Pour Pélagie

Chapitre 33

Jamais je n'aurais imaginé que ma première fois se ferait aussi rapidement, après un seul baiser. Jamais je n'aurais imaginé faire ça avec quelqu'un que j'ai, à un moment, détesté. Jamais je n'aurais imaginé le faire avec le frère de Pélagie.

Mais c'était avant. Car jamais je n'aurais imaginé que Pélagie se suiciderait.

À côté de moi le lit est vide alors que le soleil remplit la pièce de lumière, la porte de la salle de bain entrouverte me laisse deviner que celui qui m'a enlevé ma virginité se trouve à l'intérieur. Au moins il n'a pas fuit, c'est déjà ça. Je ne regrette rien d'hier, mais pour lui c'est une autre question, je ne sais pas ce qu'il peut ressentir, ce qu'il en pense.

Je ramasse des habits que je trouve par terre : ma culotte et son t-shirt. Ça suffira bien. Il est hors de question que je remette ma robe, ça prendrait trop de temps. J'hésite avant de pénétrer dans la salle de bain.

Je le trouve torse nu en train de se raser. Sans gêne je le détaille du regard, rien n'a changé par rapport à hier soir. J'aime toujours regarder son corps, il n'est pas énormément musclé mais me convient parfaitement à l'œil. Et il a assez de force pour me porter et m'embrasser. Alors ça me suffit. Je ne comprendrai jamais cette obsession pour les gars beaucoup trop musclés qu'ont certaines filles.

— Salut.

— Coucou, je le salue timidement en regardant mes pieds.

— Bien dormi ?

— Comme une marmotte. Et toi ?

— Tranquille. Euh, pour hier soir... il faut qu'on en parle.

J'ai envie d'hurler que non même si je sais très bien qu'on le doit. Je sens que je ne vais pas aimer ce qu'on va se dire. Je sais très bien que s'embrasser avant de coucher ensemble n'était pas la meilleure des idées qu'on a eu. On est tous les deux perdus et déboussolés. Pourtant je ne regrette rien, je ne veux pas que ça s'arrête. La soirée d'hier était parfaite. Je recommencerai sans hésiter. Je veux plus que du sexe pour se faire plaisir entre nous. Je voudrais être en couple avec lui, enfin essayer de construire un genre de relation avec Clay. Mais je sais que je suis trop instable. Mieux vaut qu'il ne subisse pas ça pour l'instant. Peut-être que lorsqu'on sera de retour chez nous ça en vaudra la peine, je pourrais essayer de tout lui avouer.

— Je sais, je réponds sans grande conviction.

— Honnêtement, je ne pense pas que...

Il laisse sa phrase en suspens et soupire. Un coup de poing en pleine face m'aurait fait bien moins mal que ce début de phrase. Je me doute très bien de ce qu'il voulait dire. Quelque chose du genre que c'était sous l'émotion, que c'était pas bien. Je réponds juste avec quelques mots formant un début de réponse approximatif pour donner l'impression que je suis du même avis.

— Ce n'était pas...

— Ouais. On doit se concentrer sur le voyage et notre but principal, renchérit-il.

— On doit penser à Pélagie.

— C'était une parenthèse. Un cadeau d'anniversaire ?

— Un cadeau d'anniversaire. Merci beaucoup pour ça d'ailleurs.

— Est-ce que tu regrettes ? demande-t-il en passant le rasoir sous l'eau.

On échange un sourire.

— Pas le moins du monde. Toi, tu regrettes ?

— Pas du tout.

— Parfait, annonçons-nous en chœur.

Je sors de la salle de bain en respirant difficilement. Non. Non. Je ne peux pas perdre le contrôle maintenant.