Cabanes & Accords

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Couloirs après couloirs, Céleste se sentait errer. Elle tentait de trouver son meilleur ami Mint qui devait la chaperonner. Azul, son père, avait spécifié qu'ils auraient l'occasion de passer deux semaines ensemble dans leur maison de vacances, une somptueuse demeure en bord de lac. Pour autant, même s'ils se verraient bientôt, Céleste tenait à retrouver son très cher Mentham, appui de toujours. Ainsi s'était elle retrouvée à poursuivre celui-ci dans son palais. Seulement elle y était depuis une bonne demi-heure et elle ne n'aboutissait à rien. Il était tout simplement absent. Alors que ces pensées se formulaient dans sa tête, Céleste crut apercevoir une silhouette au bout d'un énième couloir. Elle l'interpella mais ne reçut aucune réponse. Elle se lança à sa poursuite et se retrouva nez à nez en face de Brann. Son cœur fit un bond, et elle jeta avec une négligence voulue :
« - Qu'est-ce que tu fais là ?
- Pars ! lui ordonna le garçon, l'angoisse dans les yeux.
Il bloquait l'entrée d'une chambre. Curieuse comme tout, Céleste se débattit pour ouvrir la porte. Elle tomba sur un cadavre. Elle reconnu Jade, la reine des Verts en personne, morte, étendue au sol dans une mare de sang. Céleste s'évanouit.

C'était quatre ans auparavant. Céleste en était certaine : Jade était morte, et avait été remplacée par une autre femme. Personne ne le savait, hormis Brann et elle probablement, et selon Brann, elle ne le savait pas. Elle fit semblant ce jour là d'avoir tout oublié - elle avait terriblement peur de ce qu'il pouvait lui arriver vu ce qu'il avait fait à Jade. Elle présuma qu'il avait voulu se venger de l'adultère commise par Jade et le père de Brann, seulement elle n'osait que l'imaginer tant l'accepter était dur pour elle. Jamais elle n'avait témoigné de cette scène, pour Brann et pour la diplomatie probablement. Brann était son ami de toujours et la diplomatie son devoir, mais dès que Brann s'était fait meurtrier, Céleste ne pouvait plus être naturelle avec lui. Il ne serait qu'un rêve nié et refoulé, qu'on juge avec le dégoût du temps qui est passé et qui faisait de nous quelqu'un de parfaitement ridicule. Alors tout ce que Céleste voulait faire, c'était se taire et oublier. Oublier qu'elle portait le fardeau du secret, des cachotteries qu'elle faisait à Mentham. La mère de son meilleur ami avait été assassinée et aucun mot sur ce sujet n'était sorti de sa bouche. Petite, on lui avait souvent parlé des complots et de la cruelle complexité de la cour du Roi mais ce n'était resté pour elle que l'équivalent de fantasmes d'adolescentes. Alors, penser qu'il était possible de tuer une reine - pas juste un noble - sans que cela soit aperçu, ça paraissait infaisable. C'était une large zone d'ombre que Céleste ne pouvait pas se permettre d'aborder avec Brann. Techniquement, elle l'avait vu avec le cadavre, mais elle savait bien qu'au fond ce n'était pas lui. Car ce n'était pas lui. Elle le savait, il n'était pas asdez intelligent pour commettre un crime aussi discret. Mais les portes de la langue sont infranchissables quand le matériau est trop lourd. Céleste haïssait sa lâcheté et son dévouement, ses sentiments trop poussés et son statut d'amie envers Mentham qu'elle ne méritait pas, qu'elle ne pensait pas mériter.
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Lucidnost avait enfin pu récupérer. La fatigue anéantissait ses capacités mentales. Tout d'abord, Askatasuna l'avait lancée sur la poursuite de Céleste, Brann et Mentham, tout cela pour camper à l'extérieur de leur village magique. Enfin concrètement, elle n'était pas avec eux, mais elle les suivait. Les deux femmes avaient beaucoup échangé durant ce périple, et Lucidnost avait conscience de son objectif. Retrouver Céleste, Brann et Mentham pour les faire rejoindre Branhilde. Askatasuna voulait juste sa soeur. Elle avait fouillé le sac que Lucy avait perdu, y avait découvert la vérité et détourné l'attention de la Communauté des Innocents qui lui collait à la peau en les menant vers le groupe de Nacht et Enora, celui qui ne se rendait pas à Branhilde. C'était bien Askatasuna qui avait mené Ciall et les autres à Enora et Nacht. En clair, elle voulait, toute seule, se débrouiller pour rejoindre Branhilde, plus précisément, sa sœur Saorsa. Elle voulait l'aider dans son projet, le projet officieux de Proditor qu'elle venait de comprendre. C'était le seul moyen de libérer sa soeur : lui faire accomplir sa mission. Et maintenant, il fallait se débrouiller pour reprendre contact avec le trio. Saorsa ne serait à Branhilde qu'une fois que les héros y seraient.
Tout ce que Lucidnost pouvait dire, c'est qu'Askatasuna était une bête assoiffée de sang, sans aucune éthique et sans pitié. Pas spécialement intelligente certes, mais véritablement impressionnante. Il y avait certaines images que Lucy ne pourrait jamais effacer et ne se le pardonnerait pas. Une fois, elles avaient occupé une maisonnette dans les bois pour suivre le trio à la trace. C'était là que Lucy apprit qu'Askatasuna était une protectrice des forces de la nature : lorsque celle-ci vit, accrochée fièrement au dessus de la cheminée, une tête de cerf empaillée, elle entra dans une rage folle et extermina tous les résidents en dehors de Lucidnost, terrorrisée, assistant au massacre. Les larmes vinrent toutes seules mais s'arrêtèrent net quand une dague se fit sentir sur sa gorge. « Je n'aime pas le bruit. » avait dit Askatasuna. Si Lucy en avait eu le courage, elle aurait répliqué que les mortels qu'on assassine sont assez bruyants, mais rares étaient les fois où Lucidnost avait l'esprit de bravoure. C'était une vraie lâche malgré elle. Elle aurait tant aimé resplendir par sa vaillance comme le faisaient Brann ou Enora.
- Tu es lâche mais à l'instant où tu auras sauvé les gens qui comptent vraiment, tu ne le seras plus.
Askatasuna avait parlé sur un ton ferme et c'était une fois de plus terrifiant de savoir l'étendue de ses capacités.
- Vous ...
- Je ne lis pas dans les pensées. Contrôle ton visage et ta gestuelle si tu veux que l'on ne sache rien de toi.
Ces mots semblaient lui avoir coûté une grande volonté puisqu'elle se renferma dans le silence directement après avoir bu un peu d'eau. Pas étonnant, après avoir vécu une vie solitaire, d'être essoufflée à chaque discussion. Il était même étonnant, vu son silence régulier et son comportement bestial, qu'elle sache aussi bien s'exprimer. Cela faisait d'elle une redoutable ennemie, et Lucidnost en avait bien conscience. Elle, en revanche, n'était pas habituée à être murée dans le silence. Elle n'était pas extraordinairement bavarde mais elle avouait que se taire pendant plusieurs jours, c'était à en devenir fou. Point de plus pour le charisme d'Askatasuna. Celle-ci avait par ailleurs finalement troquée son éternelle cape en fourrure contre un haut court en cuir noir et marron qu'elle avait accessoirisé avec un fin voile bleu nuit. Le rouge aurait plutôt été de son goût, avait pensé Lucy, et c'était sûrement la pensée des vendeurs, mais personne n'avait osé exprimer cette idée par peur de la contrarier. Parfois, dans les œuvres de fiction, les grands méchants disent apprécier les jeunes avec du caractère, les héros qui osent leur foutre des baffes ou les insulter et menacer, mais la profonde réalité, et c'est ce que l'expérience de Lucidnost auprès d'Askatasuna avait pour conclusion, c'était que peu de gens aimaient la critique, encore moins ceux qui n'en avaient pas l'habitude. Leur sentiment de supériorité ne se maintenait pas autrement qu'avec un appui sans faille.
Lucidnost savait qu'Askatasuna s'était engagée à sauver sa soeur. Askatasuna avait tout planifié dans les moindres détails, malgré le fait qu'elle ait dû changer de plan, celui initial étant de se rendre au Ebony Hope et de la convaincre d'abandonner son travail. Elle s'était en premier lieu associée à la Communauté des Innocents, puis avait espionné les enfants chefs, avant de trouver la vérité sur le plan officiel des Tempêtes Rouges et Grises à l'aide des documents contenus dans le sac de Lucy. Elles en avaient déduit le plan officieux - celui que Proditor avait mis en marche. C'était ainsi, en connaissant le réel but de Ruby et Tin, qu'Askatasuna avait pu concevoir une tactique qu'elle allait mettre à l'épreuve pour aider sa soeur.

Ebony WarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant