Chapitre 1 (partie 1)

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Je soupirai de lassitude, leva le nez de mes dossiers en me frottant les tempes et jeta un regard par la fenêtre qui donnait sur la plage. Malgré la température un peu fraîche en ce mois d'Août, l'océan se déchaînait contre les parois rocheuses de la plage, offrant aux plus téméraires de magnifiques vagues à faire pâlir de jalousie les Australiens, le temps pour surfer était idéal malgré la légère pluie, surtout en pleine saison touristique. L'école de surf que je tenais depuis le décès de mes parents quelques mois plus tôt fonctionnait à plein régime, pour mon plus grand plaisir. Je redoutais de devoir gérer tout seul la boutique pour la première fois, mais je m'en sortais plutôt bien pour l'instant, grâce à l'aide d'Alexa, mon amie d'enfance . Mon carnet de cours était rempli jusqu'à la fin de l'été, et même si j'étais épuisé de ce rythme éreintant, j'aimais ce que je faisais.

Mon père m'avait transmis sa passion du surf depuis mon plus jeune âge, j'avais tout appris avec lui. Il gérait sa boutique d'une main de fer avec ma mère, et jouait d'une très bonne réputation dû à son passé de champion, qui savait dompter les vagues comme personne auparavant. Lors de sa mort, je me suis juré de continuer à faire vivre l'œuvre de sa vie, et de reprendre le flambeau. Si je gérais plutôt bien les cours, j'étais en revanche une vraie loque en ce qui concernait la paperasse.

Je me frottai les yeux et poussai un soupir.

— Ilian, vient à table, il est l'heure de manger, tu reprendra les affaires plus tard, me réprimanda grand-mère.

Je ne me fit pas prier et rangeai dans mon tiroir toute la paperasse, et filai à table la rejoindre et mon petit frère Noah. Elle nous servit à manger, une espèce de mixture fait avec les restes de la veille. Je commençai à manger machinalement, mes pensées toutes tournées sur l'école de surf.

— Tu t'en sors ? Demanda grand-mère.

— Pour le côté pratique je dirais que oui, mais le côté théorique, il y a encore du boulot, soupirai-je d'un ton las.

— Je pourrai peut être venir t'aider à la boutique ? Suggéra Noah, d'un ton plein d'espoir.

— Non, trancha grand-mère d'un ton sans appel, tu as cours et tes examens à passer l'année prochaine.

— Mais c'est les vacances d'été grand mère, se plaignit mon petit frère. Je n'ai rien d'autre à faire de toute façon.

Je lui jetai un regard en fronçant les sourcils.

— Tu pourrais en profiter pour aller jouer ou sortir avec tes amis, à ton âge tu n'as pas à aider ton pauvre grand frère.

— Mes amis sont partis en vacances ailleurs, et au moins ça nous permettrait de te passer un peu de temps ensemble on te voit presque jamais, fit remarquer Noah d'un air contrit.

Je lui souris et lui ébouriffai les cheveux tendrement. Il n'avait pas tord, je passai plus de temps dans l'eau que sur la terre ferme depuis plus de 10 ans. L'océan était ma drogue, mon truc à moi qui me rapprochait un peu de mon défunt père. C'était l'endroit où je me sentais le plus à l'aise, où j'étais moi même.

Le repas se termine dans une drôle d'ambiance assez tendue, et je tâchais de préparer Noah à aller au lit.

— Tu n'as pas à te tuer à la boutique, papa et maman sont déjà fiers de toi de là où ils sont , me dit Noah, après que j'ai fini de l'habiller.

— Je sais , mais c'est comme ça que nous gagnions notre croûte, et j'aime mon travail, tu n'as pas à t'inquiéter.

Je comprenais parfaitement son inquiétude, avec grand-mère il était ma seule famille. Nous avions passé toute notre vie à Watergate Bay dans les Cornouailles, une petite région d'Angleterre . Nous avions dû apprendre à nous débrouiller seuls après la mort de nos parents, le deuil a été long et difficile. Le surf m'as permis de trouver un intérêt à rester ici, et de m'évader. J'avais fait de ma passion mon métier, et je m'étais battu pour pouvoir laissé l'école de surf ouverte. Si je n'avais plus cela, je n'avais plus rien.

— Tout se passera bien, le rassurai-je, la plage c'est mon territoire. J'ai bien l'intention de défendre mon morceau de pain.

Noah afficha un sourire triste, et commença à accueillir Morphée. Il s'endormait avec une facilité déconcertante. Je souris en l'observant quelques instant, puis sortit de la chambre.

Grand-mère devait s'être couchée également, je trouvais la cuisine rangée et nettoyée. Je pris une bière dans le frigo, pris mon plaid, et m'installa dans mon fauteuil sur la terrasse en bois derrière la maison, juste face à la plage et l'océan. Je bus une gorgée de ma bière, perdu dans mes pensées, en observant la lune se refléter sur l'océan, le bruit apaisant des vagues en bruit de fond. Le calme qui régnait était reposant et oppressant à la fois, j'aimais cette quiétude qui m'envahissait lorsque je me retrouvai face à l'océan.

Je terminai ma bière, et allai m'en chercher une deuxième. J'avais l'esprit trop préoccupé, je savais que je n'allais pas réussir à m'endormir, j'espérais que l'alcool et le bruit relaxant des vagues m'y aiderait.

Je menai le goulot de la bouteille à mes lèvres, lorsqu'un mouvement au loin attira mon attention. Je me redressai doucement, et plissa les yeux en regardant autour de moi malgré l'obscurité. J'aperçus soudain une silhouette au milieu de l'eau parmi les vagues, seule une tête était apparente, tournée vers moi, je sentais le regard perçant de l'inconnu qui m'observait. Il ne bougeait pas, et ne semblait pas incommodé par les vagues. Un frisson glacial me traversa et me hérissa le poil. Cette personne était-elle en danger ? Que faisait-il dans l'eau à cette heure ?

Le cœur battant à tout rompre, je décidai de me lever et de m'approcher pour m'assurer qu'il n'était pas en danger. Je courrai dans le sable, me dépêchant d'arriver au bord, les pieds dans l'eau glaciale.

— Vous allez bien ? Hurlai-je, essoufflé par ma course, vous ne devriez pas vous baigner à cette heure, c'est dangereux !

La tête flottante m'observa quelques secondes, bercée par le mouvement des vagues. Il faisait bien trop sombre pour que je puisse distinguer ses traits, encore moins s'il s'agissait d'une femme ou d'un homme. L'inconnu disparut soudainement au fond de l'eau, et ne remonta pas à la surface. Je commençai à paniquer et m'avança dans la mer jusqu'à ce qu'elle m'arrive aux genoux, la force des vagues rendant difficile mon avancée. La tête ne réapparut pas, j'étais terrorisé à l'idée qu'il ne se soit noyé sans que je puisse lui porter secours.

— Hé ! Vous êtes là ? Je vais chercher de l'aide !

Bien évidemment personne ne me répondit. Je commençai à grelotter sous l'effet du froid et du vent. Il n'y avait plus personne, j'étais seul. Tout s'était passé si rapidement, que je commençai à douter de ce que j'avais vu. Peut être était ce un dauphin ou mon imagination qui me jouait des tours ? Je n'en était pas sûr. Il n'y avait personne au centre de secours à cette heure de la nuit, et même si je demandais de l'aide on ne me croirait pas. Je me résignai à faire demi-tour et rentra dans la maison, non sans jeter un dernier regard au récif. Personne.

Je devais sûrement être trop fatigué, mon imagination me jouait destours. Je me couchai, enfin, avec l'image de cette tête sans visage qui m'observait. 

Le secret de NaïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant