Oliver
Pourquoi j'ai fait ça? Je sens encore le spectre des lèvres de Camila sur les miennes. Elles étaient douces et elles avaient un goût de gloss à la fraise. Elle embrasse bien. Elle embrasse même assez bien pour être capable de faire oublier n'importe quoi et n'importe qui. Sauf qu'elle n'est pas parvenu à effacer Vinny. Ses doigts sur ma nuque, ses lèvres contre les miennes et le parfum de ses cheveux. Je me rappelle de tout avec une précision douloureuse. Je sais que j'ai aimé. J'ai adoré, même. Malgré tout ce qui s'est passé ensuite. C'est même le seul baiser qui m'ait jamais fait ressentir autant de choses à l'intérieur. Il m'a mis les émotions en vrac. Alors malgré tout, malgré tout ce que cette étreinte m'a rappelé de plus mauvais et de plus dégueulasse, au fond de moi j'ai envie de recommencer.
Parce que mon frère a raison. Aiden a raison. Ça ne sert à rien de me mentir à moi-même. J'ai été amoureux de Vinny pendant plus de deux ans de ma vie. Et je crois bien que je suis retombé amoureux. Ou peut-être que t'as jamais cessé de l'aimer, au fond. Putain. Je ne sais pas comment je vais faire. On ne peut pas être ensemble. Pour un million de raisons. Mais pour un million d'autres, j'ai l'impression que je ne pourrai plus jamais me la sortir de la tête.
Je me sens mal. Je revois son regard terne lorsque je me suis détaché de Camila et je me demande sincèrement s'il existe une plus grosse raclure que moi sur cette putain de planète. Je n'arrive pas à savoir si je regrette ou non, parce que j'avais besoin d'essayer ; essayer de l'effacer de moi.Ça n'a pas marché. Bien sûr que ça n'a pas marché. C'est Vinny. Pas une simple fille sympa et mignonne avec qui j'aurais passé un petit bout léger de mon adolescence. C'est tellement plus profond que ça. Tellement plus moche, plus triste et plus injuste.
Je ferme les yeux en posant l'arrière de ma tête contre le matelas. Je ne sais pas vraiment à quel moment la crise de panique a commencé. Peut-être quand j'ai vu Vinny quitter la maison dans son sweat trop grand et ses cernes noirs. Ou quand Gabriel m'a violemment plaqué au mur en me disant que je faisais de grosses conneries. Ou alors, le moment où je me suis retrouvé seul au milieu de la piste de danse, entouré de corps en sueurs.
Je n'en ai pas grand-chose à foutre, de toute façon. Le résultat est le même. Je ne suis plus qu'un corps tremblant affalé au sol, qui endure l'angoisse en attendant que ça passe. Je n'arrive pas à respirer correctement et mon filet de souffle s'extrait difficilement de ma trachée par à coups presque douloureux. Les sueurs froides qui me descendent le long de la colonne vertébrale me font frissonner. J'ai la nausée et je n'arrive pas à me calmer. J'ai la terrifiante impression de finir par m'étouffer complètement d'un instant à l'autre. Mon cœur palpite contre mes tempes. J'ai peu à peu l'impression de quitter ma propre conscience et de glisser dans un autre chose effrayant. La porte s'ouvre et je n'ai pas envie de regarder parce qu'au fond de moi, je sais.
– Oliver ?
Lorsque sa voix résonne au milieu du silence opaque, je n'arrive même pas à me sentir plus anéanti que je ne le suis déjà. J'ai touché le fond, de toute façon. Je relève difficilement la tête et elle est là, dans l'encadrement de la porte. La lumière de la lune fait briller ses yeux et j'ai envie de crever tant elle est belle. Entre deux inspirations étranglées, je parviens à souffler, d'une voix cassée :
– Reste pas là, Vinny.
Mes mots se brisent sur son prénom et je sens des larmes chaudes me glisser dans le cou. J'ai l'impression d'être complètement vidé, comme si toute mon essence vitale s'était entièrement dissoute. Il ne reste que la coquille vide et les yeux creux. Je n'ai même pas la force de paraître agressif.
– Mais tu...
– S'il te plaît, Vinny. Et je suis désolé.
Je ferme les yeux et je tente de contrôler mes tremblements. Je me sens de plus en plus oppressé. Je vois la colère poindre dans ses yeux. Quelque chose se brise à l'intérieur de moi. Après un dernier regard, elle fait demi-tour et elle claque la porte derrière elle. Je me rassieds lourdement sur le lit et fais tout mon possible pour retrouver ma respiration. Elle est partie. Bordel bien sûr qu'elle est partie. C'est moi qui le lui ai demandé. Et putain. J'ai l'impression que mon corps explose à l'intérieur et je crois qu'en fait, j'aurais préféré qu'elle reste avec moi, dans cette grande chambre froide. Elle n'aurait pas eu besoin de parler ; juste de poser sa tête contre l'armature du lit et de fermer les yeux. J'aurais écouté son souffle, j'aurais senti sa présence à côté de moi et ça m'aurait suffi. Sauf que c'est trop tard.
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Les touches noires
RomanceL'amitié de Vinny et Oliver a toujours sonné comme une évidence. Le genre de relation unique, grandiose et indicible qui remue au plus profond de l'âme. Jusqu'au dix-huit janvier de l'année de leurs quinze ans. Jusqu'à l'horreur, les larmes et les f...