains d'entre vous diront, mais c'est pas très écolo tout ça, et vous avez raison. Mais chez les Tempêtes, on sait pas ce que c'est que les gaz à effet de serre, vu qu'il n'y a pas de ciel.
Céleste ne fit pas un résumé de sa journée. Inutile de préciser pourquoi.
- Mais t'as pas passé toute la journée aux toilettes quand même ? s'inquiéta Mint.
Céleste rougit.
- Arrête de dire ça, on dirait que je suis malade, ou je sais pas quoi. Et puis après, non, j'ai pas fait que ça, j'ai aussi passé le balai dans toutes les cuisines.
- T'étais obligée de faire ça ? T'aurais pas pu tout simplement créer un courant aérien qui dirigerait les détritus vers la poubelle directement ? fit remarquer Brann.
Céleste rougit de plus belle.
- Je ... j'y avais juste ...
- Pas pensé ? Ça m'étonne pas.
Aussitôt qu'il prononça cette phrase, Brann la regretta. Il n'avait rien contre Céleste, il n'était même pas fâché contre elle, mais quand il recevait de la haine, il en donnait en retour. Systématiquement. Parce que c'était dans sa nature de Tempête Rouge.
Céleste ne put répliquer car Monsieur Spic toqua à la porte de la chambre.
Sa tête passa l'entrebâillement de celle-ci.
- Vous vous souvenez ce matin quand je suis venu vous voir ?
Les trois enfants chefs hochèrent la tête.
- Vous imaginez bien que j'avais quelque chose à vous dire, mais que je ne l'ai pas fait parce que vous m'avez interrompu avec vos bêtises et vos caprices, dit-il un sourire en coin.
Nouveaux hochements de tête.
- Et bien, je crois que ça va vous plaire : ce soir, on organise une soirée combat !
Mint fit la moue.
- et pour vous, continua Thorn, combat ... de pouvoirs !!!!
Brann eut un moment de recul quand il pensa que c'était plus pour le divertissement des Féroces que « pour vous » que le combat était organisé, mais il s'avoua qu'il manquait d'entraînement.
Ce soir-là, ils descendirent tous dans la partie du village « habitée » et non pas la partie destinée à la production ou au travail (là où se déroulaient les combats dans les granges). Comme les jeunes avaient pu le voir lors de leur première visite, le paysage était structuré par des « étages » naturels, des plateformes sous-jacentes, sur plusieurs kilomètres. Ils s'arrêtèrent à l'avant-dernier niveau. On pouvait sentir l'eau chuter au-delà de cette frontière. La falaise vertigineuse semblait ne pas avoir de pied. Impossible que cela existe dans le monde humain, pensa Mentham. C'est peut-être la « modification de l'espace » des Tempêtes bleues ?
Thorn retrouva ses camarades qui accueillirent les trois invités comme des rois. Ils les firent s'asseoir sur trois trônes.
Le combat avait lieu sur une prairie laissée libre car bon nombre de personnes appréciaient y pique-niquer. La vue était incomparrable, et un nouvel édifice l'aurait gâchée. Les habitants des maisons alentours allumèrent leurs lumières, curieux du spectacle qui allait se dérouler dans la nuit. L'assemblée était répartie sur des gradins qui avaient été creusés dans la roche de la falaise du dessus. C'est en pensant que c'était bien pratique que Brann eut le loisir de constater qu'aux niveaux supérieurs, même des maisons étaient sculptées dans les falaises. On pouvait dire sans aucun doute, que vu d'en bas, Revocity avait du charme. En tout cas, bien plus que toutes les granges du quartier professionnel.
Les Féroces avaient organisés un tournoi. Brann y prêta une fausse attention car celle-ci était concentrée sur ses différentes techniques. Les Tempêtes rouges étaient puissantes, certes, mais leurs pouvoirs étaient moins variés que ceux des autres. Il y avait le feu, la force physique, les implosions, les explosions. C'était les plus connus. Il y avait aussi la capacité de doubler sa force de frappe grâce à une augmentation de colère ressentie - et donc une forte motivation, et puis celle de minimiser la précision de l'adversaire, en lui injectant une colère qui lui faisait voir flou. Création d'un avatar jusqu'à dix fois plus grand que soi. Fragilisation matérielle. Fragilisation psychologique. Modification de la mémoire sur des évènements incriminants, Aveuglement temporaire, Transformation corporelle. Mouais. Savoir se déguiser et changer la mémoire de son adversaire n'était pas forcément très efficace en plein combat.
Enfin, ce fut au tour des trois jeunes d'attirer l'attention sur eux. Il fut décidé que le premier combat concernerait Mentham et Brann.
Thorn les fit descendre de leurs trônes et leur indiqua leur position initiale. Ils étaient à deux mètres de distance. Beaucoup de lumières s'étaient éteintes au fil des combats précédents, mais elles se rallumèrent successivement, tant l'admiration - une admiration précoce pour ceux qui avaient encore pleinement leurs pouvoirs - se faisait ressentir.
« - Tu es prêt, Brann ?
- Ouais, carrément. Quand je pense que Thorn doit avoir amassé un sacré paquet de fric pour nous avoir vendus comme ça.
- C'est clair, il est censé prendre soin de nous, de base ! »
Ils avaient parlé assez fort pour que Thorn les entende. Car le message était clair : s'il nous arrive quelque chose, tu ferais mieux d'arrêter le combat, ou tu vas payer.
Le silence planait. Le « top » avait déjà été donné mais aucun des deux ne bougeaient. Se battre dans un contexte comme celui-ci, de manière facultative, alors qu'eux devraient vraiment se battre contre Tin et Ruby un jour ou l'autre, leur semblait dérisoire. Néanmoins, il fallait bien s'exercer un peu. Alors Brann fonça dans le tas. Il courut sur Mentham, fendit l'air d'un coup de coude et perdit l'équilibre. La raison pour laquelle il perdit l'équilibre était qu'il avait tout bonnement traversé Mint. Foutue illusion mineure. Brann forma alors des cercles de feu de diamètres différents ayant pour centre le milieu du terrain. Ainsi, il parcourut les différents « couloirs » de feu pour localiser Mint qui ne pouvait traverser les flammes. Quand enfin il le trouva, il lui offrit un coup de poing dans le ventre. Mais son poing resta bloqué sur le ventre de Mentham. « J'ai refermé mon bouclier de protection au moment où tu m'as mis le coup, grâce à mon Anticipation. Ton poing est coincé. ». Mint abattit un premier coup sur la tête de Brann mais celui-ci lui fit prendre feu, faisant reculer Mint d'un bond. Brann invoqua une foudre clémente sur Mint ce qui l'immobilisa pour une durée de 30 secondes. Brann brandit sa main vers le ciel et une pluie de lave s'abattit autour de Mentham. À présent, c'était lui l'emprisonné. Depuis leurs quelques mètres de distance, Mentham lança : « Ah oui mais c'est bête, pour gagner, il faut que je reste au sol pendant au moins cinq secondes. Tu peux toujours créer un tremblement de terre, je ne tomberai pas ! » Brann décida de prendre Mint au pied de la lettre et il enclencha son pouvoir qui lui permettait de faire trembler tout ce qu'il touchait. Il voulut l'abattre sur le sol. Mais avant que ses mains n'atteignent le sol, une force inexpliquée lui fit retourner ses mains contre lui-même. Il trembla comme une feuille mais resta debout. Mentham poussa alors un énorme hurlement, Brann eut l'impression qu'il était déchiré, ou bien que des multitudes d'ondes s'entrechoquaient autour et avec lui. Celles-ci augmentèrent la puissance du pouvoir de tremblement de Brann, et il tomba au sol. Il avait échoué. « Renvoi d'attaques de pouvoirs physiques en premier lieu, puis Ondes Fracassantes ensuite pour appuyer sur le principe de ton pouvoir. Les Ondes Fracassantes servent souvent à se protéger en éloignant les prédateurs mais ici il se trouve qu'il augmentait la puissance de ton pouvoir », expliqua Mint. Enfoiré, pensa Brann, il avait anticipé le putain de foutu tremblement de terre. Les flammes s'éteignirent, les tremblements s'adoucirent. Brann pouvait entendre son souffle et le sentir se répandre au dessus de sa bouche. Son coeur battait à tout rompre. Jamais il n'aurait pensé perdre face à Mentham. Il se leva lentement et passa sa main sur les yeux. Il s'était rendu compte de son arrogance. Mint se rapprocha de lui, et au moment où ils se serrèrent la main, la foule dans les gradins les acclama.
« Quel spectacle, commenta Thorn en ramenant Brann à son trône. Ça faisait des années qu'on n'avait pas vu un affrontement aussi fougueux ! Le public vous aime, croyez-moi. Bon, à vous deux, Céleste et Mentham ! »
Céleste haussa un sourcil, elle aurait pensé que le perdant combattrait en premier, mais en fait, c'était plus logique qu'il se repose. Elle ferma sa veste verte et noua ses cheveux.
« Fais-moi penser à aller voler de la nourriture, chuchota-t-elle à Mentham quand ils furent au milieu de l'enceinte. Tu sais, pour quand on partira. » Mentham sourit puis s'éloigna afin de laisser place au début du combat.
Et aussi vite que le premier combat s'était lancé, Céleste engagea le deuxième ; elle forma au pieds de Mentham un trou de sa taille, dans lequel il tomba. Céleste avait retenu que même en étant immobilisé, il pouvait utiliser ses pouvoirs à distance, donc elle lui avait bloqué sa vue. Elle remodela la terre pour creuser une crevasse aux pieds de Mentham qui faisait sa taille s'il était allongé. Ensuite, elle courut, se projeta au dessus du trou et y lanca une rafale de vent. Elle durcit la terre sous les pieds de Mentham tout en conservant l'humidité, et avec la force de vent, il glissa, directement dans la crevasse. Il devait ainsi rester en position allongée, le temps suffisant, presque enterré vivant. Enfin, en théorie ; mais Mentham fit émaner de lui une bulle protectrice, qui en s'élargissant, écartait la terre. Il revint à la surface.
« Pas mal, pas mal, j'avoue que si j'avais été claustrophobe, ça aurait très bien marché », admit Mentham.
Céleste comprit que dans un combat comme celui-ci, il y avait celui qui se défendait bien, Mentham, et celui qui attaquait bien, elle. Alors, il était aussi difficile pour elle de gagner que pour Mentham de perdre. C'était sans issue. Alors Céleste s'enferma dans un cocon de lianes et se reposa. Elle comptait battre Mint à son propre jeu. Elle était invisible dans son cocon. Elle souleva un petit peu de terre petit à petit successivement du cocon à Mentham comme le trajet d'une taupe ; mais de manière assez discrète pour que Mint pense avoir un coup d'avance. Mint recula face au petit soulèvement de terre. Céleste le força à reculer jusqu'au cocon, d'où elle l'attrapa. Elle enserra les lianes, emprisonnant Mentham dans un lit de verdure. Elle le fit rouler sur le côté, attendit cinq secondes, et remporta la manche.
Mint applaudit Céleste en même temps que les autres.
Le troisième et dernier combat fut déclar sans plus de cérémonie, et Brann se déplaça jusqu'au plateau.
Cette épreuve offrait à Céleste et Brann un tout autre niveau de la dispute. Ils allaient se battre sérieusement et autrement qu'avec des mots.
Le décompte fut lancé. Ensuite, tout se déroula très vite. Brann lança quelques boules de feu - à côté de sa victime, il ne voulait pas risquer de la blesser - mais Céleste dressa un grand mur d'eau. Brann se jeta travers mais Céleste la fit durcir en glace. « - On dirait que tu as un don pour retenir les hommes prisonniers.
Céleste s'empourpra avant de lui jeter un regard noir.
- Tu as beau jouer le passe-muraille, je finirai toujours par te coincer. Pour tes crimes.
Brann écarquilla de grands yeux. Il augmenta la chaleur de son coeur pour se libérer de la glace et tandis qu'il jetait sur elle de multiples charges électriques faibles qu'elle amortissait avec un bouclier de bois, il continua de parler.
« - Je n'ai rien fait. C'est toi qui est d'ne humeur insupportable ces derniers temps. C'est toi qui m'attaque.
- Je ne parle pas de ça.
- Je ne sais pas de quoi tu parles.
- Tout ce temps je n'ai rien dit à Mint, mais depuis que nous sommes si ... si proches les uns des autres, je me rends compte que j'ai été une vraie pourriture.
Brann fit la moue. Son expression s'orientait à la fois vers la colère et la tristesse. Les yeux de Céleste brillaient de rage.
- Mais pas pire que toi ! Et dire que ...
- Dire que quoi ?
Brann avait finalement opté pour la colère. Il fumait. Il écumait de frustration face à la sensation d'être perdu à propos des raisons pour lesquelles Céleste lui en voulait tant.
- Dire que je te faisais confiance !
- Je ne sais pas de quoi tu parles ! hurla Brann.
Céleste siffla. Elle appelait les chiens alentours. Malheureusement, il n'y en avait qu'un de disponible, et on l'entendait couiner derrière la porte de la maison où il logeait.
- Tu essaies d'appeller des chiens ?! Aie au moins l'honneur de finir cette discussion !
- Je n'ai pas besoin d'aller chercher un chien, j'en ai un juste devant moi ! »
Brann aurait beaucoup ri à l'époque où Céleste et lui s'entendaient à merveille. Avant qu'elle ne change totalement de bord. Mais bon, les temps étaient différents, ils changeaient, et Brann s'en voulut de l'avoir oublié. Pour bien montrer que lui aussi pouvait tourner la page, il envoya sur Céleste une vague de flammes. Elle lévita assez haut pour que celle-ci ne la touche pas mais elle commençait à s'affaiblir.
- C'est quoi ton problème, putain ! Sale psychopathe !
Céleste s'approcha férocement de Brann et elle lui prit le poignet. Il fit de même avec son autre bras, au même instant, et tous les deux s'affalèrent simultanément sur le sol. Céleste avait eu le temps de sentir la main de Brann brûler son poignet, et celui-ci de voir celle de Céleste cacher une tête de serpent. À défaut de rallier les chiens pour le mordre, elle avait tout bonnement choisit la morsure de serpent. 

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- On est vraiment dans la merde, c'est ça ? soupira Enora.
- On peut dire ça. Ça veut dire que d'une façon ou d'une autre on va devoir séjourner ici plus longtemps que prévu. Et c'est risqué.
Hedere s'exclama :
- Tranquille, mec. T'sais, au pire, on a qu'à y aller direct, on fonce dans le tas, on démonte tout sur notre chemin, la routine haha ... tu verras c'est marrant. On s'y fait.
Nacht haussa à peine un sourcil puis s'engagea dans les escaliers qui les menaient à leur chambre ; Arvehn les avait guidés vers une cabane en bois haut perchée, à quelques centaines de mètres de là où ils étaient arrivés. L'endroit - le sanctuaire - se décomposait en quartiers très peu différentiables les uns des autres aussi était-il compliqué de s'orienter. Ce logement abritait un ami d'Arvehn dont les fils étaient partis vivre chez les Spirites, donc il avait des chambres à disposition pour des invités comme Nacht, Enora ou Hedere. Les lianes et les passerelles faisant communiquer les cabanes entre elles obscurcissaient le paysage en obstruant la lumière. C'était un curieux choix de lieu de vie pour un peuple aussi lumineux.
La cabane était en réalité un assemblage de pièces à des niveaux d'altitude différents. Hedere ouvrit la première porte qu'il rencontra : elle ouvrait sur la cuisine. Il vola quelques gourmandises, maudissant le manque d'amandes, et ensuite fouilla les lieux à la recherche d'un lit. Quand les trois jeunes aventuriers eurent trouvé un lit, la tentation de dormir pour la première fois depuis longtemps dans un endroit confortable fut trop forte et ils sombrèrent immédiatement dans un profond sommeil.
Nacht se réveilla aux alentours de l'heure du coucher du soleil. Il attendit sagement le réveil de ses camarades. Il fomentait pendant ce temps là une tactique qui leur permettrait d'avoir accès aux documents top secrets. « Au pire, on a qu'à y aller direct ». Les meilleurs mensonges étaient ceux qui n'en étaient pas vraiment. Pour mentir, il faut ne pas mentir, pour mentir, il faut pointer du doigt ce qui a l'air suspect. Donc le meilleur moyen d'un jour pouvoir profiter de ces documents secrets, c'était de reconnaître qu'ils étaient leur objectif, mais pour un motif différent. Et Nacht était un descendant royal : les motifs, ils les avaient tous.

Ebony WarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant