Le secret de Naïa

Chapitre 11 ( partie 1)

Aymeric se tenait devant la porte, son éternelle et vieille veste en jean, sur le dos, me regardait avec un grand sourire, l'air d'être heureux de retourner au bercail. Je ne fus pas capable de lui rendre son sourire. Cet homme avait toujours été présent dans ma vie et  de mon père d'aussi loin que je me souvienne, il avait été toujours très proche de ma famille. Pourtant lors de la mort de mes parents, il avait purement et simplement disparu, laissant le reste de sa famille en proie au deuil. Je lui en avais voulu de nous avoir laissé lors du moment le plus difficile de notre vie, et je n'avais pas la moindre intention que cela change.

Bien sûr c'était sans compter la gentillesse et la naïveté de mon petit frère.

— Oncle Aymeric ! S'écria t-il ravi, en se jetant dans ses bras.

Aymeric serra son neveu contre lui, qui l'invita à entrer sans me laisser le temps de protester. Ils se dirigèrent vers la cuisine, où Naïa était toujours figée sur sa chaise, immobile et la tête baissée, n'osant croiser le regard du nouveau venu.

La présence de mon oncle l'angoissait de toute évidence, ce qui était étrange car je ne voyais pas comment ces deux-là auraient pu se rencontrer. De plus, même si je ne le portais pas dans mon cœur, il n'y avait aucune raison pour qu'elle ait peur de lui. Elle avait perçu sa présence avant même qu'il ne se manifeste, ce que je ne m'expliquai pas. Elle me cachait quelque chose, c'était évident.

Lorsqu'Aymeric entra dans la cuisine, elle leva la tête et leurs regards se croisèrent. Même si ce fut bref, je perçus dans les yeux de Naïa de la haine, de la colère et d'autres choses que je ne pus identifier avant qu'elle ne remette son masque impassible et ne détourne le regard. Aymeric quant à lui, l'observait discrètement, un rictus à peine visible sur les lèvres. Ils se connaissaient, j'en étais maintenant persuadé.

Noah, qui n'a pas perçu une goutte de l'échange glaciale entre nos deux invités et la tension palpable dans la pièce, installa notre oncle à l'autre bout de la table, en face de Naïa. Avec précaution, je m'installai près d'elle à sa gauche. Elle ne sembla pas réagir àma présence, occupée à garder les yeux baissés sur ses mains, serrées l'une contre l'autre sur ses cuisses, si fort que les jointures étaient encore plus blanches que sa peau d'ordinaire si pâle.

— Qu'es-tu venu faire ici Aymeric ? Demandai-je avec une pointe de reproche dans la voix.

Ilse servit une généreuse assiette et commença à manger avant de répondre.

— Je me suis dit qu'il était grand temps que je cesse de me cacher, et que je retrouve ma famille.

— Pourquoi est-tu parti alors ? Coupai-je d'un ton sec.

Il leva les yeux vers moi, tout sourire disparu de son visage.

— Parce que c'était bien trop difficile pour moi de rester Illian. J'ai vécu ici avec ton père presque toute ma vie, nous avons grandi ici. Tout souvenir ici avec lui était bien trop douloureux pour moi. J'avais besoin de faire mon deuil loin d'ici. Tu n'as pas juste perdu ton père Illian, mais c'était mon petit frère, ne l'oublie pas.

Il eut un sourire amer avant de reporter son attention sur son assiette.

— Mais nous on avait aussi besoin de toi, et tu as préféré te comporter comme un lâche et t'enfuir, en nous laissant tout le reste.

Même si je comprenais son raisonnement, je ne l'acceptais pas pour autant. Même si je perdais Noah, jamais je ne partirais en laissant ma grand-mère seule dans le chagrin. Il était parti sans se soucier de nous, ni donner de nouvelles.

— Où étais-tu pendant tout ce temps ? Demanda Noah, tentant de détendre l'atmosphère.

Mon oncle porta une tasse à ses lèvres, se brûlant au passage dans la précipitation.