Jusqu'à ce que la mort nous sépare

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Jusqu'à ce que la mort nous sépare
- Pff. Elle est de plus en plus chère, cette psy, tu trouves pas ?
- Y a-t-il un sous-entendu derrière cette phrase ? Nous en avons déjà parlé. Je croyais que la discussion était close.
- Mais moi je te dis que tout vient de son imagination, c'est normal, tous les enfants ont de l'imagination et pourtant tous les enfants ne vont pas chez le psy.
- Tu sais bien qu'elle se sent rassurée, quand elle va chez le psy ...
La petite, assise derrière, marmonna :
- Non c'est pas vrai, j'aime pas Mme Fernand.
- Tu vois, elle le dit elle-même !
- Chérie, tous les rêves ont des significations. Nous devons l'aider à guér... à se sentir mieux.
- Tu en parles comme si ça te touchait personnellement.
- Évidemment, c'est notre enfant ! Il n'y a que nous pour l'aider, tu m'entends ?!
- D'accord, d'accord, Daniel. Je laisse tomber. Arrête la voiture ici, je descends faire des courses.
- Tu fais comment pour rentrer ? À pieds peut-être ? Je ne reviens pas te chercher, hein. Tu te débrouilles. »
Gabrielle descendit malgré tout et Daniel repartit en direction du Manoir des Halkins. Un nom bien étrange, et un environnement digne d'un film d'horreur, mais un intérieur plutôt moderne et convivial ; par chance, il n'y a pas eu de meurtre dans ce manoir, donc pas de fantômes ni d'esprits.
Daniel, en garant la voiture, se demanda si la petite était heureuse. Il ne lui semblait pas, à lui, qu'elle était souriante. La directrice de l'école primaire lui avait dit que sa fille était complètement asociale et méfiante envers les autres, elle n'avait pourtant vécu aucun traumatisme, du moins, à la connaissance de Daniel. Et lui, était-il heureux ? Il n'en savait rien -il n'avait pas un travail passionnant. Il pensa encore à Gabrielle, il avait des doutes sur l'amour qu'il éprouvait (ou croyait éprouver).
Il eut peur que sa fille soit malheureuse. Mais s'il l'était lui-même, cela n'allait pas arranger les choses, songea-t-il. Il se fit donc la promesse de dès à présent acquérir une attitude positive -facile à dire moins à faire. Il ouvrit sa portière, fit sortir sa fille, et, sur un coup de tête, lui proposa de partir à Disneyland. C'étaiy loin, oui, mais il espèrait remplir de joie le coeur d'Enora, ne serait-ce pour un jour.
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Gabrielle prit un taxi. Elle réfléchit, durant le trajet, et il y avait matière à. Elle se doutait que quelque chose n'allait pas entre Daniel et elle, et chez la petite Enora non plus, d'ailleurs. Qu'est-ce qui lui avait pris d'épouser Daniel ? Il pouvait être si déprimant, parfois ... Sa fillette en avait hérité. Toujours silencieuse, néanmoins plutôt intelligente, mais si pessimiste (déjà à son âge). Une enfant pas comme les autres, dans le mauvais sens du terme. Oh ! Qu'est-ce qu'elle regrettait de penser ça ! Mais elle n'était pas de ce tempérament. Elle était intenable, spontanée, et elle croquait la vie à pleines dents. Enfin, elle croquait, mais plus maintenant. Elle en était à son deuxième mariage, mais cette alliance l'épuisait, et le comportement de ses compagnons de vie aigris déteignait sur elle.
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Un an plus tard.

- Quand est-ce qu'on va à Disneyland ?
- On y est déjà allés, répondit le père. Il avait réussi à redonner le sourire à Enora, mais il était loin d'imaginer que cela lui aurait coûté autant. Elle ne refaisait plus ces cauchemars, bien heureusement. Enfin, ce n'était pas le même type de cauchemars.
- Maman va faire les courses avec moi aujourd'hui ? Je suis assez grande, hein !
- Tu sais qu'elle ne fera plus les courses avec toi. Pas plus qu'hier, pas plus que demain...
- Elle est partie ?
- Tu le sais bien, mon coeur.

« Gabrielle, tu le sais, car je te l'ai dit, mais je suis accablé. Tu ne sais pas à quel point ton veuf éploré est abattu. Si je ne restais pas pour Enora, je serai mort car par ma faute s'est éteint l'amour de ma vie ; par ma faute, tu es partie, et je suis si affligé. Si tu savais comme je regrette, tu aurais peut-être dû prendre le volant, mais sous prétexte que tu semblais bien trop fatiguée après la journée à Disneyland, c'est moi qui ai conduit au retour. Alors même que quelques heures plutôt je doutais du désir qui alimentait notre couple, je suis aujourd'hui attéré. Je t'en supplie, de là où tu es, de là où tu n'es pas, si le Paradis existe et que tu t'y trouves, Pardonne-moi.
Avec tout mon amour,
Daniel, ton époux.»

Ebony WarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant