Chapitre 19

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– Charlie, lâche ça où je te jure que je t'explose la tête contre le comptoir.

– C'est pour ta photo de contact, rétorque le jeune homme en faisant mine de repositionner son téléphone pour reprendre une photo.

Sous ses protestations, Anthéa, mon autre collègue, le lui arrache des mains.

– Tu feras sans.

– Tu préfères que j'y foute une photo de chameau ?

Anthéa lui jette un regard vraiment très effrayant. J'entends carrément Gabriel déglutir à côté de moi.

– Ose et je raconte à Mel que tu me harcèles et que je ne me sens pas en sécurité dans les cuisines.

Charlie cligne plusieurs fois des yeux.

– Tu m'as griffé le bras y a dix minutes, s'indigne-t-il, outré. Je suis la victime.

Anthéa hausse ses minces épaules en balayant ses cheveux derrière ses oreilles. Ils sont coiffés en de multiples tresses africaines, qui retombent en longues cascades sur ses épaules graciles jusqu'au bas de son dos.

– C'était mérité, affirme-t-elle.

– Je retirais une peluche de tes cheveux.

– J'avais pas le contexte, je pouvais pas le savoir.

– J'ai saigné, Anthéa.

– C'est pas mon problème.

– Rappelle-moi pourquoi j'te kiffe déjà ?

Anthéa hausse les épaules, fataliste.

– Ça m'arrange que t'aies oublié, sale gamin.

– J'AI VINGT DEUX ANS, MERDE ! Vinny, dis-lui !

C'est probablement la phrase que mon collègue prononce le plus souvent au cours d'une journée. Nous sommes tous les quatre installés dans les cuisines, en attendant que le restaurant ouvre. Ça ne va pas tarder, puisque l'ouverture est à onze heures trente le samedi. À côté de moi, Gabriel pousse un petit soupir compatissant.

– J'ai jamais vu un mec persévérer autant.

– Quelle hargne, approuvé-je.

Ça doit faire à peu près deux ans que Charlie est complètement amoureux d'Anthéa. Quand même.

– Quel trou du cul, renchérit la voix de Mel.

Gaby et moi sursautons en même temps. Il y a deux secondes, elle était littéralement à l'autre bout de la pièce. Cette femme est un ninja.

– C'était pas très pro ça, lâche Gabriel.

– Je m'en carre le cul, rétorque Mel, grognonne.

– Je suis fan de toi, affirmé-je.

Elle me tapote l'épaule.

– Tout le monde est fan de moi, mon chou. Bref, le restaurant ouvre, les mioches. Au travail.

– Mel? Anthéa est un prédateur sexuel. Je ne me sens pas en sécurité dans les cuisines.

– Tais-toi et bosse, ou je te jure que je te vire.

L'intéressé marmonne dans sa barbe.

– Va prendre la commande de la table neuf s'il te plaît, il faut vraiment que j'aille pisser, me demande Charlie quinze minutes plus tard avec un air suppliant.

– Vas-y, je m'en occupe.

Et je le suis des yeux avec beaucoup d'amusement, tandis qu'il effectue une marche rapide en se dandinant jusqu'aux locaux des employés. J'attrape un calepin et un stylo et je me dirige vers la table neuf, en adoptant une mine avenante. Arrivée à destination, je pousse une petite exclamation de surprise. Camila est là, assise en face d'un garçon que je ne connais pas.

Les touches noiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant