Chapitre 39

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Je n'arrive pas à dormir. Ça fait une heure que je me tourne et me retourne dans mon lit, en quête d'un sommeil qui ne vient pas. Trop de pensées parasites. Trop d'angoisse, aussi. Je m'inquiète pour Aiden. J'ai envoyé quelques messages à ma mère pour savoir comment il allait. Elle m'a dit qu'il dormait paisiblement lorsqu'elle était rentrée, et qu'il avait bien pris les cachets qu'elle avait déposés sur sa table de chevet en partant le matin. J'ai discuté avec lui sur Instagram pour prendre de ses nouvelles, mais il me répondait une fois sur trois et la plupart du temps pour me rabrouer et m'inciter à profiter de mes amis.

Pour la énième fois, je retourne mon coussin. Les deux côtés sont tout aussi tièdes. Je retiens un grognement de frustration ; il ne manquerait plus que je réveille Emy et Avery avec mon boucan. Après encore quelques minutes à tenter de m'endormir, je me résigne: je n'y arriverai pas. J'attrape ma bouteille d'eau vide et, en faisant le moins de bruit possible, je m'extirpe de mes draps. Je parcours la distance qui me sépare de la porte sur la pointe des pieds et je cherche la poignée à tâtons, sans allumer la lumière. Ce n'est qu'une fois dans le couloir sombre que je m'autorise à appuyer sur l'interrupteur ; je ne connais pas assez bien la maison pour me balader tranquillement dans le noir. Parvenue au rez-de-chaussé, je me dirige vers la cuisine. La maison paraît bien moins accueillante la nuit, avec les angles qui se durcissent et les ombres qui s'allongent. Le porte-manteau de l'entrée fait presque arrêter mon cœur. Je suis soulagée lorsque je parviens enfin à la cuisine, qu'on a dû oublier d'éteindre puisqu'elle est éclairée par la lumière du plafonnier.

En pénétrant à l'intérieur, je manque de m'évanouir de frayeur. Un individu non-identifié est accoudé au comptoir, de dos. Il porte un T-shirt blanc sur ses larges épaules et un short de basket. J'aperçois une tasse de chocolat entre ses mains.

– T'arriveras jamais à t'endormir en buvant ce truc.

Oliver se retourne brusquement en manquant de renverser son mug. En constatant que c'est moi, il se détend.

– Tu m'as fait peur, bouffonne, marmonne-t-il en posant sa tasse sur l'îlot central.

– Toi aussi, trou du cul.

– Pourquoi t'es pas couchée? demande-t-il. Il est trois heures du matin.

– Emy ronfle.

– C'est vrai?

- Non, j'ai menti, avoué-je en souriant.

– Je me disais bien.

Je viens m'asseoir sur l'une des chaises hautes qui entourent l'îlot.

– Et toi?

Il s'accoude au meuble en marbre en haussant les épaules.

– Will ronfle. Vraiment fort. Comme un camionneur. (Il se passe une main dans les cheveux, dans une tentative vaine de les discipliner un peu.) Pourquoi tu dors pas?

Je m'humecte les lèvres.

– Je m'inquiète pour Aiden, avoué-je.

Oliver hoche légèrement la tête en me sondant du regard.

– Il serait énervé s'il savait que tu penses encore à lui, tu sais?

J'ai un petit rire sarcastique.

– Probablement.

– Alors arrête.

– J'y avais pas pensé, ironisé-je.

Il se redresse contre l'îlot et enfonce les mains dans les poches de son short de sport.

– Sérieusement. Fais un truc qui te change les idées, continue-t-il. Parce-que tu vas pas te faire mal au crâne à penser à lui tous les jours alors que t'es censée passer un bon moment avec tes potes. Je me mords l'intérieur de la joue.

Les touches noiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant