Chapitre 2 : Marché

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- Anna -
  

Voilà maintenant près que 4 ans que l'éclipse s'est produite. La moitié de la population a tout simplement disparue, envolée en poussière, d'un claquement de doigts. Depuis cet événement, la vie semble se vivre au ralenti, dans un monde en deuil.
Je le suis moi-même, en deuil de ma meilleure amie. L'éclipse m'a prit ce qu'il me restait de plus cher, la seule personne qui m'a fait me sentir à nouveau chez moi, ici à Prague. Après la mort de mes parents, j'ai décidé de tout changer, de ville comme de vie. Je suis partie de Londres pour me rendre dans la ville dorée, cette capitale qui me faisait toujours rêver.

Ce rêve est aujourd'hui un cauchemar, mais ce cauchemar se fait petit à petit supportable... La vie reprend doucement son court, tout le monde retrouve ses marques, sa routine, ses habitudes. Je continue de travailler à la librairie, mais en plus, pour me donner un semblant de bonne conscience et me sortir de ma solitude, je suis membre d'un groupe de soutien social que je retrouve deux à trois fois par semaine. Ça me fait beaucoup de bien, de discuter des problèmes de chacun, de se soutenir et de s'entraider. Des personnes ont perdus leurs parents, leur femme ou encore leurs enfants. Moi, je n'ai perdu "que" Sofia, la seule personne qui comptait pour moi. J'essaye de me battre chaque jour pour elle, mais j'ai toujours été de nature solitaire, et sans elle, je me sens impuissante, égarée dans cette ville trop grande et pourtant trop déserte maintenant...

Il est 19 heures, je suis de fermeture aujourd'hui à la boutique. Les journées se font de plus en plus chaudes et plus longues. J'aime cette période de l'année, à l'aube de l'été, quand tout le monde est d'humeur légère et joyeuse. Je me dirige vers le café où nous nous retrouvons tous les mardis soirs, avec les autres membres du groupe. Ces rencontres rythment mes semaines, j'y retrouve des personnes qui sont devenus plus que de simples connaissances.

Arrivée au café, je fais le tour pour dire bonjour à tout le monde. Je m'assoie comme à mon habitude à côté de Karli, qui m'embrasse pour me saluer.

Karli - Salut Anna ! Alors ta journée ?

Anna - Oh la routine comme toujours, mais bizarrement, il y avait beaucoup de monde aujourd'hui, ça m'a bien occupé ! D'ailleurs vous avez déjà commencé à parler du marché ce weekend ?

Karli - Oui justement on y venait. Tu as avancé pour la récolte de livres d'occasion ?

Anna - Oui clairement ! Les dons sont vraiment nombreux, chaque jour des personnes viennent me ramener des livres pour le marché.

Karli - Top, ton stand sera bien rempli alors, c'est super. J'espère que ce marché sera une réussite, c'est la première fois que j'entreprends quelque chose...

Anna - Ne t'en fais pas, il y en aura pour tous les goûts ! Avec tous nos stands, il y aura forcément du monde. Les gens sont vraiment généreux depuis l'éclipse, et puis, chaque centime de gagné permettra d'aider les familles et personnes en besoin. C'était une idée d'enfer Karli !

Nous continuons de discuter des formalités du marché que nous allons tenir ce week-end avec notre groupe, sur la place du centre historique. Nous sommes officiellement une petite quinzaine et essayons comme nous pouvons d'aider autrui et de se soutenir les uns les autres. De plus en plus de personnes se joignent à nous pour nous aider et nous apporter des dons. C'est dans ces moments que je me sens un peu plus vivante et moi même.

***

Nous nous quittons vers 21 heures après avoir réparti les dernières tâches pour ce week-end. Je remonte le centre-ville vers le fleuve pour retrouver mon studio et ma solitude. Il s'est passé quelques années depuis l'éclipse, le monde reprend doucement son souffle. Mais raser la moitié de la population d'un claquement de doigts laisse forcément des traces. La ville reste vide par rapport aux soirées animées d'autre fois. De nombreuses boutiques ont fermé et n'ont jamais réouvert au centre-ville, certains immeubles d'habitation sont abandonnés. Aux limites de la ville, des quartiers entiers sont déserts. Les populations se sont regroupées pour se retrouver, des groupes ont même été déplacés dans les régions où les pertes ont été les plus grandes. A la télé, on voit des villes entières sans vie, comme dans des films d'apocalypse que je regardai autrefois, maintenant il suffit de regarder par la fenêtre.

Please don't touch me / Bucky BarnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant