Chapitre 5

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La pile d'enveloppes est posée dans un coin. Il n'y avait que des trucs sans importance : des cartes postales, des bulletins... Je récupère quelques tickets de caisse et les observe un par un. Peut-être que je peux trouver quelque chose qui sort du commun. Je me fais sûrement des idées. Je lis ce qu'elle a acheté, je m'autorise à sourire en voyant des paquets de bonbons ou autres gourmandises. C'était pour nos soirées ou après-midi toutes les deux. Je lis les autres reçus : teinture. Je me rappelle de cette après-midi où on avait essayé de se teindre les cheveux et faire une mèche bleue. Il n'y a pas besoin d'expliquer que ça s'était conclu par un énorme échec avec quelque chose qui ressemblait plus à du vert moisi que du bleu pop.

J'attrape un énième ticket qui me glace le sang. Corde. L'image de son corps vide de vie, pendant m'arrive en plein visage. Elle s'est vraiment pendue. Avec mon collier. J'en prends conscience d'un coup. Comme si je n'avais pas vraiment compris quand son frère me l'a expliqué. Je deviens livide, je me lève d'un coup et retiens un haut le cœur avant d'arriver dans la salle de bain et de vomir au-dessus de l'évier. Une fois mon estomac vide, je me rince la bouche et passe de l'eau sur mon visage. Elle s'est pendue. Putain.

— C'est pour ça que personne ne te l'a dit.

Je me retourne vers celui qui m'horripile, appuyé sur le chambranle de la porte. Je l'ignore et retourne dans la chambre. J'attrape le ticket et le déchire. Je termine de m'occuper de tous les tickets de caisse, comme si rien n'était arrivé. Je ne veux plus en parler.

Je lève la tête vers Clayton. Il tient un épais carnet en cuir, un autre est à côté de lui. Non, il ne faut pas qu'il les voit. Il n'a pas le droit de les regarder.

— Pose ça !

Il ne daigne même pas m'observer, aucune réaction de sa part. Je lui arrache des mains et récupère le deuxième. C'est hors de question qu'il les lise.

— Eh ! Je ne te dérange pas ? Rends-moi ça !

Il peut rêver, plus jamais il ne reposera ses sales pattes dessus.

— Je t'ai dit de le poser. Personne n'a le droit de les lire.

Il attrape mon bras et le serre, son regard se plante dans mes yeux.

— Tu n'as aucun ordre à me donner. Je te rappelle que je connais tout de vous.

— Alors pas besoin de le lire.

Il se tait. Je ne veux pas me battre pour ça. Il n'a pas à les toucher, point.

Je n'ai aucune envie qu'il lise ces cahiers. C'est un ensemble de lettres échangées, souvenirs, petits mots, photos et autres. C'est notre histoire à toutes les deux, il y a chaque chose qu'on a faite. Et qu'il connaisse nos secrets ou pas je ne veux pas qu'il les lise. Surtout le second, où s'il le lit c'est comme s'il me voyait nue. C'est un journal intime commun, on se parlait avec des choses qu'on abordait pas à l'oral. Et j'y expose tous mes sentiments, je me suis mise à nu dedans. Mais je n'ai pas le temps de réagir qu'il attrape ce dernier. Il se met à lire à voix haute.

— Coucou ! Tu sais il faut que je te raconte les dernières infos. Tu vas exploser de rire, et j'ai vraiment trop honte mais c'était marrant...

Je le coupe et le reprend. Il n'a pas le droit de faire ça. Je me referme sur moi-même, lui tourne le dos et feuillette les pages avant de le mettre de côté. Je les emmènerai chez moi.

J'ai encore compté. Je commence à comprendre mon problème mais je refuse de croire que c'est ce que je pense. On a trié soixante trois tickets, quarante et une enveloppes, cinq cent vingt huit papiers et dix neuf cahiers. Elle gardait tout, absolument tout.

Pour PélagieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant