Chapitre 36

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- Vous, les Loups-garou, restez ici aussi nouvel ordre. Mon équipe s'infiltre dans le QG. Éva, tu neutralises les gardes sous ta forme animale. Personne là-bas ne sais que tu es une panthère, et même si c'était le cas, tu n'es certainement pas la seule.

Elle acquiesça.

- Une seule règle : pas de morts ! Et vous avez intérêt à la respecter...
- Même le Conseil ? demanda Éric, l'air déçu.
- Même le Conseil. On n'est pas des tyrans.
- Nous, non, mais eux ? fit Éva.
- À part si tu veux leur ressembler.... Ne les tue pas. Le sujet est clos.

Nous passâmes encore une heure sur toutes les différentes possibilités d'attaque et de défense possible.

Bien que je fus éreintée d'avoir autant réfléchi, je n'eus droit à qu'une heure de sommeil. Ce fut Arkos qui vint me tirer du lit à une heure du matin.

- Debout, marmotte ! Les autres sont déjà levés depuis un bout de temps !
- Ma vie est un éternel recommencement... grommelai-je et m'extirpant du lit.
- Plus pour longtemps.
- N'en rajoute pas une couche, marmonnai-je en m'éclaboussant le visage d'eau pour me réveiller.
- Remarque, t'as pas changé question réveil... Toujours aussi mal léchée...
- La ferme.

Je sortis de la tente, accompagnée du Demi-loup. Comme il me l'avait si bien fait remarquer, j'étais la dernière à me lever.
- Vous auriez pu venir me chercher plus tôt... déplorai-je.
- On n'avait pas envie que tu piques du nez devant Elay, fit malicieusement Alice.
Je ne répliquai pas. Bien qu'eux aussi auraient dû plus dormir.
Pour la première fois, je fis se rétracter mes ailes, et elles disparurent jusqu'à nouvel ordre.

- En avant, murmurai-je en enfilant une cape pour éviter d'attirer trop l'attention. Plus un bruit jusqu'à la ville.

Nous pénétrâmes en silence dans la ville. Ce soir-là, on fêtait justement la fondation de la ville, quelques siècles auparavant. Comme si j'avais encore besoin de coïncidences troublantes.
Comme prévu, nous nous divisâmes en cinq groupes de deux. J'étais avec Arkos.
Nous nous approchâmes d'une taverne où l'on avait l'air de bien s'amuser, et nous entrâmes.
La musique des bardes résonnait partout, les gens étaient joyeux et festoyaient en riant et en trinquant leur chope d'hydromel. Nous devions rallier ces gens à notre cause, mais j'avais du mal à voir par où commencer.
Puis, un élément contraire au décor attira mon attention. Là-bas, au comptoir, un homme que je ne voyais que de dos ne riait pas. Les épaules voûtées, il semblait même désespéré. Arkos, qui lui aussi l'avait remarqué, s'approcha de lui, et je lui emboîtai le pas.

Il s'arrêta soudainement, surpris. Je suivis son regard. Djibril !
Djibril, son meilleur ami, était en train de regarder le fond de sa chope (qu'il avait dû remplir et vider plusieurs fois, à en voir sa tête), les yeux vides et hagards.
Arkos se ressaisit très rapidement. Il arbora son plus grand sourire, et posa une main sur l'épaule du Garde.
- Alors, l'ami ? Pourquoi tires-tu cette tête ? C'est la fête !
- Taisez-vous, marmonna l'autre sans même lever les yeux. Vous ne savez rien sur ma vie.
- Laisse-moi deviner... Ton meilleur pote est mort et tu bois pour l'oublier ?
Djibril écarquilla les yeux, mais ceux-ci restèrent encore une fois bloqués sur sa chope. Comme s'il avait peur d'affronter la réalité.
- Comment le savez-vous ? balbutia-t-il.
- Si tu levais les yeux, grosse andouille, t'aurais ta réponse !
Le Garde consentit enfin à regarder son interlocuteur. Les secondes qui suivirent furent longues, très longues.
- Mon vieux ! s'exclama enfin Djibril, qui, rappelons-le, n'en était pas à son premier verre. T'es vivant, Arkos !
- En chair et en os ! répondit Arkos, aussi heureux que lui. Alors, vieille branche ? Depuis quand tu bois, toi ?!
Tandis qu'ils se serraient dans les bras, Djibril répondit :
- Depuis que j'ai appris ta mort, quoi d'autre ? Tout le monde dit que Mino t'a tué et que...
Il s'interrompit soudain.
- Où est Mino ? s'exclama-t-il.
- Chut ! soufflai-je en me montrant à lui. Je suis recherchée, je te rappelle !
Il gloussa.
- Ma Mino ! T'es vivante aussi !
Il parlait plus doucement. Heureusement qu'il tenait plutôt bien l'alcool.
- "Ta" Mino ? fit Arkos en levant un sourcil.
- Laisse, répondis-je, tu vois bien qu'il est éméché.
- Oui, enfin bon... Y a des limites !
- Les limite, je les impose. Compris ?
Il soupira.
- OK...
- Raconte-lui ce qu'on fait là et sois discret ! Je fais le tour de la salle.

Un peu plus loin, un homme m'interpella.
- Hey, ma belle ! C'est pas prudent de se promener seule par ici, non ?
Je lui souris et répondis :
- Qu'aurais-je à craindre ?
- Une aussi jolie fille pourrait attirer de forts mauvaises convoitises... fit l'autre en faisant un clin d'œil.
Dégoûtant personnage.
- Je ne crains pas les voyous, répliquai-je sans me départir de mon sourire forcé.
Il tira une chaise et m'invita à m'asseoir. Je m'exécutai et observai ses camarades. Ils me lorgnaient d'un œil avide, et d'après leurs têtes, je pouvais affirmer qu'il s'agissait de mercenaires. Deux dans la vingtaine, trois dans la quarantaine. Mon interlocuteur faisait partie de la deuxième catégorie.
J'étais très mal tombée. Les mercenaires étaient aussi des chasseurs de prime. Avec ma tête mise à prix, je sentis que la situation risquait de mal tourner.
- Et vous faites quoi dans le coin ? demanda un des jeunes.
- Comme vous. Je fais la fête.
- On dirait pas... fit celui en face de moi.
Il semblait se douter de quelque chose. Je m'enfonçais décidément dans le pétrin...
- Disons que je n'aime pas la foule, répondis-je.
- Et donc, vous allez dans une des tavernes les plus fréquentées du coin ? fit-il, sarcastique.
- Mais qu'est-ce qui te prend, Grimm ? fit le jeune de tout à l'heure. C'est quoi ces manières ?
- Elle ne vous dit rien, les gars ? dit Grimm.
- Si, c'est une jolie fille, et alors ?

Je m'efforçai de rester calme.
- S'il y a problème, je peux partir, déclarai-je.
- Restez donc, siffla Grimm. Après tout, un million de diams, ça vaut le coup, non ?

Tout se déclencha ensuite très vite.
La seconde suivante, nos épées s'entrechoquaient bruyamment et nous restâmes bloqués dans cette position, chacun essayant de forcer l'autre à battre en retraite. Ma cape, qui s'était enlevée dans l'action, retomba mollement sur le sol.
- Alors, Mino ? On cherche d'autres gens à tuer ? gronda Grimm.
Le jeune pointa son arc sur moi. Arkos réapparut à ce moment et lui mit son couteau sous la gorge. L'homme qui m'avait interpellée le menaça alors de son sabre, ainsi que ses deux autres acolytes.
La situation devenait plus que compliquée.
Djibril fit alors son apparition et sauta sur la table. Il rompit le silence créé par le choc des armes.
- Grimm... Qu'es-tu en train de faire ? demanda-t-il.
Béni soit-il de tenir aussi bien l'alcool. Je me souvins alors que les gènes de son espèce lui permettaient de récupérer très rapidement de ses effets.
- J'arrête une meurtrière, répliqua l'autre.
- J'ai l'air d'une meurtrière ? demandai-je.
- Oh que oui, fit-il en me regardant droit dans les yeux.
- C'est faux ! protesta Djibril. Elle n'a tué personne !
- Tu as une preuve ? demanda l'homme à l'arc.
- Juste derrière toi, fit Arkos.
- Qui es-tu ?
- Arkos Regnir.

La nouvelle fit sensation. Arkos avait été déclaré mort, mais, et surtout, le nom des Regnir était très connu. Arkos ne m'avait jamais dit son nom. Aussi loin que je me souvienne, nous avions toujours employé nos prénoms. Peut-être ne voulait-il pas me froisser : étant orpheline, je n'avais pas de deuxième nom.

Mais il en avait surtout honte.

Les Regnir étaient une lignée de Demi-loups très renommée. Autant pour leur puissance que pour leur cruauté. Tous aussi sanglants les uns que les autres. Seul Arkos faisait exception à la règle, et tous connaissaient l'histoire de ce jeune Loup, battu par son père, qui avait brisé le lien de meute avec lui pour s'en délivrer et qui s'était enfui.

- Je suis censé être mort, clama-t-il. Tué par Mino. Pourtant, je suis ici, et je peux vous assurer que Mino n'est pas une assassine.
- Elle vaut tout de même un joli pactole, siffla Grimm.

Lumière de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant