8. L'anti-hôte (2)

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Une sieste bien méritée s'imposa après avoir évité de justesse de me brûler et de transformer ma cuisine en fontaine bouillante. Postée devant le miroir de ma salle de bain je contemplai, stoïque, mes cernes immenses, les coins de la bouche abaissés.

Mon teint était plus pâle que jamais et mes cheveux ondulés formaient une toison rêche et emmêlée. Je soulevai le haut de mon pyjama au niveau de ma poitrine pour dévoiler une compresse ensanglantée sur mon flanc, couverte de tonnes d'adhésif.

Je me décidai à l'arracher en me pinçant la lèvre. Ma mère me les enlevait toujours d'un seul coup pour éviter de m'entendre pleurer. Et à chaque fois je criais alors que la douleur était passée instantanément. Après quelques minutes de souffrance, j'arrachai le dernier morceau encore agrippé à ma peau.

Quel cauchemar s'offrit à ma vue.

L'entaille était encore bien visible, profonde de quelques centimètres et aussi longue que la paume de ma main. Ma peau autour était rouge et boursouflée, et virait parfois vers le violet. Je fermai les yeux, horrifiée à la vue de ma plaie. Je n'avais jamais supporté le sang, et depuis que Benjamin était dans le coma, cela constituait ma plus grande révulsion.

"N'y pense pas."

Je secouai la tête, essayant de chasser toute image désagréable de mon esprit. Une fois la nouvelle compresse appliquée, je me dirigeai avec précaution jusqu'à mon lit, dans la pièce d'à côté, entouré de la cuisine et de la télévision.

Visiblement, je m'endormis instantanément, car quelques minutes plus tard, je me retrouvai de nouveau dans mon rêve. L'ambiance y était toujours glaciale, sans sol, ni mur ni ciel. Juste le néant.

- Lara ? appelai-je en entendant ma voix timide résonner dans l'infini.

Je frissonnai en contemplant l'immense étendue noire qui plongeait sous mes pieds.

- Tu es là ?

- Au fait, qui est ce garçon chez qui tu étais hier ?

Je sursautais. Elle était juste sur ma gauche, allongée sur le dos, genoux croisés, et les mains derrière la nuque.

Je mis un moment à comprendre sa question.

- Il s'appelle Bellamy Corton.

Elle hocha la tête. Ses membres étaient toujours couverts de plaies à moitié cicatrisées, recouvertes par des habits en lambeau.

- Dis, tu n'aurais pas froid ?

Elle tourna les yeux vers moi.

- Non. On est dans ta tête, il n'a pas de température ici.

- Et est ce que tu as mal ?

Elle sembla hésiter.

- Oui, marmonna-t-elle.

Je m'approchais et nous nous assîmes l'une en face de l'autre. Je regardai avec inquiétude le "sol" et elle sourit :

- On est dans ta tête idiote. Tout est immatériel. Tu ne vas pas tomber à l'infini ne t'en fais pas.

Je me frottai le crâne :

- Ça me fait un peu peur, mais c'est sûrement bête tu as raison.

Je m'attardai ensuite sur ses blessures. Moins graves que la mienne, elles semblaient tout de même se rapporter exactement à celle d'un humain.

- Tu as du sang ? questionnai-je, sourcils froncés.

- On peut dire ça oui, affirma Lara en haussant les épaules.

L'ANTI-HÔTE [Partie 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant