Bye bye Ebony Hope

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Céleste avait la tête lourde. Cela faisait deux heures qu'elle essayait de déchiffrer la carte. C'était pourtant une carte moderne, récente. Mais c'était la carte de la Terre-Sol. Pourquoi n'était-ce pas Enora qui s'en chanrgeait ? Cela aurait été bien plus pratique, et surtout, rapide. Mais, apparemment, sa présence était recquise ailleurs. Comment ça, ailleurs ? Il n'y avait pas plus important que l'étude de la carte, si ?
Céleste laissa cette question en suspens quand elle vut enfin Mint le rejoindre.
- Ah, enfin ! Tu étais censé m'aider ! Et puis que fait Enora ?
- Elle est avec Brann et Nacht.
- Que font-ils ?
- Ils parlent.
- Ne joue pas l'idiot.
- Ils calculent les rations et les choses qu'on devra prendre.
- Pourquoi Enora est-elle si essentielle pour cette tâche ?
- Elle fait l'inventaire des endroits publics où l'on peut se réfugier alentours.
Céleste sentit la pression gagner son coeur. Elle devait se dépêcher de trouver un itinéraire, sans quoi les autres ne pourraient pas réaliser leurs calculs de rations, ou leurs localisations de lieux publics. Mentham se déplaca jusqu'aux côtés de Céleste.
- Mais siii, là ...
- Mais non, tu te trompes, ça c'est pas un trait fait à la main !
- Mais comment tu différencies les traits imprimés et ceux au stylo ?
Mint pointa du doigt la bordure blanche de la carte.
- Ce n'est pas une vraie carte, c'est une copie encadrée de blanc. Heureusement, donc, puisqu'on peut y voir les traits au stylo qui dépasse. Nous n'avons qu'à les suivre du doigt.
Céleste, admirativement, saisit l'idée. Puis, la poignée de la porte tourna.
Lucy débarqua sans transition dans la pièce. Elle les renseigna sur son absence du matin-même. Céleste haussa un sourcil : elle n'avait même pas relevé que Lucy n'était pas là. Elle jetta un coup d'oeuil à Mint : lui, contrairement à Céleste, n'avait pas cillé. Lucy justifia :
- Je faisais les courses avec mon père. Et ... j'ai reccueilli des informations. Il faut urgemment que je vous les partage.
Lucidnost pria Mint de regrouper les autres, et Céleste s'attela vite à sa tâche, honteuse de ne pas trouver avant que les autres n'arrivent.
Lucy, une fois qu'elle obtint l'attention de l'assemblée, conta :
- À 8h30 ce matin, j'étais éveillée car je n'ai en réalité pas pu dormir. Je suis donc allée au salon où j'ai vu mon père s'abritter dans son manteau. Je lui ai proposé de l'accompagner, et on est allés au supermarché le plus proche. Je m'attendais à ce qu'il me parle du projet, puisque j'étais censée l'aider. Mais il n'a rien dit du trajet. Et, au supermaché ... C'est là que ça a commencé : au rayon légumes.
- Oula, dès que tu as prononcé le mot légume, tu m'as fait peur, marmonna Brann.
Lucy reprit sans lui prêter attention :
- Il m'a dit : « Tu t'entends bien avec les autres ? ». Je n'ai rien répondu. « C'est normal. Ils sont différents de nous. Tu as raison de ne pas te sociabiliser avec ces gens-là. ». Il a continué de vous enfoncer. Il voulait, je ne sais pour quelle raison, attiser ma haine. Je suis rentrée dans son jeu. Et là, il m'a parlé de la « Guerre Civile ». Il a dit qu'on avait été utilisés pour exterminer des Tempêtes. Mais, étrangement, il en a parlé comme si ils avaient définitivement éteint un type de Tempêtes.
Les adolescents étaient mués de stupeur. Lucidnost leur laisse le temps d'intégrer cette information puis poursuivit avec empressement :
- Je pense aussi que j'ai fait une bêtise. J'ai pour habitude de réclamer à manger, comme vous tous, par exemple des bonbons, etc. En plus, je vérifie toujours les ingrédients des aliments que papa met dans le panier. Mais là, comme on part bientôt, je ne l'ai pas fait. Je ne sais pas s'il l'a remarqué.
Nacht soupira avant de venir au secours de Lucy :
- Ce n'est pas si grave. Il n'y a pas de preuve concrète. Nous devons juste nous montrer prudent. Faire semblant de faire des choses sur le long terme. Céleste : tu peux commencer une peinture du jardin. Mint, tu peux construire une maquette ? Une longue à réaliser, de préférence.
Brann protesta :
- Mais nous avons besoin d'eux !
Finalement, Brann se résolut à avouer que cela ferait une bonne diversion.
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La nuit venue, Brann, le plan du Ebony Hope en main, émergea dans le couloir avoisinant sa chambre. Sur la pointe des pieds, il parcourut les allées obscures du manoir au clair de lune. Il était environ deux heures du matin. Brann, bien qu'il soit fatigué, se focalisa sur sa tâche : toquer aux portes de ses coéquipiers dans le but de les extirper de leur somme si paisible. Il avait fait récemment le compte des planches du parquet où il ne grinçait pas ; ainsi, Brann put éviter toute sorte de bruit gênant sa quête. Il réveilla Nacht, puis Céleste dans l'aile Est, et Enora, Mentham et Lucy dans l'aile Ouest. Nacht et Céleste tentèrent d'ouvrir la porte principale, et Mint, Enora et Lucy les portes de cuisine : tout était fermé à double tour. Les baies vitrées donnant sur le fantastique jardin étaient recouvertes par des volets électriques qui étaient susceptibles de réveiller Tin et Ruby à toute activation. Brann s'attarda alors à l'étude du plan de l'Ebony Hope. Il désigna aux autres un passage souterrain qui débouchait sur le portail directement : le trajet débutait au sous-sol. Ils s'armèrent de courage car, s'ils n'avaient pas peur de fuguer, ils avaient gardé cette apréhension enfantine envers les caves secrètement lugubres et humides.
Ils débarquèrent dans la fraîcheur nocturne et l'obscurité qui l'accompagnait. Là était la partie où tout se jouait : il n'y avait plus qu'à déverouiller le portail. Brann l'avait montré par le passé : il savait crocheter des serrures. Malheureusement, il y avait un hic : le portail, toute la zone en vérité, était protégé d'un sortilège. Sortilège que Nacht reconnut immédiatement : c'était un sort qui autorisait uniquement les tempêtes rouges et grises à pénétrer l'enceinte du Ebony Hope. Le sort n'était pas destiné à les empêcher de fuir, mais plutôt à empêcher toute intrusion de « l'ennemi ». Il apposa son empreinte dans la muraille magique et la brisa. Ils purent s'engloutir dans les ténébres qui n'étaient plus les leurs.
Ils marchèrent une ou deux heures durant, jusqu'à atteindre une zone boisée. Ils se hâtèrent de s'écrouler dans les feuillages, ravis de pouvoir enfin s'étendre. Après tout, il était temps de dormir. Mais ce n'était pas dans les plans de Mentham : il avait pour ambition d'atteindre la prochaine fôret en deux heures encore. Mais Céleste s'interposa :
- Il est hors de question que je me relève, à présent. Et cela est valable pour beaucoup d'entre nous.
Enora, Lucy et Brann hochèrent la tête.
Nacht se plaint :
- Vous n'aviez qu'à boire du café. Ce n'est pas excquis, mais vous auriez dû le prévoir. Il est certain que Ruby et Tin nous rattraperons si nous tardons tous les jours. Nous irions bien plus vite en volant, mais Lucy et Enora ne le peuvent pas.
- Arrête, lâcha Enora, telle un serpent qui s'apprête à se jetter sur sa proie. Arrête de parler.
Nacht s'offusqua :
- Très bien. Faites comme vous voudrez.
- Céleste, tu peux nous redire notre destination encore une fois ? Histoire que j'évalue la distance, susurra Enora, les yeux plissés par la fatigue.
- Nous nous dirigerons vers un endroit nommé Branehilde, dans le nord de la Frace.
- Bled paumé.
- Encore une fois, cette carte ne contient pas toutes les informations que Tin et Ruby ont pu amasser récemment. Mais Branehilde est toujours une piste. Et ils ne s'y sont pas encore rendus, non ?
- D'ailleurs, je me demande comment ils comptaient s'y prendre, ajouta Mint. Ils auraient prétexté quoi, un petit week-end seuls tous les deux pour reprendre contact avec la nature ?
Enora répondit avec fermeté :
- Un seul des deux serait parti, je suppose. »
Alors qu'Enora explicait à Mentham les divers prétextes que leurs gardiens auraient pu présenter, Céleste lui tapait sans cesse sur l'épaule. Celle-ci finit par se retourner vers Céleste qui lui conseilla de se relever, ainsi que Mint et tous les autres. Céleste ferma les yeux, prit contact avec le sol cabossé, et la troupe vit avec étonnement la terre se soulever à certains endroits et se mouvoir pour prendre la forme de six lits naturellement disposés. Mentham invoqua alors un sort de confinement, qui éjecta tous êtes vivants de la zone concernée, et les empêchait de la traverser. Il mit aussi en place un sort de brouillage, qui les rendit invisibles aux yeux de tous, tempêtes comme êtres humains. Enfin, confortablement préparés à se laisser emporter dans les bras de Morphée, Mentham, Brann, Enora et Céleste s'endormirent.
Nacht prit le premier tour de garde avec Lucidnost. Au début, elle ne pensait pas débuter une conversation. Cela lui coûterait trop d'effort et surtout trop de volonté. Nacht ne répondait que par oui ou par non s'il n'était pas intéressé par la question. Par la personne, plutôt. Alors, il aurait fallu que Lucy se rende digne d'intérêt à ses yeux. Mais en aucun cas elle ne le ferait. Elle ne recherchait pas son attention, et cela aurait été pitoyable de brouiller son identité par un changement pour une personne.
Nacht avait la tête vide. Il était agacé. Il ne le montrait pas, évidemment ; il se devait de rester impassible. Il était d'ailleurs assez muet. À ce propos, sa gorge l'irritait : il avait comme l'impression que, à force d'avoir tant discuté de leur situation ces derniers jours, son niveau de salivation dépassait son seuil, donc il avait la bouche très sèche. Il y a quelques semaines, il se contentait de rester tranquille. Il se levait. Il allait à l'école. Il écoutait ou n'écoutait pas les cours. Il ne bavardait pas. Il mangeait avec ses amis. Il rentrait chez lui. Il lisait. Il jouait aux simulations de stratégie, ces jeux originaires de là où il vivait. Il avait des amis, oui, et même de très bons : il regretta subitement de ne pas avoir passé plus de temps avec eux. Il y avait Mouse, et Kila. En vérité, ils étaient des solitaires regroupés pour ne pas se faire écraser par les gens sociables. Il discutaient rarement, mais quand l'envie leur prenait, ils s'enflammaient dans des débats édifiants. Avec Brann, Céleste, Mint, Lucy et Enora, il entretennait une relation tout à fait différente. Il ne savait pas vraiment comment réagir face à cette nouveauté. Alors il ne réagissait tout simplement pas. C'est ainsi que Lucy et Nacht n'engagèrent aucune discussion, et ce pendant une heure. Ils se reposèrent à leur tour, mais ils n'eurent que peu de temps : le soleil pointait déjà le bout de son nez.

Enora et Brann s'attelèrent à l'inventaire de leurs bagages. Ils avaient six sacs contenant : quatre bouteilles d'eau de taille moyenne, de l'argent (volé, évidemment), huit paquets de gâteaux, quatre tupperwares (poulet, salade de légumes, pâtes, purée, steak de soja), des pansements, trois couteaux suisses (qui aurait cru qu'ils en possédaient autant), un ... ours en peluche ? Quel gâchis de place. Il y avait le dossier, mais aussi des livres, beaucoup de livres. Brann compta plusieurs pulls et affaires de rechange, puis deux couvertures. De l'argent volé. Une boussole, la carte, une montre et le téléphone d'Enora et son chargeur (au cas où).
Brann et Enora échangèrent un regard pétillant. Ils étaient tous deux prêts à faire face à l'aventure.

Ebony WarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant