Chapitre 17

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Je suis réveillée depuis un bon moment mais n'ose pas bouger, par peur de réveiller la crevette à mes côtés. Alors je réfléchis, déplaçant tout de même mes bras pour les mettre en dessous de ma tête. Je pense à mon stage qui se déroule plus que bien. Je pense aux employés de la boîte, de vrais enfants, attachants. Je pense aux vacances, j'espère pouvoir me reposer un peu. Ne pas m'occuper de la maison constamment. Puis je me souviens de la veille, de ma mère. De mon frère et mon père. Mon père. Il est tellement gentil avec les gens que j'oubliais le fait qu'il soit sexiste. Ma mère a bataillé avec lui pour pouvoir travailler. Pour lui la femme doit rester à la maison et s'occuper de son foyer. Faire le ménage et repasser. Préparer à manger et débarrasser, lancer les machines et laver le linge sale.

Mon père a sûrement déteint sur ma mère, à force d'entendre le même discours. Elle est endoctrinée. C'est hallucinant, elle fait subir la même chose à sa fille. Pourtant c'est une femme ! Il n'y a pas de solidarité féminine dans cette famille. Ni fraternelle d'ailleurs. Mon père déteint aussi sur mon frère apparemment. Non mais sérieusement ? Il n'y a pas plus cliché : les garçons devant la télévision et la petite dernière qui fait la cuisine..

Je sortis de mes pensées en entendant un grognement et tourne mon regard vers le bruit. Victoria dort encore mais bouge un peu. Elle ne va pas tarder à émerger de son sommeil alors je mets mes réflexions de côté et pose ma main sur la joue de la petite Viretto. Je la caresse doucement et chuchote son prénom. Elle est mignonne quand elle dort.

- Bonjour Camillou, marmonne-t-elle.

- Bonjour Victoria.

- Mmh, t'es réveillée depuis longtemps ?

- Mmh hum.

- On t'a déjà dit que t'es belle quand tu dors ? repris-je.

- Mmh, non pourquoi ?

Elle se retourne pour être dos à moi. Sûrement gênée. Je me redresse alors et me place sur mon flanc, attrapant sa taille au passage. Elle se colle à moi et nous nous retrouvons en position de cuillère. Je cale mon menton contre son épaule et chuchote :

- Parce que t'es magnifique quand tu dors.

- Mmh mhh, toi aussi t'es jolie.

Argh. Je déteste qu'on me fasse des compliments, ça me gène.

- Viens on va manger, il ne faudrait pas arriver en retard.

- Mmh non, grommelle-t-elle en se calant un peu plus contre moi, ce que je ne pensais pas possible.

- T'es sure de toi ? Soufflais-je malicieusement contre son cou.

- Mmh non.

- T'as raison. 

Je la porte donc sur mon épaule sans qu'elle s'y attende et descends avec la marchandise, sans compter sur les bruits du produit, qui crie un peu.

Je salue tout monde, qui se moque de Victoria au passage et pars directement dans la cuisine où je pose la crevette. 

- Toute ma famille est contre moi, boude-t-elle en sortant une réplique de Kevin dans « Maman j'ai raté l'avion ». 

Elle est irrécupérable..

Quelques temps plus tard, nous mangeons rapidement le petit-déjeuner que je nous ai préparé. 

- Tu t'es carrément approprié ma cuisine ! 

- Bientôt je squatterai ta chambre, la taquinais-je en touchant le bout de son nez.

- Dans tes rêves.

- Et j'apparais dans les tiens ? 

- Bah bien sûr, quelle question, ajoute-t-elle en levant les yeux au ciel. Je rêve de toi nuit et jour, Il mio cuore.

- Oh je suis flattée, Il mio tesoro.

 Puis nous partons pour une nouvelle journée de travail ; pour ensuite rentrer à la maison et dormir.

La fin de journée se présente vite.

Sur le chemin du retour, j'y songe : elle s'est très bien passée, mis à part le fait que je m'ennuyais quelques fois, mais c'est normal, je ne comprenais rien aux logiciels, même si Vincent tentait de m'expliquer.

Le midi, j'ai déjeuné avec eux : Julien me  l'a proposé et, ayant déjà refusé une fois, j'ai dû accepter.

J'ai adoré, il n'y a pas eu un  seul blanc, tout le monde participait y compris le patron et moi. En sortant de leur lieu de travail, ils se considèrent tous comme des personnes à part entière. C'est assez rare je trouve.

***

Je décide d'envoyer un message à  ma cousine, Alice. Ça fait maintenant plus d'un mois que je ne l'ai pas vue, ce qui est assez rare puisque je rends visite chaque samedi à mes grands-parents. Ils habitent à Valergues et ma cousine se trouve dans le même quartier. Je croise tout le temps le reste de sa famille, sauf elle. Pourtant, nous sommes assez proches, n'ayant qu'un an d'écart. Enfin, j'envoie donc un message :

« Salut Alice, c'était pour savoir comment tu vas, et si on pourrait s'organiser une sortie ensemble, ça fait longtemps. »

Je pose mon portable et choisis de voir mes parents. Je suis rentrée il y a vingt-cinq minutes et je suis directement partie faire une sieste. Je mets donc ma rancœur de côté, voulant leur poser une question.

- Hé, vous allez bien ? 

- Oui et toi ma chérie ?

- Un peu fatiguée mais ça va, je voulais savoir..

- Oui ? Disent-ils à l'unisson.

- Samedi on va bien à Valergues ?

- Comme d'habitude. 

- Et vous avez des nouvelles d'Alice ?

Mes parents se contemplent un long moment en entendant le prénom de ma cousine, étrange. Ils ont l'air de communiquer, par télépathie ? Peut-être.

- Du coup ? Demandais-je, impatiente.

- Euh.. évite de lui parler si tu la croise, ordonne doucement ma mère.

- Pourquoi ? 

Mon père oriente de nouveau son regard dans celui de ma mère. Ils se consultent vraiment là ?

- Elle ne traine pas avec les bonnes personnes, continue mon père.

- Quoi, elle a fait des conneries ? 

- Langage Camélia, souffle ma mère.

- Elle a fait des conneries, poursuit mon père.

- Toute seule, comme une grande ? 

- Non bien sûr, avec l'aide de sa meilleure amie.

- Célia ?

- Célia.

Je souffle et monte dans ma chambre. Ils n'ont pas l'air de vouloir dire clairement ce qu'il se passe. Ça m'énerve. Mais ça m'inquiète aussi. 

Alice, qu'as-tu fait ?

CaméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant