CHAPITRE 29

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CHERYL

♫ The night we met - Lord Huron ♫

Je n'ai pas décroché un mot sur le chemin retour vers la maison. Je n'ai pas envie d'aller à son fichu bal. Avec tout ce qui s'est produit cette semaine, mes batteries sont au plus bas et mes révisions n'avancent pas. J'espère sincèrement que les matières que j'ai rattrapé pourront m'aider à relever ma moyenne.

Un frisson me fait trembler à la vue du chemin qui se termine sur la terrible maison de Hollow, celle qui a été attaquée, celle qui s'est vue éponger le sang des morts, celle qui a souffert sous l'assaut des balles et tout ça seulement quelques heures plus tôt. Je suis certaine que je serai incapable de me reposer à nouveau dedans pour le moment.

Un froid glacial nous accueille et me fait frémir. La maison blanche plongée dans l'obscurité n'a jamais été aussi effrayante que maintenant. Hollow semble naturellement se diriger vers la cuisine où je l'entend trifouiller le sac à dos qu'il avait emporté. Je suis figée dans le couloir. Ce n'est pas celui de l'étage et pourtant j'ai l'impression de revivre la scène tant la ressemblance est frappante.

Mon hôte ne se soucie pas de mon état statique et semble déjà rejoindre sa chambre. J'ai du mal à me souvenir s'ils sont rentrés directement dans les chambres. Mon cerveau cherche à l'évincer plus ou moins de mes pensées avant de ressortir la visualisation du passé dans le pire moment.

Je me décide à remonter lentement avec appréhension pour rejoindre l'antre qui m'a été affublé et je me mets à faire quelque chose en totale conscience : enclencher tous les interrupteurs des lumières que je peux trouver sur mon passage.

Peut-être qu'un des hommes de Hollow a trouvé la solution pour ma climatisation. J'en doute vaguement mais j'essaie de me donner tout le courage dont j'ai besoin. Les marches défilent sous mes semelles et mes pieds se recroquevillent d'eux-mêmes à chaque montée. Ma main se pose sur la rambarde et j'observe un instant le couloir de l'étage qui se dévoile. Des flashs se mêlent et je manque de tomber. Pourquoi suis-je aussi sensible ? Ma réaction est stupide. J'ai envie de pleurer. Encore.

Sybélia ou Lorelei aurait très bien pu mourir. Des hommes sont morts dans cette allée. Les traces de sang sont visibles bien que minimes et elles m'apparaissent comme le fleuve du Styx en personne venu me délivrer un avertissement de ce qu'il coûte de fréquenter les armes.

Je ne supporte pas la vue une seconde de plus. J'aimerais tellement pouvoir parler à maman ou Sybélia. Je voudrais leur dire que je les aime et qu'on peut partir au bout du monde si c'est pour retrouver une vie ordinaire. Ma vie ordinaire. Celle d'avant. Avant LUI.

Je dégringole. Je ne sens pas de douleur. Je veux fuir cet endroit. Je veux le fuir. Rejoignant le plus rapidement possible la porte d'entrée, je m'élance dans la pénombre qui m'aspire. Je connais maintenant suffisamment la route pour rejoindre la civilisation. Ça prendra un moment à pied mais je n'hésite pas.

- Cheryl !

Je n'entend pourtant pas ses pas et ne le vois pas lorsque je tourne la tête mais je sais que Hollow n'a pas l'intention de me laisser partir. Un sanglot me secoue. Mes forces s'épuisent. J'aurai dû apprendre à courir.

Je suis nulle.

- Laisse-moi.

Ma voix n'est qu'un chuchotement qui se perd dans le vent qui bat mes cheveux en tout sens. Il ne faut que ce murmure pour que la vanne aux larmes s'ouvre. Mon effort, insensé pour mes jambes, me fait m'écrouler, mains et genoux contre le sol qui m'effrite par la dureté de son asphalte neuve. Les fameux travaux terminés. Mes paumes sont parsemées de goudron et quelques gravillons. Des phares se rapprochent alors que je réalise être en plein milieu du passage des automobilistes. Je me fige. Heureusement, la voiture fait une embardée pour ne pas me percuter.

Hollow me tire tout à coup, me redressant, et passe un de mes bras au-dessus de son cou, attrapant mes jambes pour me hisser contre lui. Je suis un poid mort qu'il ramène sur la chaussée extérieure, en dehors d'un nouveau potentiel danger de mort.

- Laisse-moi.

Je ne sais même pas si j'articule correctement. S'il m'entend. Il se crispe. L'anxiété à pris le dessus. La crise d'angoisse commence à m'étrangler. Je serai bientôt incapable de parler. Je dois apaiser ce qui ne tourne pas rond.

Hollow ne s'arrête pas de marcher. Il nous ramène chez lui. Je ne peux pas. Mon souffle se saccade. Je dois l'empêcher. Je lui frappe le torse. Mon action me tue. Ma respiration est faible. Je vais sombrer. C'est trop.

- Regarde le ciel, Coccinelle.

Je lève la tête. Les étoiles sont toujours aussi puissantes. Elles ont cette aura apaisante. Un air de mystère et de merveilles à la fois. Les mystères de l'univers et les merveilles du monde.

- Qu'est-ce que tu vois ?

Mes mots ne s'alignent pas pour lui répondre. Alors il répète sa question. Il n'obtient pas de réponse. Et là, il suspend sa marche. Me pose doucement sur l'herbe qui entoure la maison. Ses paumes brûlantes rejoignent mes joues trempées. Je le vois difficilement mais il me regarde. Je ne suffoque plus.

- Tu sais ce que je vois ?

Je lui répond d'un simple mouvement de gauche à droite.

- Je vois les étoiles au-dessus des nuages. Tu vas continuer de briller Coccinelle. 

BLOOD STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant