Chapitre 30

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J'étais trempée, dégoulinante, l'eau s'infiltrait dans ma tenue par l'ouverture du col... J'étais vraiment dans un sale état.
Et Arkos ? Il devait être bipolaire, c'était la seule explication valable ! Tout doux, puis fourbe, puis encore tout doux...
Et le pire, c'est que je l'aimais... Je devais être masochiste. Oui, ça devait être ça.

Une masochiste schizophrène et un bipolaire câlin. Un bien beau couple... Dans ce monde de fous furieux.

Je sautai sur Arkos et lui enfonçai la tête dans le sable. S'il croyait qu'il allait s'en sortir comme ça...
Avant qu'il étouffe, je lui relevai la tête et le poussai dans l'eau.
Le temps qu'il se relève, j'étais déjà allée rejoindre les autres.

Alice me fit un clin d'œil et murmura :

- J'en étais sûre ! Tu pourras plus rien dire à Aurélien sur Crystal après ce que j'ai vu !
- Il est temps d'y aller... répliquai-je en ignorant son commentaire.
- Exact, approuva Arkos, trempé de la tête aux pieds. Allons à l'est. Avec la forêt vierge et la Montagne, ils ne nous retrouveront pas. Du moins, plus difficilement.
- Guide-nous, s'il te plait, lui demandai-je.

J'étais soudainement très fatiguée et j'avais envie de dormir. Suivre Arkos sans réfléchir me ferait le plus grand bien. Ce dernier acquiesça et huma l'air. Puis il pointa du doigt une direction et déclara :
- Par là.

Il ouvrit la marche, et nous le suivîmes tous. Nous marchions lentement, comme pour nous reposer de toutes nos émotions passées. Ce fut le voyage le plus tranquille de mon existence.

J'avais l'impression de faire une sortie touristique, comme sur Terre. On visitait la forêt vierge.
Je m'émerveillai devant les animaux inconnus qui venaient nous observer de près ou de loin, devant les fleurs exotiques qui dégageaient des senteurs nouvelles pour nous tous...

Des loups sauvages nous approchèrent vers le milieu du voyage. Dans un environnement comme celui-là, c'était étonnant. Ils ne semblaient pas craintifs, juste curieux. Ils étaient toute une meute.
Leur Alpha devait être celui tout devant. Il avait les oreilles dressées, le torse fier, et un poil gris soyeux. Les autres semblaient le suivre.
Le petit groupe s'approcha instinctivement d'Éric et d'Arkos, bien que l'Alpha soit méfiant envers ce dernier, car les relations entre chefs de meute étaient souvent très tendues.

Arkos lui fit comprendre qu'il n'envisageait aucune conquête sur leur territoire, et qu'il n'était que passager. L'Alpha accepta cette déclaration mais ne se détendit pas complètement.
Il me fixa soudain, puis s'avança vers moi.

- Ton odeur est étrange.
- Il dit que... commença Karim.
- Je sais, le coupai-je.

Je comprenais ce loup. Comme si j'étais une Murmureuse. C'était étonnant, mais ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait.
Karim m'observa, dubitatif, puis acquiesça.
Mais pouvais-je me faire comprendre par cet animal, moi ?

- Me comprends-tu ? demandai-je.
- Oui.

Encore un mystère sur moi à résoudre.

- Ton odeur est étrange, répéta le loup.
- Pourquoi dis-tu ça ? Tu as déjà vu d'autres Istaliens ?
- Ma meute a migré ici il y a peu. Je connais beaucoup d'odeurs des tiens.
- As-tu déjà senti une odeur comme la mienne là-bas ? lui demandai-je, soucieuse de savoir si j'étais la seule à avoir une espèce non identifiée.
- Non, jamais. C'est pour ça que ton odeur est étrange.
- Mon odeur ne te dit vraiment rien ?

Il inclina la tête sur le côté.

- Disons que tu es la seule personne à la porter...
- Sois plus clair ! exigeai-je.
Il grogna, agacé par mes questions.
- Cette odeur est propre à un endroit précis de cette forêt, consentit-il à expliquer. Il est étrange que tu viennes d'un lieu aussi éloigné de celui-ci.
- Où se trouve cet endroit ? demandai-je, ébranlée.
- À toi de le trouver...

Il s'éloigna, signant la fin de la discussion. Je soupirai. Les loups étaient vraiment des animaux difficiles. Tellement énigmatiques...

- On fait quoi, du coup ? demanda Arkos, qui avait tout suivi. On cherche l'endroit ?
- Non, répondis-je. On continue à aller vers l'est, et on s'installe. On cherchera plus tard.

J'avais le sens des priorités. Je n'allais pas me faire passer avant tout le monde pour une raison aussi égoïste.

- Continue de nous guider, ordonnai-je à Arkos.
- Comme vous voudrez, Princesse...
- Oui, je le veux, esclave ! répliquai-je, rentrant dans son jeu.

Nous continuâmes de plaisanter ainsi sur le chemin.

- Princesse Mino voudrait-elle qu'on lui apporte ses souliers en or avec des diamants incrustés ? demanda Arkos avec un ton de majordome.
- Je vous ai déjà dit mille fois que je préférais ceux en crin de Licorne !
- Mille pardons, Princesse... T'es pas mal en Princesse, tu sais !
- Je suis meilleure en Reine, je pense...
- Ah oui ? C'est-à-dire ?
- En gestion d'un pays, je veux dire. Princesse, c'est bien beau, mais à part chanter sous des cerisiers en fleurs avec des oiseaux multicolores, ça ne fait pas grand chose...
- Ouah, le gros cliché... fit Alice.
- Et donc, tu te vois diriger un pays, Mino ? demanda Aurélien.
- Pourquoi pas ? m'exclamai-je en riant.

Soudain, Arkos s'arrêta et nous fit signe de faire de même.

- On est arrivés, déclara-t-il.
- Cet endroit n'est pas mal du tout, en effet... approuvai-je.

Il s'agissait d'une petite clairière, minuscule étendue d'herbe verte dans la jungle d'arbres l'entourant. J'entendais d'ici une cascade, nous aurions de l'eau au volonté. Arkos avait vraiment du flair.

- Bon ! m'exclamai-je. On l'appelle comment, cet endroit ?
- C'est vrai, c'est le nôtre, maintenant ! répondit Cindy.
- Hum... Pourquoi pas "La Clairière des Anges ?" fit Éric.
- En rapport avec "Dark Angels" ? fit Arkos. Oui, c'est pas mal.
- Nous ne sommes pas des Anges, rétorquai-je.
- C'est pourtant toi qui avait trouvé notre nom, objecta Alice.
- Les Anges des Ténèbres, ce n'est pas tout à fait la même chose... déclarai-je.
- Alors... Que pensez-vous de... "La Clairière", tout simplement ? proposa Max.
- Ça, j'aime bien ! approuvai-je.
- Ça me paraît un peu simple, mais ça fera l'affaire, déclara à son tour Éric.
- Donc, tout le monde est d'accord pour ce nom ? demanda Alice.

Tous acquiescèrent.

Lumière de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant