Je me débats avec la carte et les prospectus dans la voiture. Clay me donne des coups d'œil inquiet en voyant mes mouvements brusques qui sont parfois à deux doigts de lui donner des coups alors qu'il conduit.
— Fais des gestes moins brusques. Si je pouvais ne pas faire une embardée, ça serait super. Tu t'en sors ?
— Ça devrait aller.
Enfin j'étale les plans sur mes genoux et le tableau de bord.
— Je pense qu'on doit tourner à gauche.
— Tout de suite ou après ?
— Au prochain croisement.
On s'enfonce dans la campagne danoise, plus au nord du pays. Il fait de plus en plus froid. Même avec un pull et une couverture sur mes jambes je ne suis pas très bien. J'observe la carte et la route en même temps, essayant d'orienter Clayton du mieux que je peux. Il tourne comme je lui ai dit de faire.
A Kolding nous avons vécu de vraies aventures. J'ai bien cru qu'il allait péter un câble en apprenant que le bureau de change ouvert le plus proche se trouvait à Copenhague. Heureusement pour nous, par le plus grand des hasards, il y avait un homme derrière nous qui cherchait à faire l'inverse : échanger des couronnes contre de l'euro. On a donc pu se débrouiller comme on pouvait entre nous, nous voilà donc avec nos 800 couronnes danoises. Maintenant nous cherchons à rejoindre un endroit où nous avons la possibilité de dormir dans la voiture pour la nuit. Apparemment c'est juste une place sur le bord d'une route. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus rassurant mais on va devoir faire avec.
— D'après ce que la dame a dit, on peut aller à pied jusqu'au village le plus proche. C'est quoi déjà le nom ?
— Skærup.
— Voilà. Il dit bien avoir une épicerie là-bas.
— Ça m'a l'air un peu paumé quand même.
— Ce n'est pas non plus le désert.
Je fais une grimace puis lui rappelle l'état de notre village. Il n'y a plus de supérette. On doit aller dans le village d'à côté pour pouvoir acheter quelque chose. Il ne reste que des pharmacies, boulangeries, bars, restaurants, un vieux cinéma qui projette des vieux films mais rien d'autre de bien excitant.
— On trouvera bien. Au pire y'a quoi comme grande ville aux alentours ?
— Vejle.
— Bon on ira bien voir.
Je rigole en hochant la tête. Je suis contente qu'il se soit détendu depuis tout à l'heure. Je ne savais pas quoi faire pour le rassurer. Je voudrais avoir la capacité de le rassurer, le calmer, réussir à canaliser son énergie comme il le fait avec moi. Mais il est bien plus fort en caractère. Alors c'est compliqué. Surtout que au vu de mon état je ne suis peut-être pas la mieux placée pour essayer de m'occuper des autres. Je ne sais déjà pas me gérer, comment je pourrais gérer les autres ?
Parfois - même tout le temps- j'aimerais être comme tout le monde. Ne pas être ce spécimen instable, qui se brise en très peu de temps. Je voudrais que les gens ne me regardent pas de travers au lycée parce que je quitte souvent les cours, avec l'impossibilité de pouvoir me concentrer sur autre chose que les souvenirs désagréables qu'il me reste.
Je hais le lycée. La seule raison pour laquelle je supportais c'était Pélagie. Alors maintenant qu'elle est partie, je ne veux plus y retourner. Je ne supporterai pas le regard des gens, leurs pensées, leurs remarques, leurs questions. Je crois bien que ça finirait de me détruire. Je n'ai plus aucune envie de passer mon bac. C'est un cauchemar cet examen, trop de révisions que je n'arrive pas à faire. Mes angoisses augmentent dès qu'il s'agit de ça. Je ne suis pas capable de suivre tous les cours donc je dois les rattraper après. Sauf que ces révisions sont impossibles à mener. Je ne suis jamais à l'aise dans aucun environnement. Depuis des années ma moyenne frôle toujours le onze dans la majorité des matières.

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Pour Pélagie
ChickLitRomance, Drame, Road-trip ********* Pélagie n'est plus là. Alice a perdu sa meilleure amie et n'a plus rien. Elle n'est plus elle même et est totalement perdue. Pélagie n'aurait pas pu se tuer. Du moins, elle ne serait pas partie sans laisser quelq...