4. Recensement

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2 heures avant l'alerte.

Allongée sur mon lit, je regardais le soleil à travers la fenêtre qui fendait les carreaux et léchait mes mèches ondulées étalées sur l'oreiller. Mon pantalon traînait sur le sol, et je recroquevillai alors mon corps à moitié nu sur les draps.

Encore des veilles habitudes héritées de ma mère dont je n'arrivais pas à me défaire. Chaque fois que je rentrais de l'école et que j'allais dans mon lit, il fallait que j'enlève "ces vêtement crasseux qui avaient côtoyé un lieu public pendant des heures".

Je m'étirai. Maintenant j'étais seule, au deuxième étage de l'immeuble de la rue 7H, dans un appartement de quarante mètres carrés payé les premiers mois grâce à l'argent de mon père. Un paradis, sans compter le fait que je ne m'étais jamais sentie aussi seule.

Je me penchai vers ma table de chevet qui était un des seuls meubles présent dans cette pièce, avec la petite penderie et le plan de travail pour cuisiner. Mais le plus souvent, je ne faisais que réchauffer des surgelés ou commander des plats déjà prêts. J'allumai mon téléphone qui afficha un fond d'écran coloré, mais complètement vide.

Je n'avais eu aucune nouvelle de Bell depuis ce matin. S'était-il fait recenser ? Faisait-il connaissance avec son hôte ? M'avait-il déjà oubliée ? Je serrai les draps entre mes mains moites. Non, il n'était pas comme cela.

Cependant, une petite voix dans ma tête me hurlait le contraire. J'adorais et je détestais en même temps cette partie de moi, qui me faisait toujours prendre les décisions les plus osées, mais le plus souvent les plus stupides. Je repensais à l'appel téléphonique passé avec ma mère la veille. Je lui avais promis d'aller au C.R.O. aujourd'hui. Bell y était peut être encore...

Animée d'une détermination qui ne me reconnaissait pas, je me rhabillais en vitesse. Peut être que j'allais trouver la force de fusionner, et que jamais Bell et moi ne pourrions être séparés par un si grand obstacle. Je m'imaginais déjà recevoir mon hôte avec mon meilleur ami à mes côtés, main dans la main, voyant ensemble mon plus grand rêve enfin se réaliser...

En quelques minutes, j'avais quitté mon appartement douillet et je me retrouvais dans ma petite voiture bleue. Les mains crispées sur le volant, je laissais tomber ma tête en avant sur celui-ci. Et si Bell ne voulait pas que je m'immisce encore dans ses affaires personnelles ?

Je me redressais promptement. Non, ce n'était pas le moment de douter ! Le moteur vrombit et j'appuyai alors brusquement sur la pédale d'accélérateur. Je connaissais le chemin par cœur. La route du C.R.O. n'avait plus de secrets pour moi depuis longtemps.

J'arrivais sur le boulevard 9A, une allée immense quasiment en ligne droite jusqu'au bâtiment du Centre. Chaque arbre qui bordait la route, chaque immeuble, chaque lampadaire m'étaient familiers. J'avais pris cette route tellement de fois. A l'arrière de la voiture de mes parents, regardant le paysage monotone défiler, la joue appuyée sur la vitre, ou bien en vélo, ou comme maintenant, au volant de ma propre voiture.

Il était presque dix neuf heures. Le soleil rasait les toits colorés, créant d'immenses ombres qui s'étalaient sur la route goudronnée. Le rétroviseur intérieur renvoyait dans mes yeux noisettes des reflets orangés qui m'empêchaient de voir la route. Mon cœur battait la chamade, sans que je sache vraiment pourquoi.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant