Le premier hôte (3)

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La voiture noire tressautait sur le chemin de pierre qui menait à la petite maison. Elle s'approchait vite.

- Athéna on doit y aller !

Bellamy tira le rideau de dentelle et s'éloigna précipitamment de la fenêtre. J'hochai la tête.

Le vieil homme ne bougeait toujours pas sur son fauteuil.

- C'est sûrement Elvis. Vous devez vous enfuir.

À la vue de cet homme misérable qui n'avait jamais pu profiter de sa vie, mon cœur se serra.

- Merci monsieur Domoto.

- J'espère que tu me pardonneras jeune fille. Et je te souhaite bien du courage.

Je reniflai tandis qu'une larme silencieuse roulait sur ma joue.

- C'est moi qui suis désolée. Rien de tout ça n'est de votre faute.

Il sourit, et son regard clair se perdit.

- Je sais que tu es capable de le vaincre.

- Je le ferai.

Je ne pus m'empêcher de serrer sa main dans la mienne. Elle était si froide. On aurait dit qu'il était déjà mort.

- Au revoir, soufflai-je.

- La voiture ralentit !

Bellamy déboula de nouveau dans le salon, sa veste en jean sur les épaules.

- Passez par la porte de derrière.

Torielle hocha la tête d'un air entendu et me prit la main.

- On y va maintenant.

La porte donnait presque directement sur le vide de la falaise. Trois pas de plus et je tombais la tête la première dans l'écume qui frappait les rochers pointus quelques mètres plus bas. La falaise devait s'effondrer de plus en plus au fil des années. Peut être qu'un jour la maison elle même basculerait dans le vide.

- Par là vite !

Torielle longea la maison vers la gauche et se mit à courir dans le champ en direction de la voiture de Bellamy, garée beaucoup plus loin en contre bas. Bellamy fermait la marche, et tout en essayant de contrôler son souffle haché, je l'entendis balbutier dans sa course :

- Ils sortent de la voiture !

Nous allions être repérés dans ce champ plat, les fleurs et les buissons ne nous dissimuleraient pas longtemps.

Torielle plongea néanmoins derrière un tas de broussaille. Je m'accroupis à côté d'elle suivie de Bellamy.

- Couchez vous !

Suivant son conseil, je m'étalai face contre terre dans les herbes piquantes et la bruyère mauve. Les odeurs fortes m'assaillirent les narines et j'essayais de garder la tête en l'air pour observer ce qu'il se tramait.

À quelques dizaines de mètres de la maison, je vis deux ombres sortir de la voiture noire.

Elvis, et une autre personne.

- C'est qui ce grand blond ? questionna discrètement Bellamy.

Cependant, le sifflement du vent aurait pu dissimuler n'importe quel ton de voix, et nous étions assez loin pour ne pas nous faire entendre.

- Un collègue, chuchota Torielle. Domoto à dû le recruter en lui promettant que s'il parvenait à trouver des preuves accablantes contre moi il pourrait récupérer mon poste.

Je n'écoutais pas. Sourcils froncés, je les regardais progresser vers la maison. Le grand blond entra sans frapper, mais Elvis resta quelques secondes de plus sur le perron. Il regarda autour de lui, mains enfoncées dans les poches de son pantalon gris. Toujours en costard, dans n'importe quelle circonstance.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant