37 - Celle qui ose

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« Pour te répondre, encore, même si c'est au moins la dixième fois que je le fais :

1- Oui, j'ai décidé en connaissance de cause de prendre les devants avec Marco.

2- Non. Ça n'a aucun rapport.

3- Pffff. Est-ce si grave ?

4- Je ne tiens pas spécialement à en parler.

5- Oui, c'est bien moi qui ai arraché la page.

6,7,8, etc, etc... Je ne sais pas pourquoi tu veux que je réponde à ça sachant que tu as déjà eu toutes ces réponses auprès de Pierre et Marco. Tu veux que je te confirme que ce qu'ils ont dit était la stricte vérité. Je te le confirme. Voilà !

Et arrête de numéroter tes questions ! C'est extrêmement désagréable et puéril. J'ai l'impression que tu me prends pour une imbécile.

Tu as bien remué le passé. On a tout revu en détail.

Maintenant, pose-moi la vraie question ! »

Camille était un peu perplexe face à la désinvolture dont son double faisait preuve. Elle ne mettait pas du sien pour répondre à ses questionnements concernant les faits. Elle attendait quelque chose d'autre, mais qu'est-ce que ça pouvait être ?

Le dialogue se faisait plus simplement désormais. Cam lui avait expliqué comment elle pouvait passer de l'une à l'autre sans avoir recours à une nuit complète de sommeil. Camille devait s'allonger sur le lit puis fermer les yeux pour s'abandonner totalement. Son esprit ne devait pas s'opposer à l'arrivée de l' « autre ». Elle se réveillait, assise au bureau, une lettre rédigée de cette écriture conquérante en face d'elle.

Elle s'était fait la remarque que Cam n'avait pas eu besoin de ce cérémonial pour lui rendre le contrôle. Elle devait lui faire confiance. Jusqu'à maintenant, elle lui avait restitué le pouvoir quelques minutes après l'avoir pris, le temps de lui répondre. Mais si elle décidait de ne pas le faire, Camille pourrait bien perdre encore quelques années de sa vie. Elle n'avait aucun pouvoir sur son double, aucun moyen de revenir sans son consentement. C'était un risque qu'elle prenait pour l'unique raison de mieux connaitre son passé. C'était un jeu dangereux.

Finalement, Camille se dit qu'elle ne le faisait pas pour les bonnes raisons. Elle commençait à le comprendre. Ce qui était important n'était pas de savoir comment ça s'était passé, mais pourquoi. Le véritable but de cet échange improbable était de savoir pourquoi elle était comme cela.

Alors la question devint évidente.

« Qu'es-tu ? »

Elle écrivit ces quelques mots avant de fermer les yeux.

Quand elle les rouvrit. Elle avait enfin une réponse qui dépassait ses attentes.

« Voilà, c'est mieux ! Tu vois quand tu veux.

Je suis le regret, alors que tu es le remords.

Je suis celle qui avait dit « va te faire voir » et tu es celle qui a été réfrénée par un claque.

Je suis celle qui ose, tu es celle qui subit.

Je suis aussi celle qui encaisse les traumatismes, jusqu'à un certain point, là où toi tu préfères fermer les yeux pour ne pas avoir à les affronter ou pour avoir bonne conscience.

Je ne suis pas mieux, je ne suis pas pire. Je suis différente et pourtant je suis toi.

J'ai toujours été là, à tes côtés quand il le fallait. Nos émotions gravitent autour de nos âmes, attendant leur tour, et certaines ne sont pas faciles à gérer.

Au-delà de l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant