Chapitre 38

124 12 0
                                    

Aiden a insisté. Il m'a affirmé qu'il avait envie que j'y aille. Il a dit qu'il m'en voudrait beaucoup, si je décidais de louper ce week-end pour veiller sur lui. D'après lui, ça le ferait culpabiliser de me faire mettre ma vie en pause et il estime qu'il n'a pas besoin de ce poids en plus. Quel manipulateur vicieux. J'ai insisté. Je lui ai expliqué que ça m'angoisserait de le savoir livré à lui-même dans notre appartement. Pour me rassurer, il m'a appris qu'il passerait le samedi après-midi chez Ivy, avec qui il a un exposé à terminer. Ma mère est à la maison le dimanche, alors il ne sera pas seul non plus ce jour là.

J'en ai discuté avec ma mère au téléphone, à sa pause. Elle m'a dit qu'elle ferait en sorte de savoir tout le temps où Aiden se trouve et avec qui. Elle m'a avoué qu'elle avait installé une application de géolocalisation sur son téléphone. Aiden le sait, et ça ne le dérange pas. Elle a ajouté que ça faisait déjà trois semaines depuis sa tentative et que depuis, il s'était montré honnête et coopératif. Il s'est rendu chaque semaine voir la psychologue du lycée et il a déjà commencé à prendre ses antidépresseurs, prescrits par un psychiatre qui nous a coûté une blinde. C'est ma mère qui garde bien précieusement les cachets au fond d'un tiroir fermé à clef, et c'est moi qui me charge de donner les gélules à Aiden lorsqu'elle est absente. Il a avoué qu'il n'en voyait pas vraiment les effets, pour l'instant, mais le spécialiste a affirmé que c'était parfaitement normal et qu'il faudrait attendre environ un mois pour observer une différence.

Ma mère était très réticente au début, parce qu'elle considère les médicaments de ce genre avec beaucoup de méfiance. Le médecin l'a convaincu. Dans le cas d'Aiden, c'était presque nécessaire pour le soulager de son mal-être. Il est persuadé que le traitement peut vraiment l'aider à aller mieux. Il l'a aussi rassuré sur les effets secondaires et la dépendance. Non, les patients sous traitement ne sont pas sous antidépresseurs à vie. Pour Aiden, il estime que c'est un moyen de l'aider à s'en sortir. Il pourra s'en passer lorsqu'il aura surmonté ses idées noires. Ma mère m'a aussi dit qu'elle rentrerait à la maison vers 22h vendredi et samedi. Nous avons convenu qu'Orion passerait le week-end chez un copain à lui. Tout irait bien.

C'est comme ça que, vendredi à quatorze heures, je me retrouve ratatinée sur la banquette arrière de la voiture d'Avery, prise en sandwich entre sa valise et Emy. Direction: la maison du lac. Nous sommes complètement surexcités. Nos sacs à dos sont entassés dans le coffre de la voiture tandis que le bagage d'Avery a besoin d'un siège à lui tout seul. Mon amie estime que nos trois jours de week-end nécessitent au moins une sélection de six tenues complètes. Et son lisseur. Et son coussin à mémoire de forme. Nous roulons depuis environ vingt minutes dans l'habitacle rempli du bruit de nos bavardages et de la playlist d'Avery qui défile dans les enceintes. La voiture de Ronan est juste devant la nôtre.

– Ronan vient de griller un feu rouge ? s'assure Elio, assis sur le siège passager, en fronçant les sourcils.

Avery hoche la tête en haussant les sourcils.

– Ronan vient totalement de griller un feu rouge.

Devant nous, la voiture de notre ami continue son chemin comme si de rien n'était.

– Quel badboy, fait Elio l'air mi apeuré, mi impressionné.

À côté de moi, Emy a l'air inquiète.

– Il va avoir des problèmes avec la police?

Je secoue la tête en souriant à mon amie.

– Je pense pas. À moins qu'il n'y ait une caméra.

Les premières notes de Girl On Fire se mettent à raisonner dans la voiture. Excédé, Elio tend le bras pour baisser le volume. Avery lui administre une tape sur le dos de la main.

Les touches noiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant