35 - Adieux silencieux

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L'information était venue la percuter ; elle avait été enceinte. Camille avait lu cette information dans son dossier, l'entendre dire était d'une tout autre nature. Elle avait perdu un enfant. Il lui était difficile de se positionner, car elle n'avait pas voulu de cette grossesse. Elle lui avait été imposée et ça avait été probablement la même chose pour son alter ego. Devait-elle pleurer cette perte ou s'en réjouir ? Il, ou elle, aurait débarqué à un moment de sa vie où elle n'aurait pas été apte à l'accueillir. Ou alors, il, ou elle, lui aurait permis de reprendre le dessus sur son double et sa dépression. Elle ne le saurait jamais. Camille prit la décision que cet évènement devait rester une information, rien de plus.

Marco avait précisé savoir que l'enfant n'était pas de lui. Il n'avait pas supporté que son autre se plaigne pour une situation dont il n'était pas fautif. Était-ce une raison suffisante pour la frapper ? Était-ce la première fois qu'il la cognait ? Elle l'avait poussé à bout, cherchant sa destruction. Même si Camille comprenait le fait qu'il avait subi une torture psychologique constante, elle n'excusait pas son attitude. La violence était le recours des lâches.

Elle devait savoir.

- Tu m'as frappé à mort ce soir-là. Était-ce la première fois ? Ai-je perdu l'enfant à cause de toi ?

- Non. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Je n'ai jamais posé la main sur toi. Jamais, que ce soit ce soir-là ou un autre. Je conviens que tu étais insupportable. Je veux dire Cam, pas toi. Quand je suis allé vers elle, dans la cuisine, elle s'est « éteinte ». C'est le seul mot que j'ai trouvé pour décrire ce qu'il s'est passé ce jour-là.

Le souvenir du sang était bien net dans sa mémoire, mais l'ordre des évènements était confus. La tâche au sol était là bien avant qu'il n'arrive dans la pièce. Elle avait fait une fausse couche. Elle se souvenait avoir entendu Marco lui dire. La pièce, elle la connaissait parce qu'elle avait vécu ici, même si elle n'en avait aucun souvenir. Elle se rappelait avoir entendu Marco lui parler. Il lui avait dit qu'elle devait se débrouiller avec celui qui lui avait fait ça. Jusqu'à maintenant, elle avait toujours pensé que ça n'avait existé que dans sa tête, que ce n'avait été qu'un de ces nombreux cauchemars, mais elle devait se rendre à l'évidence que c'était arrivé.

- Je...je me souviens du sang.

- Quand je suis entré une première fois dans la cuisine, il y en avait partout. J'étais fou de rage contre toi. Je ne contrôlais plus mes émotions et je dois avouer que j'aurai pu commettre l'irréparable. À la vue de ce sang, j'ai été choqué, mais la colère était plus forte que tout. Je suis reparti dans la chambre pour me calmer.

Marco fit une pause. Puis il désigna un endroit du carrelage de son index tremblant.

- Tu étais là.

Il ne pouvait cacher à Camille que des émotions le submergeaient. Sa présence était une torture pour lui, c'était indéniable. Il revivait cette sombre soirée. Elle ressentait le trouble qu'il avait à se remémorer cette époque. Elle se moquait bien de connaître ses états d'âme, il n'y avait que la vérité qui l'intéressait. Elle n'avait pas non plus besoin qu'il lui indique sur quels carreaux elle avait enfanté la mort.

- Marco, dit-elle doucement en se penchant vers lui. Raconte-moi ce qui s'est passé !

- Tu étais là, dit-il de nouveau, des sanglots dans la voix. Je la détestais tellement. Je t'aimais tellement. Vous vous êtes évanoui, comme on éteint un téléviseur. Quelqu'un avait appuyé sur le bouton off, laquelle de vous deux, je n'aurai su le dire. Quand j'ai compris que vous n'étiez plus là, je vous ai amené à l'hôpital. Je vous ai déposé devant la porte et je suis parti aussitôt. J'étais brisé. Je ne voulais plus jamais te revoir par peur que ce soit encore elle qui ait le contrôle. Les années ont passé. Je ne t'ai jamais oublié. Comment aurai-je pu ? Aujourd'hui, je suis content de te retrouver.

Au-delà de l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant