Chapitre 37

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Je baisse le siège et l'allonge un petit peu en arrière. J'entends la porte à ma gauche claquer.

— Tiens j'ai ramené des couvertures.

Je me redresse et souris en attrapant le plaid. Je m'emmitoufle immédiatement dedans. Il va falloir que je m'habitue au froid des pays nordiques. Je sais déjà que ce sera bien pire en Suède. Actuellement il fait nuit et en quelques heures les degrés ont énormément baissé.

— T'as assez mangé ?

Je hoche la tête. Je n'ai pas pu avaler une seule bouchée de ce sandwich au saumon trouvé dans cette supérette dans le fin fond de la campagne. Je repense sans arrêt à Pélagie et à Clayton. Les deux sont le centre de mes pensées. Les souvenirs du jour de l'enterrement de sa sœur tournent en boucle dans ma tête. Le moment où j'ai bu avec Clayton. Le moment où on s'est embrassés. Le moment où il m'a dit que Pélagie s'était pendue, avec mes affaires sur le dos. Le moment où j'ai vomi. Le moment où on a trouvé ses indices. Le moment où on a pu entrapercevoir l'espoir.

Je dois avancer sans Pélagie. Je n'ai pas le choix. Comme Clayton me l'a dit tout à l'heure, je dois bouger, je dois me détacher d'elle, prendre mon indépendance. Il faut absolument que je sois heureuse sans que mon bonheur ne repose sur ma meilleure amie, ni sur personne d'autre. Cela veut également dire éviter de dépendre de Clayton. Il ne s'en doute pas mais c'est exactement ce qu'il se passe ces derniers jours : mes émotions fluctuent selon lui.

— Tu vas me parler ? Ou alors tu vas rester silencieuse et faire comme si tout était normal ?

Je me tourne vers lui. Il a deviné que je ne vais pas bien. Je sais. Ce n'est pas dur à comprendre. Encore moins quand on me connait aussi bien que lui.

— Al'.

J'inspire un grand coup. Il est la seule personne à qui je peux parler. Alors autant en profiter.

— Comment on guérit ? Comment on peut lui dire au revoir ? Je n'y arrive pas. Je pense tout le temps à elle.

— Tout le temps ?

— Moins qu'avant. Mais dès qu'elle s'immisce dans mes pensées je n'arrive pas à l'enlever

— Personne n'a jamais su comment dire au revoir à quelqu'un. On donne des tas de conseils, établit des tas de schéma sur les étapes du deuil et du changement. Pourtant personne n'a jamais su trouver comment dire correctement au revoir à quelqu'un, comment laisser partir ce qu'on voudrait garder.

— J'aurais voulu qu'elle soit encore là. Tous les trois on aurait été bien. Mais je sais que je dois la laisser. Je dois accepter le fait que je n'ai plus ma meilleure amie.

— J'ai accepté qu'elle soit partie. J'ai compris que je ne pouvais rien y faire.

— Comment t'as fait ? Enfin, c'était ta sœur, vous étiez proches et...

— C'était son choix. Elle a eu envie de quitter ce monde, alors c'est qu'elle devait être plus heureuse ainsi. C'est pour ça que je la laisse partir. Parce qu'elle l'aurait voulu. Il n'y a pas de technique. Ça arrive, c'est tout. Un jour tu finis par l'accepter. Mais avant ça il faut vraiment vouloir avancer dans la vie.

J'ai envie d'avancer. Je n'ai envie de ne plus ressentir cette douleur. J'en ai vraiment envie.

— Je suis prête à aller de l'avant.

— Alors maintenant lâche prise. Seul le temps cicatrisera tes blessures.

— On dit toujours ça mais on souffrira toujours.

— Cicatriser et guérir ne veut pas dire ne plus souffrir. Une cicatrice c'est toujours sensible. C'est toujours dur de la toucher, de l'effleurer. Elles restent, il y aura toujours cette marque blanche. Pour autant la blessure ne sera pas ouverte à vif.

Pour PélagieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant