Chapitre 34 : Égarement

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- Bucky -
 

Cette couleur ambrée. Ce goût doux, cuivré, fumé. Je pose le verre froid sur mes lèvres pour que l'elixir brûle ma gorge. Et me rappelle que je suis encore bien vivant, même si mon coeur semble éteint.

Troisième verre vidé, c'est l'heure de rentrer. Je pose un billet sur le comptoir en adressant un faux sourire au serveur comme chaque soir. Je glisse mes deux mains dans mes poches de jean, ouvre la porte du bar de mon épaule avant de m'aventurer dans les rues de Manhattan.

J'ai comme l'impression d'un déjà-vu. Quand je me sentais vide et trop à l'étroit dans cette immensité, après qu'elle m'ait dis qu'il fallait que j'oublie ce qu'il c'était passé entre nous. J'avais quitté la bibliothèque le coeur un peu plus brisé qu'il ne l'était déjà. Mais elle avait réussi à tout recoller et même à le faire grandir, en quelques semaines.

Et me voilà de nouveau à la case départ. J'ai l'impression de la voir partout. A chaque coin de rue. Mon coeur palpite dès que j'aperçois des cheveux châtains et légèrement ondulés. Pour finalement être soulagé -ou déçu- quand les cheveux laissent place à un autre visage.

Je ferme les yeux en essayant d'échapper à toutes ces pensées qui me hantent depuis des semaines, des mois. Le temps est ton remède, ton meilleur allié. Voilà les paroles du Dr Raynor, qui semble de plus en plus désespérée face à mon état.

Mais comment pourrais-je faire le deuil et t'oublier ? Alors que je dois vivre avec ce fléau ? Celui d'avoir détruit ta vie avant même de te connaître ?

Alors que j'arrive à mon étage, je décide de continuer les marches jusqu'au toit. Je le traverse, contourne les bouches d'aération jusqu'à rejoindre le coin, celui où se trouve ma chaise de camping. Je m'affale dedans, bascule la tête en arrière et passe mes mains dans mes cheveux devenus trop longs.

Quand je rouvre les yeux, mes pupilles dilatées passent d'une étoile à l'autre. Les nuits sont claires et douces. Quand je rebascule ma tête en avant, mon regard est toujours et encore attiré par cette boîte en carton blanc, complètement délabrée par la pluie, le vent, le soleil. Mais on distingue toujours le donut dessiné sur le dessus.

Je n'ai jamais eu le courage de le jeter. Parce que je n'ai pas encore décidé ce qui était plus douloureux. Le revoir à chaque fois que je suis assis dans cette chaise et penser à toi ? Ou alors le jeter et accepter que tu ne fera plus jamais partie de ma vie ? Non, je suis pas encore arrivé à ce stade du deuil.

Mon bras gauche me semble lourd. Tellement lourd. Comme si mon corps et mon esprit le rejetaient. J'ai essayé de retrouver le bouton pour le détacher, comme l'avait fait Shuri. Mais impossible. J'ai essayé de me l'arracher, avant d'abandonner après 20 minutes d'acharnement incensé.

Ce bras est le reflet de mon passé. Et je dois tout simplement accepté qu'il me suivra jusque dans ma tombe. Je me déteste. Je me déteste de ne pas être mort dans cette chute glaciale. Si seulement ces roches m'avaient arraché la tête, en plus de mon bras, tout aurait été plus simple. Parce que je n'aurais jamais croisé ton chemin.

***

Je marche sur les pétales de cerisier qui recouvrent le trottoir, en direction du supermarché du coin. La vue de mon frigo vide a réussi à me motiver à sortir de mon appartement. Ma main droite tiens un sachet vide, l'autre passe dans mes cheveux. Une fois. Deux fois. Je me rappelle maintenant pourquoi je ne voulais jamais me les laisser pousser.

J'arrive enfin à la supérette. Je remplis mon sachet de quelques indispensables, deux-trois légumes histoire de, puis me dirige vers le rayon des alcools. Une fois arrivé à la hauteur des whiskys, je recule légèrement jusqu'à buter contre l'étagère dans mon dos, puis analyse les bouteilles. J'aperçois du coin de l'oeil une personne s'avancer dans l'allée, passer devant moi, s'accroupir pour attraper une bouteille.

Please don't touch me / Bucky BarnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant