16 : Le Cœur et l'Esprit (2)

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Ma chute se termina au milieu du Cœur. Je ne tombais plus, je flottais, comme au milieu d'un lac clair. Sauf qu'il n'y avait aucune matière autour de moi. Les sons n'existaient plus, les odeurs aussi. J'ouvris les yeux. J'y voyais cependant comme en plein jour, mais lorsque je bougeais mes membres, lentement, je ne sentais rien. Comme si tous mes sens avaient disparu, à part la vue. Je n'avais même pas besoin de respirer.

Je pouvais bouger à ma guise, mais mon corps ne se déplaçait pas, il restait statique au milieu du Cœur. Comme un papillon au milieu d'une toile d'araignée. Comment allais-je sortir de là ?

Un éclair me frôla la joue et continua sa course effrénée dans la masse bleuté qui m'emprisonnait. Un autre passa au dessus de ma tête. Recroquevillée sur moi même, je tentais d'appeler à l'aide. Aucun son ne sortit de ma bouche. Je ne parvenais même plus à communiquer avec Lara. J'étais seule dans un vide infini, sans rien et sans personne. Je ne savais même plus où était le haut ou le bas. Je ne voyais pas l'extérieur depuis ma prison d'énergie.

Je tentais une nouvelle fois de marcher, de nager même ou de battre des jambes pour m'extirper de là. Quelqu'un allait bien finir par me retrouver. Il me suffisait d'attendre. Je n'avais ni chaud ni froid, je ne ressentais plus la faim. Par contre, l'angoisse continuait de me dévorer les entrailles.

Je me résolu à patienter, la tête dans les genoux, le corps flottant irrémédiablement dans cet espace si hors du temps.

Mais au loin, un grondement. Comme un déchirement strident, mais étouffé par cet espace sans matière. Mes yeux virent trop tard l'immense éclair rouge qui fondait sur moi. Alors que j'hurlais en vain dans ce monde sans son, la lumière rouge aveuglante me traversa le corps comme une flèche. Je contemplai mon ventre, m'attendant à y voir un trou béant. Il n'y avait strictement rien.

Je ressentais seulement un étrange picotement qui semblait partir de mes membres pour remonter jusqu'à ma tête. Je plaçai lentement mes bras devant mes yeux. De touts petits traits comme de fins filaments s'activaient sous ma peau, tantôt rouges, tantôt bleus. Telles de minuscules veines, ils semblaient partir du bout de mes doigts pour remonter à une vitesse phénoménale le long de mes bras. Je soulevai mon pantalon. Même chose du côté de me jambes. Je sentais mon visage chauffer, mes yeux semblaient vouloir sortir de leurs orbites. Les battements de mon cœur s'accélérèrent, les picotements redoublèrent. J'avais mal partout, chaque cellule de mon corps criait à l'aide. Je plaçais mes mains sur mes tempes tandis que de petits éclairs continuaient de percuter mon corps pour s'infiltrer toujours plus dans ma peau et mes entrailles. Je n'avais aucun moyen de me sortir d'ici.

Alors je poussai de nouveau un long cri qui n'aboutit qu'au silence, toujours plus lourd, toujours plus pesant.

*

Les bruits qui revenaient progressivement dans mes oreilles me firent émerger. Mes yeux s'habituèrent difficilement à la lumière du jour, et sourcils froncés, je titubais quelques secondes avant d'enfin pouvoir me stabiliser. J'étais debout, je sentais mes pieds toucher le sol. L'air frais me caressa les joues, j'inspirai profondément.

J'étais en plein milieu d'un trottoir d'une avenue que je ne parvenais pas à reconnaître.

Déboussolée, ce n'est que lorsque je tournai la tête vers la droite que j'aperçus la Tour Noire. Imposante comme à son habitude, mais ayant perdu l'attractivité qu'elle avait pu avoir quelques minutes auparavant. Minutes ou heures entières ? Lorsque j'avais quitté la conférence, il faisait presque nuit. A en juger le soleil qui s'étirait à l'Est, je devinai qu'il était déjà tard dans la matinée.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant