Le lendemain, je passe ma matinée de lycée avec une boule au fond du ventre. La tension dans mes épaules rend ma nuque raide, mes doigts sont crispés autour des lanières de mon sac de cours. Mon appréhension est telle qu'elle se manifeste physiquement. Je redoute cette journée ; parce que l'issue aura un réel impact sur mon état psychologique, je le sais. Une question perdure dans mon esprit depuis la sonnerie de mon réveil ce matin. Une interrogation vicieuse, qui s'est solidement accrochée à chaque cellule de mon cerveau pour les polluer et les engourdir. Est-ce que Oliver sera vraiment différent, aujourd'hui? Je n'en ai absolument aucune idée. Aucun moyen d'en être absolument certaine.
La bande est agglutinée autour d'une table dans un angle de la cafétéria. Mon plateau en plastique gris à la main et Elio sur les talons - en train de grignoter un bout de pain - je la rejoins sans me presser. Occupé à envoyer un texto, Oliver ne relève pas la tête. Le reste du groupe nous salue joyeusement. Ronan profite que nous soyons tous autour de la table pour nous parler de son projet:
– Mes parents m'ont proposé de me laisser la maison au bord du lac dans deux semaines pour inviter mes potes, cette année. Ça vous chauffe?
Toute la tablée se fend d'un énorme sourire. Ronan nous a beaucoup parlé de Kensington, la propriété de ses parents, et à l'écouter, c'est une vraie petite merveille de détente et de divertissement.
– Carrément! s'exclame Will.
– C'est le feu! renchérit Elio.
– Tu poses vraiment la question, chéri? ajoute Avery.
– Est-ce qu'il y a un four?
Tous les regards convergent vers Emy, qui se met à rougir instantanément. Ronan émet un petit rire et lui ébouriffe les cheveux.
– Oui, Emy, il y a un four. Un super four, même. Et des tonnes de moules.
Il se tourne ensuite vers son meilleur ami, qui vient de ranger son téléphone.
– Et toi? Ça te branche?
Oliver hausse les épaules.
– Est-ce que j'ai déjà refusé un week-end à la maison du lac?
Ronan lui tend son poing, et Oliver tape dedans avec un sourire espiègle. C'est maintenant moi que le grand brun regarde. Ma gorge se serre. Je ne sais pas quoi répondre. Je ne sais pas comment se portera Aiden dans deux semaines, dans un mois ou même dans six. Je ne sais pas si je peux me permettre de passer le week-end loin de la maison tout de suite. Je n'ai pas envie de le laisser seul. Mais je ne peux pas l'expliquer à mes amis, étant donné que j'ai uniquement parlé de la tentative d'Aiden à Elio et Gaby. Je me racle la gorge.
– Je suis pas sûre, les gars. Ma mère est pas là de tout le week-end et Aiden et Orion...
– On trouvera une solution. Viens, Vinny.
Je me tourne vers Oliver, la bouche entrouverte. C'est lui qui a parlé. Dans son regard, je comprends qu'il sait ce qui me préoccupe réellement. Il m'adresse un petit hochement de tête, comme pour me dire qu'on pourra gérer ça. Autour de la table, nos amis se sont tous arrêtés de manger et le dévisagent, les yeux exorbités.
– Est-ce que tout va bien? demande Will, les sourcils haussés.
– T'as la mononucléose? s'informe Ronan, ce qui lui vaut un regard réprobateur d'Avery.
Elio repousse précipitamment son assiette en lançant un regard méfiant à son contenu.
– Que plus personne ne touche à cette purée. Elle a mis son cerveau en vrac.
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Les touches noires
Roman d'amourL'amitié de Vinny et Oliver a toujours sonné comme une évidence. Le genre de relation unique, grandiose et indicible qui remue au plus profond de l'âme. Jusqu'au dix-huit janvier de l'année de leurs quinze ans. Jusqu'à l'horreur, les larmes et les f...