Chapitre 14

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— Mademoiselle, je te sers quoi ?

Je relève la tête vers le serveur qui vient d'arriver.

— Un rhum.

— Tu n'as pas une carte d'identité ?

Nous nous regardons en silence pendant quelques secondes. Je n'ai pas encore dix-huit ans mais je ne pensais pas avoir une tête de mineur.

— Je ressemble vraiment à un enfant ?

— Non, c'est juste que j'ai une sœur qui a la même tête que toi et elle a dix-sept ans alors je me pose la question.

Je hoche la tête et me lève.

— Je vais la chercher.

Je récupère le sac et revient m'assoir sur le tabouret. Je sors ma carte d'identité cachée tout au fond dans une poche. Je la pose sur le bar.

— Vingt ans ? s'étonne le barman.

Je ne sais pas où elle a réussi à nous les dénicher, mon amie était la meilleure pour trouver tout ce dont on avait besoin. Je n'ai pas non plus envie de poser des questions sur la manière dont elle se les ait procurées, ça ne doit sûrement pas être très clean. Elle ne baignait pas dans des trucs propres.

Le gars en face de moi a compris que ce n'était pas une vraie, il doit avoir l'habitude de voir des trucs comme ça. Après tout c'est un bar, il doit bien fermer les yeux sur pas mal de choses.

— Ouais, vingt ans.

On se regarde pendant longtemps dans le blanc des yeux. Je prends cette fausse confiance en ne détournant pas le regard. Il finit par arrêter de me fixer. Je sais que j'ai gagné. D'habitude je n'ai même pas besoin de sortir ma carte car je suis bien mieux habillée et que je porte du maquillage. En ce moment même je ne ressemble en rien à d'habitude.

— Un rhum tu m'as dit ?

— C'est ça.

— Tu ne veux pas un truc moins fort ?

Je ricane et secoue la tête.

— Pourquoi je voudrais quelque chose de moins fort ? J'ai vingt ans, j'ai l'habitude de boire.

Je récupère ma carte et attrape mon verre. Je sors mon carnet de dessin et commence à esquisser le bar.

— Tu dessines ?

— Ouais, je n'ai pas dix millions d'autres choses à faire.

— Tu ne vas pas avec tes amis derrière ? Ou tu as un portable sinon.

— Pas de portable, et ce ne sont pas des amis. Ce sont les amis d'un gars avec qui je suis en voyage. Le frère de ma meilleure amie. Et on ne supporte pas quatre-vingt dix pourcents du temps, alors hors de question que je passe du temps avec eux.

Le mec continue de me dévisager. Je sais, je ne suis pas du tout agréable et je suis encore sur la défensive, encore et toujours.

— Je vois. T'essayes de disparaître toi, je me trompe ? La carte d'identité, pas de téléphone, qui n'en a pas de nos jours ?

— Pas vraiment. J'essaye juste de...

Je me stoppe, moi-même je ne sais pas ce que je cherche exactement. Je continue d'esquisser en parlant au barman. Je parle très naturellement avec lui, chose que je ne fais qu'avec des gens que je connais. Je m'étonne toute seule. Je lui explique en surface ce qu'il se passe. Comme Clayton l'a fait avec la propriétaire de l'hôtel. On doit rendre hommage à sa sœur qui est morte. Je ne lui donne pas plus d'informations, il n'en a pas besoin de plus. Ce qui m'étonne c'est qu'il m'écoute. Il m'écoute vraiment, relance la conversation, me pose des questions. Il est sincèrement intéressé. C'est la première personne depuis quelque temps qui fait ça.

Pour PélagieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant