Chapitre 26

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 Ma mère semble plus heureuse, depuis quelques jours. Ce matin, je me suis réveillée aux alentours de dix heures et demi. Lorsque je me suis rendue dans la cuisine, elle était là, toute fraîche et habillée, à cuisiner des pancakes dans une poêle en chantonnant. Rien que la voir d'aussi bonne humeur a suffi à me donner le sourire. Orion était joyeusement attablé, une grosse bouchée de pancakes au sirop d'érable entre les dents et les mains collantes de sucre. Je me suis installée à côté de lui et j'ai passé les vingt minutes suivantes à discuter tranquillement avec ma mère. C'est rare, de la voir comme ça. Elle fait toujours en sorte de beaucoup sourire en notre présence, sans vraiment parvenir à effacer complètement la fatigue de son visage. Aujourd'hui, elle dégage une gaieté et une fraîcheur qui semblent la rajeunir de cinq ans.

Ça semble faire plaisir à Orion qui, au lieu de s'empresser de sortir de table pour aller jouer, préfère rester dans la cuisine avec nous. Ses petits bras sont maintenant serrés autour de la taille de notre mère, adossée au plan de travail, sa main posée sur la petite tête brune de son fils.

– T'es jolie, aujourd'hui, lui dit-il en levant ses grands yeux bleus vers elle.

Elle lui adresse un sourire attendri en lui caressant doucement les cheveux.

– Merci, petit chat.

– D'habitude aussi, hein. Mais là encore plus. Ton sourire est plus beau.

Elle lui plante un baiser sur le front tandis que j'approuve intérieurement les propos de mon frère. Lui aussi, à sa façon d'enfant, il a remarqué ce petit changement bienvenu dans l'expression de notre mère.

– Une bonne nouvelle à partager ? m'enquiers-je en étalant de la confiture sur un énième pancake.

Ma mère m'offre un petit regard mystérieux derrière son mug de café.

– Rien de spécial. Je suis contente de vous voir.

Je lui adresse un regard amusé. Je sais qu'elle dit la vérité - elle est toujours très heureuse de passer du temps avec nous - mais je suis persuadée qu'il y a autre chose. Elle nous en parlera sûrement en temps voulu. Mon dimanche se déroule de façon paisible. Je regarde un peu les dessins animés avec Orion et maman, je fais un brin de ménage, je recoupe un peu ma frange, je bâcle mes devoirs de maths et je passe rendre son pull à Gaby, que je lui avais emprunté il y a un bout de temps déjà. Vers seize heures, je finis par m'installer confortablement sur mon lit, mon téléphone à la main. Je traîne un peu sur les réseaux sociaux, réponds aux commentaires sous mon dernier post - une photo d'Elio, Gaby et moi allongés au milieu de la route, tout souriants (prise par Ronan, je crois) - like quelques publications... Je m'apprêtais à aller faire un tour sur un site d'actualité lorsque mon téléphone s'éteint soudainement.

En poussant un soupir exaspéré, je le laisse retomber sur mon ventre. Avec un petit grognement mécontent, je roule sur mon lit pour atteindre l'autre extrémité. Je tends le bras pour attraper mon chargeur, censé reposer sous la table de chevet. Évidemment, il ne se trouve pas là où il devrait être. Je lève les yeux au ciel. C'est forcément Aiden. Il perd son chargeur plus souvent que mon lycée les matchs de basket. Je me retrouve donc à frapper en grommelant à la porte de sa chambre. N'obtenant pas de réponse au bout d'une dizaine de secondes, je me décide à rentrer quand même, sans grand scrupules. Il n'avait qu'à répondre. Alors que je m'apprêtais à pénétrer dans la chambre, je me stoppe sur le seuil, les sourcils froncés.

La pièce est complètement plongée dans la pénombre. Il est à peine dix-sept heures et pourtant, les volets sont clos. Alarmée, je balaie la pièce des yeux, partiellement éclairée par la lumière du couloir. Ce que j'y découvre me laisse interdite. Aiden n'a jamais été quelqu'un de particulièrement ordonné, et la taille de sa chambre a toujours accentué le désordre qui y règne. À la base, notre appartement ne contient que cinq pièces. Trois chambres, la salle de bain, le salon/cuisine. Ma mère est sortie avec le père de mes frères pendant sept ans, bien qu'ils ne se soient jamais mariés.

Les touches noiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant