Vinny
Lorsque je me réveille, il fait à peine jour. Autour de moi, mes amis sont encore endormis. Le salon est encombré de matelas, de plaids, de coussins et d'emballages de chips. Nous sommes rentrés vers trois heures du matin. Je ne sais pas quoi penser de cette soirée. Je ne sais pas quoi penser du comportement d'Oliver. Il avait beaucoup bu, c'est vrai. Mais souvent, l'alcool est vicieux. Il nous fait dire des choses qu'on aurait aimé garder pour nous. Il délie les langues et il embrouille l'esprit. Mais je ne suis pas certaine qu'il soit capable de faire avouer des choses fausses.
Je m'assois sur le matelas que je partage avec Emy en fixant le vide. Je me passe une main sur le visage, les épaules affaissées. Au fond, même si j'étais persuadée d'avoir changé, je suis toujours exactement la même. Une petite ado blessée qui attend le retour d'un fantôme. Un fantôme qui a repris un peu de consistance, hier soir. Mais ça ne change rien, au fond. Peut-être qu'il a enfin pris conscience de certaines choses, c'est vrai. Peut-être qu'il va se rendre compte qu'il veut que ça change. Mais deux ans de pure haine l'un envers l'autre ne s'effacent pas en une soirée. Pour lui comme pour moi.
Je m'attache les cheveux en une courte queue de cheval basse. Je me relève, sans faire de bruit et en évitant de marcher sur un membre. Avery, Will et Ronan ont partagé un matelas et je manque d'exploser de rire en me rendant compte que Will tourne le dos à sa copine et qu'il dort confortablement dans les bras de Ronan, qui a la tête sur son torse. Il ressemble beaucoup moins à un bad boy, comme ça. Eli s'est endormi sur le canapé au-dessus d'eux et son pied pendouille au-dessus de la tête de Ronan. Gabriel dort roulé en boule sur l'autre sofa, comme un petit chat.
Je quitte le salon sur la pointe des pieds, en attrapant mon carnet et ma trousse au passage. Arrivée dans la cuisine, je m'adonne à me préparer un café bien noir. Je sors tout ce qu'il me faut, sans avoir besoin de fouiller. Nous connaissons tous la maison de Ronan absolument par cœur. Je n'ai jamais vu une machine à café aussi luxueuse. Je déguste ma première gorgée avec délectation. Le liquide amer me réchauffe la gorge et j'ai un frisson de satisfaction. Voilà comment bien commencer la journée. Je m'adosse au bar, les jambes croisées et les yeux posés sur le jardin. C'est là que je remarque Oliver. Il est assis sur le bord de la terrasse, dos à moi. Je l'observe quelques secondes, en sirotant mon café. Et, sans que je n'y ai vraiment réfléchi, je me retrouve sur la terrasse, frissonnante dans mon débardeur et mon short de sport. Peut-être que, cette fois, il voudra bien écouter ce que j'ai à dire. Ce serait une grande première.
– Salut.
Je suis debout, à quelques pas de lui. Il ne répond pas. Il ne réagit pas. Je sais pourtant qu'il m'a entendu, à la façon qu'ont eu ses doigts de se crisper sur les lattes. Lentement, je viens m'asseoir à côté de lui. Après avoir dégluti, je me lance:
– Par rapport à hier...
– Casse-toi, Vinny.
Je m'interromps en tournant brusquement la tête vers lui.
– Je voulais juste...
– Qu'est-ce que tu fous ici? me coupe-t-il une deuxième fois.
Il ne me regarde même pas. Il garde les yeux obstinément fixés sur l'horizon. Au loin, le soleil se lève, sans se presser.
– Je voulais juste qu'on en parle, répliqué-je, froidement.
Il siffle entre ses dents, méprisant.
– Y a rien à dire. J'avais trop bu. On fait tous des conneries quand on a trop bu.
Je ne sais pas à quoi je m'attendais. À ça, sûrement. C'est peut-être pour cette raison que je ne suis pas déçue. Je n'aurais même pas dû me donner la peine de venir le rejoindre. Il se relève en enfonçant les mains des les poches de son jogging. Il s'éloigne de quelques pas, sans faire attention à moi. Pour lui, la discussion est close.
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Les touches noires
Storie d'amoreL'amitié de Vinny et Oliver a toujours sonné comme une évidence. Le genre de relation unique, grandiose et indicible qui remue au plus profond de l'âme. Jusqu'au dix-huit janvier de l'année de leurs quinze ans. Jusqu'à l'horreur, les larmes et les f...