Chapitre 4.

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J'arrivai dans un marché. Des stands multicolores occupaient une ruelle fleurie. Ils étaient de tous genres, du vendeur de breloques au vendeur de beignets. J'emplis mes poumons des odeurs mélangées de ce marché. Pour moi cela avait la senteur de l'abondance, du bonheur. Cette population ne manquait de rien.

Une jeune femme aux joues rougies m'interpella:

- Mademoiselle! Un beignet ça vous dit?

Je cherchai dans mes poches quelques sous à lui donner mais je n'avais rien sur moi. J'allais refuser quand elle me tendit un sac rempli de beignets en disant:

- Allez, j' vous l'offre contre votre sourire!

Je fus très surprise. Je la remerciai chaleureusement. Je n'étais pas habituée à tant de gentillesse.

Je continuai donc mon chemin tout en mangeant de savoureux beignets, le sourire aux lèvres.
J'arrivai ainsi jusqu'à un muret duquel on pouvait voir la mer qui se trouvait cinq mètre en bas, à ses pieds.

J'observai les légers mouvements de l'eau et cela m'apaisa étrangement. J'avais grandement besoin d'être apaisée, depuis mes quatorze ans, j'étais constamment dans le stress et le danger des combats. Mon esprit était affuté pour réagir au moindre petit bruit mais ici, le mot "danger" n'existait visiblement pas.

J'entendis du mouvement à côté de moi et je vis un jeune homme regarder l'eau rêveusement.

Je sursautai. Je n'avais pas l'habitude de voir un homme flâner dans la rue. Dans mon monde les hommes bien bâti étaient récupérés dès quatorze ans pour être initiés au combat et n'étaient absolument pas des rêveurs. Je me surpris même à rire en imaginant un de mes camarades de combat à la mine patibulaire avoir un air profondément rêveur en tranchant la tête de monstres.

Mon rire le réveilla de sa rêverie brusquement et il était tellement penché vers l'eau qu'il commença à perdre l'équilibre et se rapprocher dangereusement de la mer.

Vive comme l'éclair, je passai mon bras devant ses épaules pour le retenir dans sa chute. Il retrouva l'équilibre et me regarda perplexe.

Puis il se décida à parler.

- Tu es très rapide! Je m'étais à peine rendu compte que je tombais que déjà j'étais debout, grâce à toi!

Je me pinçai l'arrêt du nez. Il était tellement empoté qu'il ne s'était pas rendu compte qu'il tombait?

Il me tendit sa main et me dit avec un grand sourire:

- Je m'appelle Aiden. Et toi?

J'hésitai, puis je lui serrai la main.

- Je m'appelle Elly.

Il continua en s'adossant au muret:

- Tu as quel âge? Moi j'ai 20 ans.

J'allais répondre que j'étais plus âgé mais je me repris, j'étais plus jeune maintenant. Cela m'agaçai sans raison.

- Hum, j'ai 16 ans.

Il haussa un sourcil, surpris.

- Tu as l'air plus mature pourtant.

Je plissai les yeux. Ce n'était pas sans raison, j'avais 6 ans de plus mentalement.
Des pas rapides se firent entendre derrière mon dos.

Je vis devant moi Aiden s'exclamer:

- Jun!

Je me retournai et je vis le plus jeune de mes deux frères courir vers nous. Il s'arrêta devant moi essoufflé.

- Elly...pourquoi tu es...partie aussi...précipitamment?

Je désignai sans réfléchir le paquet de beignets posé sur le bord du muret.

- Il fallait que j'achète des beignets.

Jun regarda Aiden avec méfiance.

- Pourquoi tu parlais avec lui?

Je vis Aiden fixer Jun avec dureté.

Ça commençait à devenir intéressant. Je répondis en souriant:

- Je l'ai sauvé de la noyade.

Jun s'esclaffa. Aiden se racla la gorge.

C'est le moment que Flynn choisit pour se montrer.

- Qu'est ce qu'Elly fait avec monsieur Aiden?

Ainsi mes deux frères n'entretenaient pas une bonne relation avec ce fameux Aiden.
Mais bon deux contre un ce n'était pas vraiment juste, donc je changeai de côté.

- Tu peux me poser la question directement. J'étais en train de sympathiser avec lui pourquoi? C'est un problème?

Flynn haussa un sourcil et sourit narquois.

- Elly aborde des jeunes hommes inconnus dans la rue maintenant.

Cela me piqua au vif. Ces deux frères étaient trop protecteur. Ils empiétaient sur mon espace vital. Mon physique laissait penser que j'étais une frêle jeune fille de 16 ans, incapable de se défendre seule, alors qu'à l'intérieur j'étais une femme de 22 ans, la meilleure des agents de la SSPS.

Je pris mon paquet de beignet et je continuai ma promenade sans faire attention aux regards surpris de mes deux frères.
J'avais l'impression d'avoir deux gardes du corps. Cela blessait mon ego.

Je ne rentrai que tard le soir. La nuit était tombée. Je n'avais mangé de la journée seulement des beignets.

Mon père était devant le portail.

Quand il me vit, il me fit signe de le suivre.
Il m'amena jusqu'à ce qui semblait être son bureau. Il me désigna un siège face à sa table de travail. Je m'assis et je me sentis vulnérable tout à coup devant le regard profond et l'imposante personnalité de mon père.

Il se racla la gorge et dit:

- Tes frères ont détruit le miroir, je t'en ai acheté un autre.

Je n'eus aucune réaction, il continua:

- Hum, je me demande comment tu as réussi à sortir de la propriété.

Je répondis très naturellement:

- J'ai escaladé le portail.

Mon père sursauta.

- Pourquoi?

- Je voulais acheter des beignets.

Il posa ses coudes sur son bureau et serra ses deux mains sous son menton.

- Sincèrement je ne penses pas que ce soit la raison.

Mon cœur sursauta dans ma poitrine. Il ne pouvait avoir compris?

- Quelle est la raison?

- Tu es partie rejoindre en cachette, monsieur Aiden.

J'eus un mouvement de soulagement imperceptiblement. Mais je venais de comprendre ce qu'il insinuait. Le rouge me monta aux joues. En plus d'être des gardes du corps, mes frères rapportaient tout à mon père? Et celui ci avait interprété mes actions à sa façon.

- Je l'ai plutôt rencontré pour la première fois, par hasard lors de ma promenade en ville.

- Cela n'explique pas le fait qu'après que tes frères t'ai enfin retrouvée tu sois partie, et que tu ne reviennes que tard le soir.

Je pestai dans ma tête. J'avais oublié que j'étais mineure et que ce n'était pas normal de rentrer tard le soir à la maison quand on est une jeune fille.

- Je suis désolée père, punissez moi.

Nouveau mouvement de surprise de la part de mon père.

- Elly, tu as bien changé. Je vais réfléchir à tout cela calmement. La nuit porte conseil.

Il se leva et me raccompagna jusqu'à sa porte.

Je marchai pensivement jusqu'à ma chambre. Ma vie s'annonçait plus difficile que prévue.

Le Miroir MauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant