17 - Acte 2 : Le monstre caché dans l'ombre

34 11 8
                                    

Camille sentait la fraicheur de la nuit refroidir ses joues humides. Elle ne pouvait empêcher ses larmes de couler sur son visage, tout comme il lui était impossible d'oublier ce qu'elle avait vu dans cette chambre qui avait servi de nid douillet à son couple et qui avait été bafouée par une ignoble histoire de cul. Son corps n'avait pas conscience qu'il n'arriverait pas à noyer sa douleur sous ses perles de sanglot. Son cœur venait d'être transpercé et pourtant elle le sentait encore battre dans sa poitrine. Il fallait qu'il batte pour qu'elle puisse courir loin de ces personnes qu'elle avait aimées et qui l'avaient humiliée. Ensuite, elle lui laisserait le loisir de cesser cette activité qui la raccrochait à la vie. Sa peine était telle qu'elle ne souhaitait plus continuer le chemin. Elle ne se croyait plus capable d'aimer un jour. Comment pourrait-elle de nouveau accorder sa confiance ? Sa souffrance lui était insupportable. Les deux personnes qui avaient compté le plus pour elle venaient de détruire le semblant de foi qu'elle avait en l'amour. Les êtres ne s'appartenaient pas, mais ceux-là avaient un pacte tacite qui les liait. Camille, l'amant, l'amie, chacun avait son rôle. L'équilibre avait été brisé. Son idylle n'avait été qu'une illusion.

Elle s'arrêta à bout de souffle. Ses pas l'avaient menée vers son petit coin de paradis, son refuge. Elle ne pensait plus à la peur qu'elle avait eue d'être épiée. Ça s'était déroulé il y avait à peine une heure, mais ça aurait pu tout aussi bien se passer un an auparavant, chaque seconde étant devenue une éternité durant laquelle son cerveau ressassait les évènements malheureux qui la conduisaient vers le destin funeste qu'elle envisageait. Une chute libre dans les ténèbres, sans espoir de revoir un jour la lumière.

Comment avait-elle pu lui faire ça ? Bizarrement, Camille en voulait plus à Michèle qu'à Pierre. Était-ce parce qu'elle prenait sa place ? Cette place qu'elle avait pris le temps de construire. Elle avait été obligée de dépasser ses peurs et ses doutes. Il l'avait courtisé. Il avait été patient. Il n'avait pas brusqué les choses. Il l'avait voulue, attendue, choisie. Il lui avait parlé de coup de foudre, de passion, de désir, d'émoi des sens. Ils avaient flirté. Ils étaient entrés en osmose. Ils s'étaient échangé tant de messages évoquant tout l'amour qu'ils avaient l'un pour l'autre. Elle, l'autre, celle que Camille n'arrivait plus à appeler par son prénom, celle qui s'était prétendue être son amie, qu'avait-elle fait à part lui montrer son cul ?

La vulgarité l'emportait sur sa raison. Elle qui avait toujours été douce et polie n'arrivait plus à penser autrement qu'avec des mots obscènes. Elle avait envie de cracher sa haine sur sa petite gueule de salope, de lui arracher ses atouts féminins qui attiraient les hommes pour ensuite la trainer par les cheveux sur la place du village et la brûler vive en utilisant les pochettes de ses disques pour allumer le brasier. Elle en voulait à Michèle, la catin, car c'était son amie, qu'elle était sa confidente et qu'elle connaissait ses sentiments pour Pierre. Elle lui en voulait parce qu'elle l'aimait. Elle lui en voulait parce qu'elle pensait que c'était réciproque. Elle lui en voulait parce qu'elle était forcément responsable. Les hommes étaient faibles. Eux qui se prétendaient être le sexe fort étaient facilement corruptibles dès que l'on s'intéressait à leur entrejambe. Elle n'avait aucun doute concernant l'amour que Pierre lui vouait. Le poème de ce matin en témoignait. Alors elle doutait de la sincérité de Michèle. La garce avait dû jouer de ses charmes pour le séduire et l'amener à fauter.

Camille était au bord de l'Eyrieux. Le silence régnait. En elle, une tempête s'était levée. Un cyclone qui avait tout emporté sur son passage.

Et si Pierre était le fautif, l'instigateur de cette relation ? Depuis combien de temps cela durait-il ? Comment pouvaient-ils jouer sur deux tableaux à la fois ? Elle se sentait ridicule de n'avoir rien vu venir. Ou alors, il n'y avait rien eu à voir, car ils s'étaient peut-être mis à baiser ce soir à la suite d'un regard, une allusion, une pulsion. Ou alors ils couchaient ensemble depuis des semaines. Ou alors Camille n'avait pas vu que Pierre ne l'aimait plus, qu'il lui mentait sur ses sentiments. Ou alors. Ou alors. Ou alors. Elle n'en savait rien. Elle ne pouvait que s'imaginer et c'était pire.

Au-delà de l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant