15. Piège (3)

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Le président continuait de parler alors que tous les yeux étaient rivés sur le sommet de la tour. De petites exclamations de surprise discrètes s'échappaient parfois parmi la foule, comme si le silence était religieux et que personne n'osait le briser. De là où nous étions, le haut de la tour paraissait minuscule. Mais ce qui s'y trouvait était bien assez gros pour s'en faire une idée.

- C'est ça, c'est cette chose qui m'appelle, souffla Lara dans mon esprit.

Je le ressentais aussi.

- Mais pourquoi ?

- C'est peut être ce qui manque à ma formation, voilà pourquoi je ressens ce si grand besoin de...

-... M'approcher, terminai-je.

Je fis un pas en avant, aussi loin que ce que la densité de la foule aux aguets me le permettait.

- Non, attends Athéna, je ne pense pas que ce soit une si bonne idée...

Je secouai la tête pour me ressaisir. Je n'allais tout de même pas passer en dessous des barrières devant le public ahuri et me glisser à l'intérieur du bâtiment.

- Une autre chose que nous devons au Grand Tremblement, poursuivit Domoto. Même si nous déplorons le nombre de victimes, nous avons pu honorer leur mémoire grâce à cette technologie en devenant un État libre.

Et cette technologie n'était pas moins qu'une sorte d'énorme goutte d'eau flottante. Ses contours étaient irréguliers et ondulaient sans cesse, sa couleur bleue électrique était striée de petits éclairs rouges ou jaunes, et une sorte de halo blanc l'entourait. D'ici, le bruit qu'elle faisait ressemblait à des vibrations. Plus ou moins fortes. Plus ou moins rapides. Comme les battements d'un cœur.

- Cette masse énorme d'énergie à été trouvée dans les entrailles de la terre, et à permis d'innombrables innovations. Des remèdes à certaines maladies présumées incurables, l'amélioration de machines pour la recherche scientifique, mais ce n'est rien comparé à ce qui caractérise notre île.

Domoto était descendu de son estrade, le menton levé, toujours en train de repositionner ses cheveux gris à l'arrière de son crâne. Il se tenait au même niveau que la foule, le plus en face possible de l'ouverture qui dévoilait le bijou d'Algore. Bras tendu vers le haut de la Tour Noire, il s'exclama sans micro, assez fort pour que la majorité entende distinctement, et sourire aux lèvres :

- Notre projet des hôtes ! Le projet le plus ambitieux de l'histoire de l'humanité, celui qui nous a débarrassé de la pauvreté, de la mort et de la délinquance.

Le ton dynamique de sa voix sous entendait que même du haut de ses cinquante ans, il était tout aussi investi que n'importe quel autre jeune président qui aurait pu prendre la main. Il resterait là jusqu'à ce que la mort l'arrache de son poste. A ce moment là, les applaudissements explosèrent. La majorité avait enfin réussi à détacher son regard de la boule mouvante.

- J'ai œuvré dur pendant des années, aidé de nombreux scientifiques, pour développer ce projet. Nous avons essuyé des échecs et de mauvaises expériences. Mais grâce à notre volonté, nous avons fini par le faire. Et nous en voyons le résultat aujourd'hui.

La Presse s'était rapprochée, tous les cameraman dissimulés derrière leurs micros et leurs caméras. L'un d'eux sembla vouloir interroger un habitant. Il approcha son micro rouge criard de l'algoreen qui s'en empara lui même pour hurler dedans :

- Cette source d'énergie ressemble à une illusion. Comme s'il s'agissait de magie.

Il s'était adressé au président. Le silence revint dans l'assemblée, et Domoto se tourna vers son interlocuteur. La foule s'était légèrement écartée autour de lui, mais je le distinguais à peine, au milieu de toutes les têtes aglutinées. Qu'allait-il bien pouvoir répondre ?

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant