— Comment est-ce possible ? Bégayai-je, soudain anxieux. Tu es sûre que Théa et Siriane sont encore à l'intérieur ?
Elle se leva brusquement, et passa sa main dans ses cheveux emmêlés d'un geste nerveux. Elle bouillonnait de l'intérieur. Les muscles de son cou pulsait alors que ses veines s'assombrissaient déjà à vue d'œil, signe que la Sirène avait pris le dessus sur la femme.
— Mère n'arrive pas à communiquer avec elles, depuis que ça a commencé. Si jamais il leur arrive quelque chose, je ne me le pardonnerais jamais.
Elle tremblait de tous ses membres, en proie à une panique totale. L'Océan n'était guère dans un meilleur état et s'agitait furieusement contre les parois de la grotte, inondant le sol et frappant violemment contre mes pieds nus. Je pouvais sentir la secousse des vagues contre la roche à l'extérieur. Naïa se tourna vers moi, les traits déformés par la peur.
— Je dois y aller, et les sauver. Pardonne moi Illian.
Sans me laisser le temps de protester ou demander mon aide, elle plongea dans le trou d'eau, qui l'avala avidement. Je n'eus que le temps d'apercevoir ses jambes se couvrir d'écailles sombres avant qu'elle ne disparaisse dans les flots.
Je ne pris pas le temps de réfléchir. Hors de question que je la laisse foncer seule tête baissée. Je me dépêchai de chercher mes vêtements pour m'habiller le plus vite possible. Je frissonnai lorsque le tissu encore humide et froid toucha ma peau mais je m'en fichais. De toute manière, l'eau était la seule porte de sortie.
Je sautais à pieds joints quelques instants après Naïa et m'enfonçai dans l'eau qui m'attrapa dans Ses bras. Avec l'obscurité, il m'était impossible de voir à plus d'un mètre, ni par quel chemin passer pour sortir d'ici.
L'Océan me retint sous la surface, m'empêchant de sortir pour reprendre mon souffle.
« Illian, je vais t'y conduire moi même. Naïa ne mesure pas le danger qui l'attend. Je t'en prie, aide la et sauve mes filles. Elles ne pourront jamais survivre face à une telle chaleur ».
Je me remémorais le récit de mon oncle sur la mort d'Irina, brûlé vive sur la plage. Je frissonnais d'angoisse.
« Je sais, pensai-je, Amenez moi jusqu'à elles. »
« Merci. Je t'en demande beaucoup alors que Théa et Siriane ont tenté de tuer ton oncle ... »
« Je m'en fous de ça, la coupai-je avec audace. Je compte bien tenir la promesse que je vous ai faite ».
Je la sentis s'agiter autour de moi, alors que l'eau se réchauffait considérablement, devenait presque supportable. Sa façon à Elle de me remercier, j'imagine.
Alors que je battais en vain des bras, la force et le souffle commençait à me manquer, la douleur de mes poumons diminua. Tout comme avec le baiser des Sirènes, l'Océan me permettait de ne pas avoir besoin de respirer sous l'eau.
Puis elle me poussa en avant à toute vitesse, comme les fois précédentes. Nous allions si vite que mes cheveux se plaquait sur ma tête, que nous laissions une traînée de petites bulles d'air sur notre passage.
Soudain l'air glacial m'accueillit alors que l'Océan m'éjecta de Ses bras, et j'atterris sur les fesses sur un petit ponton en bois, en bas de la falaise. Je crachai l'eau de mes poumons et de mon nez, en tentant de reprendre mon souffle. La voix de l'Océan s'insinua dans mon esprit, tremblante et inquiète.
« Naïa est déjà presque en haut. Je compte sur toi, Illian ! »
Je hochai la tête et levai les yeux au dessus de moi. L'odeur de fumée âcre était impressionnante, chatouillant ma gorge et mon nez, alors qu'un épais nuage noir s'élevait dans le ciel, éclairé par les flammes.
J'aperçus un escalier en fer forgé qui montait le long de la falaise. Presque arrivée en haut, Naïa grimpait à toute vitesse, montant les marches quatre à quatre.
Je me dépêchai de l'imiter, et la suivi. Mon corps était encore épuisés des ébats de la veille, et du manque de sommeil, mais l'adrénaline et la peur guidait mes jambes, et j'oubliais la douleur de mes muscles.
Je sus que j'étais presque à destination. L'odeur de bois brûlé et de flammes s'intensifiait à mesure que j'avançais, de même que la chaleur étouffante. Enfin à bout de souffle et le cœur battant, j'arrivais en haut de la falaise.
Les poils de mes bras se hérissèrent, tant ce spectacle sordide me clouait sur place.
La petite maison, entièrement en bois, n'avait eu aucune chance face à la force et l'emprise de l'incendie. Les flammes léchaient les murs, les réduisant peu à peu en cendre, alors que la moitié du cottage était déjà tombé en ruine, réduite en un tas de braise ardent. Le toit s'était écroulé, c'était un miracle que les fondations soient encore debout. Les seules pièces encore en état étaient le salon et la cuisine, au rez de chaussée. Mais le grincement sinistre laissait présager le pire. L'étage n'allait pas tarder à s'écrouler.
Merde !
Naïa me précédait, écroulée au sol, face contre terre, tremblant violemment. Aussi faible qu'un oisillon, elle se traînait sur le sol comme une âme en peine, en tentant en vain de rejoindre sa maison. Je bondis près d'elle alors que mon cœur s'arrêtait de battre.
Je n'eus aucun mal à l'arrêter dans sa tentative, tant elle était si faible. Mon sang se glaça alors que je la retournai sur le dos. Rapidement déshydratée par la chaleur, son corps nu d'une blancheur inquiétante était complètement mou, comme si il n'y avait plus un seul os à l'intérieur. Si Naïa se trouvait dans un tel état alors qu'elle n'avait pas eu le temps de poser un orteil dans la maison, comment se trouvaient ses sœurs ?
— Laisse moi Illian ! Je dois aller les sauver !
Elle tentait de me repousser, de protester, de me donner des coups de pieds, mais sans succès. Même un nouveau né avait plus de force qu'elle en cet instant.
— Tu vas faire comment dans ton état, idiote ? Répliquai-je d'une voix tremblante. Comment tu vas les sortir alors que tu n'arrives même pas à tenir debout ? Sois raisonnable pour une fois !
Elle ouvrit la bouche pour répondre mais je ne lui en laissai pas le temps. Je la pris sous les épaules pour la traîner le plus loin possible de l'incendie, à l'abri derrière un rocher, qui servirait de coupe feu.
Je fis volte-face et fonçai vers la maison. La porte et les fenêtres fermées, je cherchai désespérément du regard le moindre passage, la moindre brèche, alors que la sueur perlait déjà à mon front. Je fis le tour du cottage, reluquant chaque fissure et chaque planche. Enfin j'aperçus la porte de derrière, qui menait à la cuisine, légèrement entrouverte. Je priai silencieusement pour que les deux sœurs ait réussi à sortir à temps de cet enfer, et la poussai délicatement avec mon épaule. Sans réfléchir, je me glissai dans la maison, en passant par le mince interstice de la porte entrouverte.
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Le secret de Naïa
ParanormalAu décès de ses parents quelques mois plus tôt, Illian a repris l'école de surf avec son amie Alexa. Mais l'arrivée mystérieuse de trois sœurs aussi belles qu'ensorcelante attise la curiosité du village. Illian se sent aussitôt irrésistiblement att...