Lumière de nuit

Chapitre 1

Je m'affalai sur ma table. Je ne savais pas pourquoi j'avais tant sommeil, je n'avais pourtant pas fait nuit blanche... Enfin si, je le savais : cela faisait maintenant quarante-cinq minutes que M. Roque nous rabâchait l'histoire sans intérêt du roi Louis-Philippe. J'enfouis ma tête dans mes bras croisés et me laissai aller. Mais pas longtemps.

- Minori ! Si je t'ennuie à ce point, tu n'as qu'à le dire...

M. Roque me regardait comme si je venais de le harceler pendant une heure. C'était son truc, ça, avoir une tête de martyre fatigué. Quel idiot. Comme s'il croyait duper quelqu'un avec une tête pareille. Je relevai ma tête mine de rien et lui jetai le regard le plus innocent du monde. Chacun son truc, M. Roque. Il me fixa encore quelques secondes puis reprit le fil de son cours. Il me faisait pitié, même pas capable de remettre correctement un élève à sa place.

Puis il finit par déclarer une chose intéressante (j'en serais presque tombée de ma chaise...) :

- Au fait, en tant que professeur principal, c'est à moi de vous le dire : vous allez compter dès demain un nouvel élève parmi vous ! Faites-lui bon accueil !

Un nouvel élève... ? Bonne ou mauvaise nouvelle ? La sonnerie signalant la fin du cours retentit et je ne pus en apprendre plus sur ce nouveau venu.

Une fois chez moi, je repensai à ce nouveau. Moi aussi, j'étais arrivée en cours d'année, deux ans auparavant. Et ma classe n'avait pas été aussi sympathique que je l'aurais souhaité. Pas du tout, même. Au moins, mes camarades de cette année étaient gentils et solidaires. Ce nouvel élève s'intègrerait certainement plus facilement que moi. Mais pourquoi cela me préoccupait-il autant ? Je n'avais pas de boule au ventre comme lorsque mon instinct me prévenait d'un évènement désagréable. Juste un petit pincement au cœur. Sans doute avais-je peur que ce garçon que je n'avais jamais vu ne vive la même chose que moi. Oui, ce devait être cela. Je décidai de ne plus y penser, mais ce n'était évidemment pas gagné. Tiens, des devoirs... parfait. Juste ce qu'il me fallait pour penser à autre chose.

Après un moment de folie pure (j'aime ironiser), j'allai manger avec mes parents et mon frère. Ils m'appelaient depuis dix minutes, les pauvres...

Après ma douche, je me regardai dans le miroir, comme je le faisais chaque soir. Cheveux et yeux bruns, poitrine étroite... Rien d'anormal, en somme. Je soupirai devant tant de manque d'originalité et allai me coucher.

Le lendemain arriva très vite, et je sentais l'excitation des élèves de ma classe grandissant un peu plus à chaque minute, plus que deux minutes, plus qu'une... La sonnerie me cingla de nouveau les oreilles, stridente. Il était temps qu'ils la changent... Mais depuis le temps qu'on le demandait, nous avions perdu peu à peu l'espoir d'avoir une sonnerie décente.

Comme par hasard, notre premier cours de la journée se trouvait être celui de... M. Roque. Je ne saurais pas dire si ce nouveau avait de la chance de tomber sur son professeur principal ou s'il n'avait pas de pot d'avoir un professeur pareil comme première impression. Bon, voyons le verre à moitié plein. Disons qu'il n'avait ni chance ni malchance.

M. Roque semblait s'amuser à faire durer le suspense. Mon dieu, la vie des élèves devait être vraiment ennuyeuse pour qu'un tel capharnaüm soit mis en place rien que pour l'arrivée de quelqu'un. Je les plaignais, mais d'un autre côté... avoir une vie facile ne devait pas être désagréable.