9. Interrogatoire (1)

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Bellamy

Volets ouverts, Bellamy Corton contemplait la rue qui s'étendait devant son allée de pavés gris. Plus de voiture, plus de sang, et plus d'Athéna. Il songea à la plaque d'immatriculation enterrée dans son jardin et plongea sa tête dans ses mains. Tout en soupirant, il abandonna sa fenêtre et la contemplation de sa rue redevenue paisible.

Dans sa chambre, Tina avait laissé un lit défait, des draps couverts de sang et des pansements un peu partout sur le sol. Il entreprit de tout ranger pendant sa matinée.

Quelle inconsciente, pensa-t-il. Risquer de se faire repérer en pleine nuit avec sa voiture en sale état, pour la faire couler au fond de l'océan. Même les gens du continent auraient presque pu la voir. Bell frotta ses sourcils bruns. Il restait encore l'énorme trou dans la porte de son garage. Mais qui ferait le lien ? Il déglutit. Espérant que personne ne vienne fouiner...

Il s'arrêta net en passant devant la table de chevet de sa chambre. Lentement, il baissa les yeux de son téléphone et se risqua à l'allumer. Elle n'avait toujours pas répondu. Chaque jour il nourrissait l'espoir qu'elle redonne un signe de vie. Cela faisait presque trois mois. Tôt dans la matinée, alors qu'il était en appel avec Athéna, un numéro inconnu avait interrompu leur conversation. Son cœur s'était remis à battre la chamade comme à chaque fois qu'il lui parlait. Il avait fait croire à Tina qu'il s'agissait de sa mère. Lorsqu'il avait décroché, personne n'avait répondu. Ce n'était pas elle. Un jour de plus sans nouvelles.

Il reposa son téléphone et s'aperçut que ses mains tremblaient. Il aurait tellement aimé pouvoir l'oublier un instant comme il le faisait avant, qu'il l'avait toujours fait. Mais maintenant avec son hôte, ce n'était pas possible. Plus possible. Et puis aujourd'hui était un jour où il ne fallait pas déconner. Un jour dans l'année.

Aujourd'hui, c'était le jour de la commémoration. Bellamy soupira, il se devait d'y aller. Un peu avant midi, alors que le soleil brillait très haut dans le ciel, il ferma la porte de sa maison enfin nettoyée. Il descendit les marches du perron et regarda son immense demeure un peu surélevée par une butte de terre qui le surplombait. A côté de la porte d'entrée se dressait l'imposante baie vitrée de son salon, caché par de grands rideaux bleus. Un peu plus bas, le garage déformé, et derrière, le petit jardin potager caché aux yeux de la rue.

Bell songea au jour où il avait acheté cette maison. C'était pour l'occasion de ses dix neufs ans, il venait d'obtenir une place à sa fac de médecine et ses parents avaient accepté de l'aider pour les frais d'achat de son propre foyer. Un jour il les rembourserait, même s'ils n'en avaient pas vraiment besoin. Son père était un ingénieur assez reconnu à Algore et sa mère était kinésithérapeute. Ils ne manquaient vraiment pas d'argent et la taille de sa nouvelle maison en témoignait.

Tina de son côté, avait un père qui dirigeait la seule et unique entreprise de journalisme d'Algore. Leurs deux familles croulaient sous l'or, et pourtant, Tina avait préféré louer un minuscule appartement dépendant d'une vieille chouette qui lui faisait payer bien trop cher par rapport à la qualité du logement. Lorsque Bellamy lui avait demandé pourquoi elle n'achetait pas une maison comme lui, avec un petit jardin, dans une rue tranquille, elle avait sourit nerveusement tout en répondant qu'elle détestait vivre seule dans des grandes maisons.

Du Athéna tout craché.

Bell regarda son garage à l'intérieur duquel se trouvait sa propre voiture, mais se résigna. Il pouvait y aller à pied. Une main dans la poche de son large pantalon gris, il remonta le col de sa veste en jean pour ne pas attraper de coup de soleil dans la nuque. Les rayons frappaient impitoyablement la ville à cette heure ci, et ses cheveux bruns qui couraient au bas de son crâne ne lui permettaient pas de se protéger suffisamment.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant