Archives & diplomatie

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Enora réflichissait à toute vitesse, cherchant à tout prix à dissimuler ce qui était la réponse la plus nette à ses questions et pourtant la plus dénuée de raison. Elle s'imaginait bien qu'il y avait un fond d'irrationnel dans ce qu'elle vivait actuellement, et pourtant elle ne pouvait s'empêcher d'essayer de trouver une logique dans tout ce fouillis d'évènements incrédules. Ce qu'elle vivait était, dans un sens, magique. Mais elle se refusait à cette idée - comme tout être humain l'aurait fait. Car ne pas le faire aurait été pouvoir reconfigurer les paramètres de l'univers - ceux qu'on a su interpréter. Cela aurait été synonyme de réconsidération des données et donc pour beaucoup de défaite. Il est bien difficile de revenir à la case départ, surtout en sciences, quand on s'use siècles après siècles à percer les mystères naturels, et à naturaliser le surnaturel. Confirmer l'existence du surnaturel reviendrait à briser l'objectif de l'étude du naturel. À quoi bon fixer des règles et des principes si l'on peut y déroger ? Pourtant, il existait bien des exceptions, des irrégularités. La science n'est pas la science car elle ne sait expliquer les exceptions. Il aurait été pourtant si simple d'appliquer un principe uniforme et universel à tout. Enora se figura que la meilleure des manières de comprendre tous ces phénomènes qui à première vue paraissaient surnaturels était d'exprimer ses troubles à voix haute, de communiquer avec ceux qui seraient les plus qualifiés. Cependant, elle mit de côté ses pensées pour se focaliser sur l'escalier qui tournait et tournait, laissant l'oportunité aux trois valeureux de s'enfoncer dans la terre et dans l'obscurité par la même occasion. Au bout de quelques minutes, ils en virent le bout. Il n'y avait qu'une paroi en béton. Ils eurent beau farfouiller sur l'entièreté de la surface de béton cabossée, ils ne vurent aucune issue. Alors, dans un mouvement soudain, Mint s'affaissa sur la dernière marche de l'escalier, sans doute un peu trop brusquement, car la force exercée par le corps de Mentham enclencha un mécanisme. Les trois marches qui précédaient la dernière marche s'affaissèrent pour atteindre son niveau, et le petit support descendit tel un ascenceur vers une destination inconnue, emportant Enora, Brann et Mint. Le trajet fut court ; ils débouchèrent sur une petite pièce, illuminée par une bougie qui s'enflamma automatiquement. Il y avait des canapés, énormément de sièges. Et quelques petites tables. Les murs étaient des bibliothèques. Rien d'extravagant. Évidemment, il y avait une porte, dans un coin, dont Brann força la serrure (le petit voyou savait bien des choses). Ils débarquèrent sur une immense pièce, en contraste avec la précédente, éclairée aux néons agressifs, au sol en béton rude, et débordante de dossiers, éparpillés sur des bureaux et des étagères. Mint leur fit signe de se séparer pour mieux fouiller. Mais fouiller quoi exactement ? Enora était perplexe. Qu'était-elle censée faire ? Elle n'osait pas interompre les deux garçons dans leur quête de vérité. Mais, face à l'inactivité de la jeune fille, Brann s'indigna : « Mais allez, bouge-toi là, on a pas dix mille heures devant nous ...
- Euh. Oui... Mais heum je ne sais pas quoi chercher. En vérité je ne sais même pas ce qu'on fait là. Personne ne veut rien m'expliquer. Pff. »
Mint reprocha à Brann son manque de tact. Il fit serment à Enora de lui faire part des avancées qu'ils feraient quant au démembrement du « projet » de Tin et Ruby. Oui, c'est ainsi qu'il la laissa : en proférant des inepties sur un certain projet. Enora, épuisée par cette lacune d'empathie, s'effondra sur le canapé de la pièce voisine. Avec de la chance, les autres daigneront lui dévoiler l'origine de sa présence parmi eux.
Et elle attendit. Et elle s'endormit.
Elle traversa le fameux tunnel forestier. Et, au bout, une grande lumière blanche l'aveugla. Elle se retrouvait dans un salon qu'elle reconnut immédiatement ; c'était celui dans lequel elle s'était assoupie. Elle crut alors s'être réveillée. Sauf que cela ne pouvait pas être le cas : la température avait changé, l'agencement des meubles était un petit peu différent. Il y avait des bougies partout, en même temps il était compliqué d'atteindre une intensité d'éclairage décente sans douzaines de bougies. Bientôt, la porte s'ouvrit sur une demi-dizaine de représentants diplomatiques, à en juger leur uniforme. Ils s'assirent non loin d'Enora et l'un deux sortit de sa malette un long parchemin. Il se racla la gorge avant de prononcer solanellement : « -En vertu des pouvoirs qui me sont accordés, j'initie la négociation ayant pour but d'éviter toute forme de guerre. Voici la déclaration de notre Vertchef, Jade Viridi : « Déclaration du 141 ème jour du temps d'hiver, à Verdepolis, capitale des Tempêtes Vertes. Le peuple des Verts n'a qu'un seul objectif : vivre en paix. Car selon notre idéologie, la paix est la voie du bonheur. C'est pour cette raison que nous ne désirons pas nous engager en guerre. Si nos voisins décident tout de même de débuter une guerre, elle sera probablement sans fin, et, puisqu'il est entendu que les Tempêtes bleues sont nos plus grandes alliées, nous nous battrons pour restaurer au plus vite une paix, car si la guerre est le contraire de paix, la soumission et la vie dans l'opression est bien pire. Nous ne pouvons pas nous avouer vaincus si une telle guerre a lieu. Si elle a en effet lieu, et si nous gagnons, alors il ne sera fait aucune réprimande au peuple ennemi. Il n'y aurait aucune conséquence négative à l'égard du peuple perdant, en dehors d'un traité de démilitarisation. Mais si ce châtiment ne vous effraie que peu, et vous pousse à penser que la guerre est un faible risque, pensez donc à la population qui serait exterminée. Des milliers de vies. Cela n'en vaut pas la peine. Je vous prie, Nous vours prions, de ne pas s'abaisser à une guerre sans fin. » ». Une silhouette s'avança, alors qu'elle était précedemment tapie dans l'ombre. Les diplomates s'inclinèrent devant elle. Elle leur fit signe de se redresser. Elle était vécue d'une cape qui, si Enora avait conservé une bonne vue, était faite de brume. Elle portait aussi une resplendissante couronne d'émeraude. Elle ordonna ensuite à un des diplomates de lire la déclaration qu'il avait dans ses mains. « Déclaration de Scarlett Rubrum, du 138 ème jour du temps d'hiver, à Rossopolis, capitale des Tempêtes Rouges. Ceci est un message adressé aux Tempêtes Vertes. À vous qui êtes censés protéger. Protéger le coeur de chacun. Vous avez, pourtant, brisé celui de notre peuple. Vous avez séparé le couple royal, en conséquence de quoi notre roi est décédé, frappé par un aérobus alors que son départ officiel pour la campagne rouge avait lieu. Le conducteur de cet aérobus était une Tempête Verte. Il est soupçonné d'assassinat, un assassinat dont vous, les Tempêtes Vertes, êtes présumés commanditaires. En tentant d'échapper à la diffusion de l'histoire extraconjuguale concernant Jade Viridi et notre roi, vous n'avez réussi qu'à en faire un débat entre toutes les tempêtes. Cette vulguaire tactique était à la fois inutile et vile. C'est pourquoi nous autres tempêtes rouges demandons réparation. Nous revendiquons vos excuses publiques ainsi qu'un déboursement couvrant l'arrêt des activités de toutes les Tempêtes Rouge au vu d'un deuil durant une semaine, aucours duquel personne ne travaillera. Dans le cas où vous n'accepteriez pas ces conditions, nous vous déclarerions la guerre.»
La reine à la couronne d'émeraude s'exprima sur le sujet : « Bien. Si c'est ce qu'il faut faire pour éviter la guerre, nous le ferons. Je m'y engage personnelement. » Ces mots suffirent à apaiser une bonne moitié des diplomates. Mais celui qui avait lu le parchemin des Tempêtes Rouges serra dans ses mains son parchemin et sa mâchoire se crispa. Visiblement, l'affaire ne s'arrêtait pas là.
Elle se réveilla en sursaut tandis que Lucy, Nacht et Céleste pénétraient dans la pièce.

Ebony WarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant