Jardinage & Psychologie

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Nacht pensait au jardinage. Les plantes n'étaient pas forcément de son goût, mais il avouait sans rechigner qu'un beau paysage n'était pas désagréable. Son esprit le guidait à travers les arbres. Ce décor avait quelque chose de familier, pourtant, il tournait en rond. Il décida alors de s'extirper de sa rêverie pour se reconcentrer. Toutefois, il ne pouvait pas maîtriser ses pensées. Il les organisa hiérarchiquement, les unes après les autres, dans un ordre dans lequel il allait les traiter. C'était le fort des tempêtes grises ; la réflexion méthodique. Nacht tenta de visualiser la situation actuelle ; pouvait-on dire qu'Enora était une inconnue, s'il avait déjà rêvé d'elle et qu'apparemment elle aussi ? Il observa les membres de la petite réunion qui se déroulait. C'était tout le contraire d'un brainstorming, mais ils étaient tous tellement préocuppés qu'ils devaient d'abord s'accorder avec eux-mêmes. Nacht se concentra sur chaque individu. Brann était assis dans un grand fauteil de velours, avec un air pensant digne des plus grands philosophes. Lucidnost s'amusait avec les cordelettes des rideaux. Elle avait juste l'air de vouloir passer le temps. Visiblement, ses nerfs étaient à vif, il aurait fallu une quinzaine de minutes encore passées dans le silence pour qu'elle se mette hors d'elle face à l'inertie des autres. Nacht eut un moment de rejet en pensant aux autres. Parfois, il lui arrivait de réellement penser qu'ils étaient incroyablement stupides. C'était méchant, mais il ne le cachait pas. Cela lui attirait souvent des critiques - d'être méchant. Mais il ne faisait pas exprès. Il pensait comme cela. Il ne le refoulait pas. Céleste surveillait Mint d'un oeuil et semblait somnoler de l'autre. Bizarrement, Mint était particulièrement lugubre, alors que, seulement quelques heures avant, il rayonnait, Nacht l'aurait juré. Mint appréciait les fêtes et toute autre expression de légèreté.
Et Enora ... elle manquait à l'appel. Nacht sauta sur ses pieds et courut, sans plus donner d'explications. Il savait où elle était. Il l'avait vue, il l'avait imaginée un peu plus tôt, dans un jardin. Ce jardin, c'était le leur, Nacht l'avait quasiment reconnu, et elle s'évertuait à trouver la sortie, mais tournait en rond. Nacht se précipita, dévala les escaliers et fonça droit devant. Cinq minutes plus tard, il la rattrapa, et découvrit Enora posée sur une table en pierre couverte de mousse.
« Montre-moi la sortie », ordonna-t-elle.
Nacht tenta de la raisonner : « - Enora ... Si la situation actuelle parait complexe, je te promets de l'éclaircir. Je ne dessers que ce but : comprendre de quoi est fait notre futur. Je dis bien notre ; car il est commun à nous six, Enora. Il n'est rien que nous puissions faire sans ton aide.
- Tu ne sais même pas pourquoi je suis là.
- Toi non plus et pourtant, au fond de toi, tu sais que c'est important. Il y a ce petit quelque chose, cette part de curiosité, dans chacun des hommes, qui s'éveille quand les incohérences et les hasards sont en trop grand nombre. Cette curiosité, il ne faut la faire taire, mais lui ouvrir son coeur. Elle mène aux voies du dénouement. On ne peut atteindre la compréhension donc la vérité, Enora, sans cette touche de curiosité, qui, je le sens, brille fort chez toi. Tu es un élément, une pièce de puzzle, indispensable et irremplaçable. Je fais partie du puzzle aussi. Si on veut avoir une visualisation de son image finale, il faut s'entraider. Si la curiosité peut trop aisément nous rendre enclins à une confiance hâtive, elle est aussi ce qui conduit les Hommes depuis de nombreux siècles aux découvertes majeures. On peut, oui, faire taire la curiosité. On peut, on peut vivre simplement, vivre sans se demander ni pourquoi ni comment. On peut se contenter de laisser couler le fleuve de la vie, le laisser nous entrainer, alors qu'on pourrait en étudier la vitesse, le débit, les proportions pour prévoir, peut-être, la cascade, au lieu d'y tomber aveuglement. On peut ignorer, décider d'ignorer ce qui nous attend, alors même lorsque l'on a déjà été mis en garde.  »
Nacht tendit la main vers elle, mais Enora ne la saisit pas. Elle se contenta de se lever et de faire demi-tour en direction de la demeure.

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Brann pensa aux archives. Il fit part aux autres de son idée : «
- Les amis, ne nous a-t-on pas déjà dit que ce lieu était un QG ? Oui ? Donc il y a déjà eu de nombreuses discussions ici, et il y a de fortes chances qu'elles aient été transcrites ... Vous voyez où je veux en venir ? Ce qu'il faut faire, c'est trouver les archives. Et quoi de mieux qu'une pièce secrète pour les conserver ?
Lucy fronça les sourcils :
- La pièce secrète ? Mais il n'y avait qu'un escalier ?!
- Tu as déjà vu un escalier qui ne mène à rien ?
Ils s'accordèrent tous pour partir explorer le lieu caché. Alors qu'ils étaient tous prêts à se ruer vers le passage secret un étage plus bas, une voix retentit :
« - Céleste, Nacht ! Venez voir, il y a un documentaire sur l'inconscient et le subconscient à la télé !
Nacht jura. Ah, la télé, toujours la télé, ils ne pouvaient pas sortir pour une fois ?
Lucy marmonna :
- Moi aussi, ça m'intéresse. Personne ne pense à m...
- T'as qu'à venir, râleuse, répliqua Céleste. Il ne faut pas qu'on soit suspects : certains d'entre nous se doivent d'être présents, pour couvrir les autres. »
Ainsi, Brann, Mentham et Enora uniquement se rendirent dans la salle qui avait été le dortoir de la dite jeune fille. Ils parcourent du doigt les murs, à la recherche d'un décalage ou d'une surcroissance sur la surface des parois. Il sembla alors qu'à une certaine localisation, le mur, plus modelable, s'enfonçait. Enora y inséra son doigt avec délicatesse, et quelques secondes plus tard, le papier peint couvrant l'encadrement de la porte s'évapora dans un petit bruit. « - Qu'est-ce que ... mais ils paient un peintre à chaque fois pour refaire le papier peint ??
- Mais non, c'est de la magie, imbécile » soupira Brann. Enora le prit au premier degré. La porte bascula, ouvrant le passage aux jeunes sur un escalier étroit et plongé dans un noir anxiogène. Brann et Mint s'y engouffrèrent sans hésitation. Enora les supplia de l'attendre ; elle n'y voyait rien avec tout ce noir. Alors, Mint lui prit la main, et par cette action, Enora fut dotée d'une vision nocturne. Elle lâcha la main avec surprise et reperdit la vue. « Par quel ... »
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Ebony WarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant