Chapitre 36

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Je passe mes journées à éviter son regard. En même temps, qui ne le ferait pas ? Je sens bien que notre amitié en prend un coup mais même si je le voulais, je ne peux pas faire grand chose pour arranger ça. Je ne pense pas que ce soit à moi de faire le premier pas. Alors j'attends.

- Qu'est-ce qui se passe ? m'interroge ma meilleure amie, un sourcil levé avec inquiétude. Pourquoi tu travailles autant tes cours ? Je sais que c'est normal mais tu le fais jamais. Alors dis-moi Camélia.

Assises sur un banc dans la cour, entre deux heures de spécialité, on regardait les lycéens passer avant qu'elle ne parle. Je détourne le regard, pas sûre de ce que je peux lui dire, et le pose sur un bâtiment du lycée. Des graphistes sont venus embellir son mur en béton. C'est moche. Mais c'est coloré.

- Je veux juste réussir, tu sais, réponds-je évasivement. Viens, on va marcher un peu.

Elle se lève, sceptique, mais me suit.

- Tu penses vraiment que je vais croire ça ? poursuit-elle alors que nous avançons lentement parmi les autres élèves afin de retourner en cours.

Je soupire, sentant la pression monter. Justine n'est pas dupe, et je sais qu'elle ne lâchera pas l'affaire si facilement. Tout le monde sait pourquoi je révises autant, franchement.

- Camélia, tu sais que tu peux tout me dire. On est amies depuis des années. Et tout le monde a remarqué que tu t'isoles, même Maxim m'a posé des questions. On a juste décidé de te laisser gérer.

Je sens mes épaules s'affaisser. Elle a raison, bien sûr. Mais comment expliquer ce qui se passe quand moi-même je n'en suis pas certaine ?

- C'est compliqué, Justine.

Elle hoche la tête, mais je vois qu'elle n'est pas satisfaite de ma réponse. Par miracle, elle finit enfin par changer de sujet, mais je sens qu'elle reviendra à la charge, tôt ou tard.

Un soir, alors que je suis dans le tram en train de parler au téléphone avec mon cousin, mon téléphone vibre, signe que je viens de recevoir un message. Mon cœur rate un battement en voyant le nom de Victoria s'afficher sur l'écran. Je me sens pâlir un peu. Pourquoi elle m'envoie un message ? Il est 19h. Elle ne m'envoie jamais de message à 19h. Surtout sans raison. Mon cousin remarque sûrement mon trouble et me taquine :

— T'as reçu un message de ton amoureux ou quoi ?

— Arrête, dis-je en riant nerveusement. C'est juste... quelqu'un du lycée.

Je coupe court à la conversation, prétextant une mauvaise connexion, et ouvre le message de Victoria. Ce que je découvre me laisse sans voix. Un long texte s'affiche à l'écran.

Dans les grandes lignes, elle m'écrit qu'elle est inquiète quant à notre éloignement soudain et qu'elle pense qu'on doit parler de ce qu'il s'est passé. Elle veut clarifier les choses, et pour de vrai cette fois.

Je suis légèrement déconcertée par ce message. Alors ça, c'était inattendu. Je décide de lui répondre plus tard, pour digérer l'information, mais aussi parce que je suis encore au téléphone avec mon cousin.

Je me décide à lui répondre avant de rentrer à la maison. On a convenu de parler de tout ça demain. En rentrant chez moi, je me sens épuisée. Je monte directement dans ma chambre et ferme la porte, cherchant à être tranquille. Je me laisse tomber sur mon lit, le regard fixé sur le plafond. Pourquoi tout est si compliqué ? Je prends mon téléphone et relis encore une fois le message de Victoria. J'espère juste que ça va bien se passer. Elle veut parler, mais est-ce que ça changera quelque chose ? Je ne veux pas perdre ce qu'il y a entre nous. Je ne veux pas perdre Victoria.

Le lendemain, je m'attends à ce qu'elle et moi parlions de ce message, mais elle agit comme si de rien n'était. Pendant les cours, elle rit avec nos amis, me lançant des regards complices comme si tout allait bien. Mais elle a craqué ou quoi ? Je décide de l'ignorer.

À la pause de midi, elle s'approche de notre groupe et s'installe à côté de moi, toute souriante. Elle dépose son plateau et commence à parler des infos récentes de notre lycée comme si de rien n'était.

- T'as vu la nouvelle affiche pour le bal de fin d'année ? Me demande-t-elle en croquant dans sa pomme. Ils nous demandent de choisir entre différents thèmes.

Je la regarde, bouche bée. Elle fait vraiment comme si elle ne m'avait pas écrit hier ou je rêve ? Je sens une certaine irritation monter en moi, mais je me force à ne rien dire.

- Non, dis-je d'une voix neutre.

- Ah bon ? Attends je te montre.

Joignant les gestes à la parole, elle me dégaine son cellulaire pour chercher le compte du lycée.

- Je ne compte pas y aller, range ça.

Je sens son regard sur moi. Elle me fixe, mais je ne veux pas la regarder. Vraiment pas. Je mange ma salade de pommes de terre tout en regardant la cantine. Il y a vraiment beaucoup de monde en fait. Je salue une connaissance que je n'ai pas croisée depuis un moment. Elle décide de détourner ses yeux de moi au bout de ce qu'il m'a parut être une éternité et continue de parler de choses et d'autres aux autres, ignorant totalement la frustration qui monte en moi à chaque mot qu'elle prononce. Mon Dieu, je ne la supporte plus aujourd'hui. Je n'arrive pas à croire qu'elle fait comme si de rien n'était. Est-ce que notre amitié ne compte pas pour elle ? C'est elle qui a demandé à ce qu'on éclaircisse les choses. Je me retiens de ne pas exploser pour si peu, me répétant que je dois attendre le bon moment pour en parler.

Bon, je ne l'ai pas trouvé. En rentrant chez moi, je ressasse les événements de tout à l'heure. J'ai un peu la haine. Sur le dos dans mon lit, je cale mes bras sous ma tête et fixe le plafond. Les images où nos lèvres étaient si proches m'inondent l'esprit. Je me demande si elle est aussi perturbée que moi, là, maintenant qu'elle est toute seule.

Je finis par éteindre la lumière et m'enfouir sous les couvertures, fermant les yeux. On dit qu'il faut rester un quart d'heure dans une même position sans bouger pour pouvoir s'endormir. Ça ne marche visiblement pas pour moi aujourd'hui. Mon cerveau se pose beaucoup trop de questions. Je décide donc de le soulager et envoie un message. Je ne le veux pas. Je le fais simplement dans le but de calmer les rouages de mon crâne.

Camélia : "Victoria, pourquoi tu fais comme si de rien n'était ? On devait parler, non ?"

Elle répond rapidement. Elle ne dort pas ?

Victoria : "Désolée, j'étais nerveuse. On peut en parler demain ?"

J'accepte à contrecœur, espérant que cette fois-ci, nous pourrons vraiment discuter.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 18 ⏰

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