Chapitre 9

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J'empoigne mon crayon et commence à esquisser les grandes lignes de la basilique. Je rajoute un petit Clayton devant, je sais qu'il me prend en photo alors je le dessine. Chacun son art. D'ailleurs en parlant de lui, il est allé marcher pas loin. C'est fou mais ma haine contre lui commence à remonter en flèche. Sans raison. D'un coup, ça m'arrive. J'essaye de me contrôler. Je regarde les gens. Il y en a trente-quatre. Je sens ma haine retomber légèrement mais pas assez.

Je me reconcentre sur le dessin. Je n'ai pas envie de lever la tête pour le chercher mais je suis bien obligée. Il est posé sur le muret en train de m'observer. C'est limite flippant.

— On y retourne. C'est bon pour ton dessin ?

— Ouais. C'est bon.

Je réponds sèchement malgré moi. Je ne supporte pas sa tête. Là, à cet instant, alors que tout allait bien avant, j'ai envie de lui mettre une paire de claques. Je me lève mais je retombe immédiatement sur mes fesses. La coupure vient de me faire très mal. Le retour de bâton. Je pense du mal de Clayton alors cette force surnaturelle me remet à ma place en m'infligeant une douleur.

Il me rattrape et je serre les dents pour contrôler la désagréable sensation que m'inflige cette scarification.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je pose ma main sur le pansement sur ma cuisse et me rend alors compte qu'il est entièrement imbibé de sang. Il décolle trois côtés sur quatre pour observer.

— Ça saigne.

Je grogne de mécontentement. Effectivement du sang s'échappe de la plaie. Il prend mon sac et en sort des pansements et désinfectant. Je ne me rappelais pas en avoir mis dedans. Je pense que ça vient de lui. Il me soigne pour la deuxième fois de la journée et change les compresses.

— Tu peux marcher ?

— C'est bon ça va aller, je grince entre mes dents.

Décidément je ne peux pas contrôler ma haine et la douleur n'arrange rien. J'ai envie de lui hurler dessus sans aucune raison. Je me relève doucement et bouge la jambe. La sensation sur la coupure est étrange, je sens que ma peau est ouverte. Ça me dégoûte. Je fais un pas, je dois marcher bizarrement mais pour l'instant je m'en fous.

— On passe par où ?

— Comme tu veux.

— On va passer à droite.

Il accepte d'un mouvement de tête.

— Est-ce que t'as besoin d'aide pour marcher ?

— Non ! Tu vas me laisser tranquille à la fin !

Je m'éloigne en direction d'une rue en pente, évitant les quelques regards en biais récoltés, j'ai parlé un peu trop fort. Je n'ai aucune idée d'où je vais mais je suis mon instinct et je veux juste m'éloigner de lui. Je suis encore en train de tout envoyer en l'air. Je ne sais pas pourquoi je viens de lui crier dessus. Mais bon, au point où on en est j'ai plus rien à perdre. On se déteste, il y a juste des trêves de quelques minutes. Et puis je n'ai plus personne dans ma vie. Elle n'est plus là, le jour où elle est morte ça a cassé tout l'édifice déjà fragile de ma vie. Surtout que je n'ai rien fait pour essayer de retenir la chute, j'ai largué mon "petit copain". Mes parents me le cachent mais je vois très bien qu'ils sont au bord du divorce. Je n'ai pas de frère ni de sœur qui pourraient me soutenir et aucun ami. Juste des gens qui, si je reviens au lycée, me bombarderont de questions sur comment je me sens et me proposeront de rester avec eux, rien que par pitié. Et uniquement parce que je suis un phénomène intéressant : la fille qui est en train de dérailler après que sa meilleure amie soit morte. Je déteste ça, la pitié.

Pour PélagieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant