Chapitre 15.

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Je ne terminai pas mon repas et je décidai d'aller près de la mer.

Je m'assis sur le sable chaud et j'observai les vagues venir et repartir devant moi. Je ramenai mes jambes contre moi. La mère d'Aiden était morte. Je savais ce qu'on ressent lorsqu'on perd un être cher. J'avais moi-même perdu ma mère. Une larme roula sur ma joue et se mêla à l'eau de mer qui me léchait les pieds.

C'était le première fois que je pleurais depuis 11 ans.

Aiden allait-il m'en vouloir d'avoir été avec lui pendant les dernières heures de vie de sa mère ?

J'avais maintenant de l'eau jusqu'aux genoux. Les vagues partaient puis revenaient de plus en plus proche.

Je secouai la tête.

Cela faisait à présent quelques heures que j'étais assise devant la mer et l'eau froide qui venait et repartait commençait à engourdir mes jambes.

Je me levai et me mis à marcher vers le marché. Ma robe mouillée me collait au corps et je vis que les gens me fixaient avec insistance. Je pris la direction du champ de fleurs. Il fallait que je sèche au soleil.

Pendant que je marchais, le soleil et le vent commencèrent à sécher mes vêtements et lorsque j'arrivai dans le champs de fleur j'étais presque entièrement sèche.

J'emplis mes poumons de l'odeur des plantes et je me mis à marcher au delà du champ de fleurs.

Au bout de plusieurs minutes, j'arrivai devant un cerisier en fleur. Il était au centre d'une très légère colline, ce qui m'avais permis de le voir de loin. Il perdait quelques pétales et le sol était comme recouvert d'un tapis rose pastel.

Je m'assis au pied de l'arbre et j'appuyai mon dos sur son tronc.

Ma robe était à présent tout à fait sèche. J'avais détaché mes cheveux et ils volaient à cause d'une brise légère.

Je fermai les yeux.

J'entendis tout à coup un bruit de papier à côté de moi. J'ouvris les yeux et me tournai vers l'autre côté de l'arbre. Aiden était assis un livre dans les mains. Il ne m'avait pas entendu arriver ou il avait fait semblant de ne pas m'entendre. Il avait les yeux légèrement rougis et regardait au loin en tournant les pages de son livre machinalement.

— Aiden?

Il sursauta à l'entente de son nom et tourna son regard vers moi.

— Ah c'est toi Elly...

Je baissai les yeux et lui demandai:

— Tu m'en veux?

Il parut surpris et répondit:

— Non pourquoi?

— J'ai passé avec toi les dernières heures de vie de ta mère.

Il sourit légèrement en disant:

— Tu n'as rien à te reprocher. Je voulais aller là-bas avec toi, c'est moi qui ai insisté. Et puis, je savais depuis plusieurs années déjà que ce moment arriverai tôt ou tard, j'étais préparé.

Il posa son livre sur l'herbe et s'assit du même côté de l'arbre que moi.

— Je me demande pourquoi on tombe toujours l'un sur l'autre par hasard.

Je savais très bien qu'il parlait du fait qu'on se rencontre souvent sans le faire exprès mais je ne pouvais m'empêcher de penser au fait que je lui soit tombé dessus.

Je me raclai la gorge.

Tout à coup il s'approcha de moi, il me parut très proche, trop proche. Son visage était à quelques centimètres du mien. Je sentis son souffle sur ma peau. Mon cœur se mit à accélérer d'un coup. Il leva la main et enleva une pétale de mes cheveux.

— Tu avais ça dans les cheveux.

Je me mis à rire nerveusement.

— Je pouvais l'enlever toute seule.

Il sourit. J'avais envie de le frapper.

Il s'adossa à l'arbre et dit:

— Ma sœur n'a que deux ans de plus que toi, vous pourriez devenir amies.

Je fronçai les sourcils:

— Pourquoi tu dis ça tout à coup?

Il ferma à demi les yeux.

— Elle a l'air de t'apprécier.

Ces simple mots me troublèrent. Je n'avais jamais eu d'amie.

— Ah...

Il inspira et me regarda dans les yeux:

— Ça te dit qu'on se change les idées en regardant le feu d'artifice ce soir?

J'avais toujours voulu en voir un mais je n'en avait jamais eu l'occasion. Je savais seulement que cela ressemblait à des flammes colorées dans le ciel. Je souris ravie.

— Oui ce serait formidable!

Il sortit sa montre en or et cligna des yeux, étonné.

— Il faut que l'on se mette en route tout de suite si on ne veut pas rater le début. Ils le commence toujours lorsque la première étoile apparaît.

Je levai la tête vers le ciel. Il s'assombrissait déjà. L'après midi était passé à une vitesse fulgurante.

Je me levai énergiquement.

— Allons-y!

Aiden se leva et je le suivis. Lorsque nous arrivâmes au marché, le ciel était entièrement noir.
Il me prit la main pour m'emmener à travers la foule devant le muret. De là on pouvait voir le feu d'artifice se refléter dans la mer.

La première étoile apparut et une fleur de lumière bleue se dessina dans les airs suivit quelques secondes plus tard d'un craquement puis le ciel fut recouvert de multiples fleurs de toutes les couleurs.

C'était magnifique. Mon cœur battait fort dans ma poitrine mais ce n'était pas à cause du feu d'artifice mais à cause de la main d'Aiden qui n'avait pas lâché la mienne. Je sentais sa paume chaude contre ma peau.

Étrangement, je ne rompis pas ce contact. Nous restâmes ainsi durant tout le feu d'artifice.
Lorsqu'il fut terminé, Aiden lâcha ma main pour la passer dans ses cheveux décoiffés par le vent marin.

Nous marchâmes en silence jusqu'au marché où nous nous séparâmes pour rentrer dans nos demeures respectives.

Tout en marchant vers le manoir de Rosebury je pensai avec amertume qu'aujourd'hui était le dernier jour avant mon bal d'entrée dans le monde.

Arrivée devant le portail, je sonnai pour signaler ma présence à ma famille qui devait s'inquiéter depuis le temps que je n'étais pas revenue.

J'entendis des pas précipités et je vis ma mère courir devant suivis de près par mes deux frères et plus loin par mon père.

Ils ouvrirent le portail et madame de Rosebury me serra dans ses bras.

Mon père me toisa sévèrement en disant:

— Où étais-tu Elly? Ta punition ne t'as pas remis les idées en place?

Je me détachai de l'étreinte de ma mère et répondis à mon père:

— Puisque je suis assez vieille pour me marier, je le suis aussi pour me promener comme bon me semble dans la ville.

Monsieur de Rosebury se pinça l'arrêt du nez et parti dans le manoir.

Je montai dans ma chambre sans donner plus d'explication sur mon escapade.

Je remarquai avec plaisir que le "miroir maudit" s'y trouvait ainsi que le livre.
Je me dis que je lirai le livre plus tard.

Je m'endormis rapidement car j'étais épuisée.

Le Miroir MauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant