CHAPITRE 6

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CHERYL

It's not me It's You - Skillet

Ce matin était quelque peu désorientant. N'ayant pas l'habitude de dormir en dehors de ma maison, il m'a fallu quelques minutes pour immerger et me remémorer les événements de la veille. Prisonnière de cette chambre noire, je n'ai même pas tenté de m'évader, n'ayant jamais réussi à sortir du labyrinthe d'Alice aux pays des merveilles à Disney... je me voyais mal me perdre dans les couloirs et me retrouver dans une salle de torture ou d'armes ou que sais-je encore. Mes pensées ont bien assez d'imagination pour que j'avère mes dires.

Après avoir épuisé les ressources de mon téléphone en lisant et défilant les photos sur Insta dans l'espoir d'oublier et d'être obnubilée par autre chose que cette situation. Je dois m'avouer vaincu de m'y confronter. Je me sens sale, j'ai besoin d'une douche, mes collants noires sont totalement élimés, mes cheveux sont un nid d'oiseau d'après-guerre, je sais de quoi je parle car je ne me brosse jamais les cheveux, et j'ai faim. En étoile sur le tapis immonde qui trône dans la pièce, mes yeux se plantent sur les armes toujours présentes sous le lit.

- Je suis inoffensive au point de me laisser seule avec des armes...Ridicule.

Je consulte ma montre qui m'apprend qu'il est huit heures du matin.

- Arf ! Maman tu as l'intention de te manifester et me sortir de là ? Je t'en prie !

Mes vœux se réalisent lorsqu'elle apparaît par la seule porte avec la même boîte que la veille dans les mains.

- Tu veux un cookie ?

- Pardon ?

Je me suis levée précipitamment, un peu vacillante et pointant un doigt accusateur sur elle.

- Je me fais enlever, tu connais ces gars, tu me laisses carrément dormir avec un tueur en série qui a mis un mec dans le coffre de ma voiture, tu ne m'expliques rien et là tu te ramènes en me demandant si je veux un cookie ? ... Oui !

Je pique de rage la boîte avant de m'installer sur le lit alors qu'elle ne semble même pas avoir pris en compte mes paroles.

- Hollow n'est pas un tueur en série, je te promets.

- C'est vraiment la seule chose que tu as à rétorquer ?

Ma phrase est entrecoupée par ma mastication de biscuits mais elle a compris et je poursuis d'un ton plus suppliant.

- Vas-tu enfin m'expliquer ?

- Suis-moi.

Ma mère a toujours fait preuve de douceur, je ne me souviens pas l'avoir entendu crier une seule fois. Elle est calme en toute circonstance ce qui est une qualité redoutable pour son travail. Mais ce n'est pas toujours évident de discerner la profondeur de ses pensées.

Je finis par accepter la main qu'elle me tend, mon autre main occupée à tenir le tupperware de gâteaux contre mon flanc. Notre balade s'achève rapidement dans un bureau au style qualifiable d'industriel mais qui comme la chambre reste rudimentaire et dont les murs sont moitié béton, moitié acier.

La porte derrière nous se reclaque et Hollow me tend une enveloppe. Je l'accepte sans l'ouvrir pour autant.

- Assieds-toi.

Je m'exécute tout en déposant mon butin alimentaire, connaissant ma facilité à tomber dans les pommes à la moindre émotion forte. D'emblée, ma mère et Hollow se placent face à moi, leurs corps adossés au bureau prêt à me retenir tels des remparts.

- Cheryl, ce que je vais te dire n'est pas facile à entendre pour toi mais sache que ça ne change rien à qui nous sommes.

- Comm..

- Ne m'interromps pas, tu poseras toutes tes questions après.

Sa voix est ferme comme quand elle m'interdisait de ramener tous les animaux que je trouvais chez nous mais elle garde cette douceur. Je hoche la tête malgré l'incertitude à être consentante à entendre ces paroles.

- Quand j'ai rencontré ton père, à la fac, ça a été un coup de foudre, vraiment. Je ne peux pas dire que ça n'a pas été compliqué pour autant. Nous étions de deux mondes différents. Lui... c'était un gangster et moi... j'étais là, pauvre étudiante amourachée du bad boy. Notre histoire a pourtant bien fonctionné. J'aimais, j'aime et j'aimerai toujours ton père. Mais voilà, alors qu'il trafiquait des voitures, vendait quelques brins d'herbe et faisait mumuse avec ses pistolets à l'époque, lorsque je suis tombée enceinte de toi, il a souhaité une vie confortable pour nous deux. Il a tenté de partir de ce business mais c'est impossible d'y réchapper alors il a décidé d'être le plus malin. Il a créé son propre gang, est devenu un leader et c'est ainsi que l'on pouvait vivre confortablement sans qu'il ne soit trop absent reléguant le plus gros du travail. Je n'ai jamais pu approuver ce qu'il faisait mais il ne faisait pas à mal, il a aidé des jeunes à s'en sortir, à sortir de ce monde dangereux, s'ils en ressentaient le besoin, il n'a jamais voulu tuer sans raison et c'est d'ailleurs ce pourquoi il s'en est allé. Ton père n'est pas mort dans un accident de voiture Cheryl, il est mort une nuit où quelqu'un de malveillant s'est infiltré chez nous et l'a assassiné de sang-froid.

Les larmes coulent aux yeux de ma mère et pourtant je perçois son récit comme une histoire qui ne m'appartient pas. Elle reprend après avoir passé sa manche sous son nez pour l'essuyer :

- C'est Hollow qui a repris le flambeau, qui s'est occupé de la famille des Blood Storm et tandis que je me devais de t'éloigner de ce monde, de ce danger, je ne pouvais pas me résoudre à les laisser tomber. Les Blood Storm sont aussi ma famille, mes garçons. J'ai tout fait, je te le jure, pour t'impliquer le moins possible jusqu'à ne pas te laisser utiliser le compte que ton père t'a laissé comme héritage, te faire garder mon nom à sa mort, trouver un travail et me fondre dans la masse. Mais ça n'a pas suffit. Tu es le portrait craché de ton père bien que tu aies mes yeux. Dans ce milieu, les ennemis sont nombreux et tu t'es directement fait repérer lors de la course. Même les garçons t'ont facilement identifié !

- Ce n'est pas vraiment étonnant étant donné que le tueur en série a une photo de moi dans sa chambre.

Mes yeux le fusillent mais il continue de regarder face à lui dans le vide, toujours silencieux, comme absent.

- Je le lui ai donné il y a trois ans quand j'ai commencé à avoir peur pour toi. Je lui ai demandé de garder un œil sur toi dans le cas où justement ce genre de situation se produirait.

- Donc, ce que tu es en train de me dire si je résume la situation : tu es la cheffe des gars ici et je suis en danger car j'ai été repérée pendant une course ? Comment peuvent-ils savoir ?

Ma respiration est de plus en plus rapide, mes membres frissonnent pourtant je sens bien qu'une partie de moi est soulagée de connaître la vérité et mortifiée par ce que j'apprends. Ma vie est un mensonge. J'en veux à ma mère autant que je la comprends. J'aurais préféré assurer la protection de quelqu'un que j'aime plutôt que la plonger avec moi dans un monde dangereux.

- Ils ont simplement déduit que c'était toi la fille du chef quand ils ont vu une nouvelle avec notre gang.

Il sort enfin de son mutisme ! Hallelujah !

- J'aurai pu ne pas être la fille du chef !

- Ça n'aurait rien changé, ils prennent pour vrai ce qu'ils déduisent. Dans tous les cas, ils auraient cherché à te tuer. Ton père n'a pas été que tout blanc dans ce monde.

J'ai dû pâlir rapidement car je sens un bras puissant retenir mon buste qui part vers l'avant. Il me repousse sur le fauteuil alors que mes paupières papillonnent. Quelle faible je fais ! Comment voulez-vous que je survive une semaine dans leur univers ?

- Alors, c'est quoi le plan maintenant ?

Ma voix est décidée et directe pourtant je tremble toujours.

- Surveillance rapprochée.

BLOOD STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant