HOLLOW
♫ Lost it all - Black Veil Brides ♫
Je suis incapable de dormir. La présence de Cheryl dans la pièce d'à côté m'obnubile et je n'arrive pas à m'en détacher. Depuis son arrivée dans la maison, j'ai l'impression qu'elle a mis de la couleur, de la chaleur, que je ressens et qui perturbe mes sens.
Ça reste une empotée, pas fichue de faire quoi que ce soit sans se blesser. Je le sais depuis le temps à force de la pister. Quand sa mère m'a demandé de garder un œil sur elle, je n'ai pas pu m'empêcher de prendre ça comme une mission. J'adore Lynn, c'est comme la mère que je n'ai pas eu. La seule femme au monde pour laquelle je pourrai tout sacrifier en un seul mot. Je lui voue un respect inconditionnel. Lorsqu'elle me demande, j'exécute. Seulement, cette histoire m'a pris clairement la tête. Cheryl est maladroite à souhait et bien qu'au début ça m'amusait fortement de la surveiller, c'est devenu un travail à temps partiel. Chaque fois qu'elle sort de sa cahute, je me dois de guetter à ce qu'elle ne se fasse pas écraser. La seule fois où je n'ai pas pu la maîtriser, il a fallu qu'elle sorte pour rejoindre la race car. La seule fois qu'il a fallu pour que cette histoire parte en couille. J'ai vu les Dullahans et le regard qu'ils ont posé sur elle. C'était terminé. Plus d'anonymat, plus de sécurité. Elle était dévoilée. Bien que je sois en mesure de la retrouver dans n'importe quelle mesure, je préférerai éviter de la traumatiser davantage. Malgré tout, je ne pourrai pas la retenir enfermée indéfiniment. Une prison dorée n'en reste pas moins une prison. Une solution viendra. Il faut que j'en trouve une. S'il faut que je l'envoie à l'autre bout du monde, je le ferai.
Je me retourne une énième fois, la chaleur de ce mi-printemps qui tend vers l'été commence à s'installer et elle est pesante dans ma chambre. J'ouvre les fenêtres et me retourne. Face à la porte, j'ai une vue directe sur la chambre de mon invitée. J'allume une cigarette dont la fumée qui s'infiltre dans mes poumons me fait reprendre vie autant qu'elle s'en accapare et je m'adosse à la rambarde de la fenêtre.
Mes pensées essaient de raisonner un dénouement positif à cette affaire mais inutile, je ne trouverai rien ce soir. Elles sont bien sombres les pensées des nuits blanches. Je regarde l'obscurité et ses étoiles qui brillent à la manière dont l'arrivée de Cheryl fait illuminer cette maison. Moi, je suis aussi pourri que les étoiles qui s'éteignent dans les ténèbres et la noirceur.
La fraîcheur entrante soulage ma température corporelle, je me détends complètement, le dos affaissé. Il ne suffit que d'un son pour jeter ma cigarette et me redresser. Ça vient de la chambre attenante. Je traverse la différence en moins de deux et des sons étouffés parviennent de Cheryl qui remue entremêlée dans les tissus.
- Non, non, papa...
Les larmes dévalent ses joues et je ne sais pas quoi faire. Elle est bien trop fragile pour moi. Je n'ose même pas la réveiller pour ne pas l'apeurer mais son cauchemar est agité. Une terreur d'une profondeur volubile. Je me précipite sur mon téléphone pour appeler Paris. C'est son truc de réconforter les filles. Il peut être là en deux minutes en plus.
- Viens tout de suite.
Il n'a pas le temps de dire un mot que je raccroche. Je me prends la tête dans les mains en tirant sur mes cheveux. Je ne sais pas quoi faire. Sa détresse empiète sur la mienne à mesure que le sablier du maître temps écoule ses grains dans son esprit.
- Cheryl... Cheryl
J'essaie de l'appeler mais ça ne mène à rien. Allez Hollow, t'es un grand garçon, réveille là ! Elle n'est vraiment pas bien là. Elle commence à suffoquer et j'ai vraiment peur. Okay ! Je la secoue, peu importe comment elle va réagir, je dois la sortir de là.
- Cheryl ! Cheryl !
Ma voix est plus ferme, je ne dois pas flancher. Ne pas flancher. C'est mon nouvel adage chaque fois que je me tiens prêt d'elle. Elle s'éveille mais sa respiration reste suffocante.
- Oh respire ! Doucement !
Mais ça n'a aucun effet. Elle agonise dans son souffle erratique, scotchée à mes avant-bras. Une suffocation terrestre. Un poisson hors de l'eau. Comment on arrête cette merde ? Des pas et un Paris légèrement sifflant me préviennent de son apparition. Je le regarde les yeux noirs et la mine désarmée.
- Fais quelque chose !
Je lui ordonne mais il semble aussi démuni que moi. Il s'approche pour la prendre dans ses bras et lui chuchoter du réconfort mais la crise de Cheryl continue.
- Je vais chercher de l'eau et appeler Lynn.
Il s'enfuit déjà. Cheryl se débat, ses yeux sont fermés, elle est épuisée. Sa main tremblante, spasmodique relance l'ordinateur qui émet fortement la musique du générique de la série qu'elle suivait la veille et je la vois réagir en se stoppant une seconde avant que je n'aie le temps de remettre pause. Je la lâche pour éloigner l'ordinateur qui a manqué de ne plus fonctionner sous ses mouvements incontrôlable et récupère mon téléphone sur lequel je lance une musique. Sa respiration est erratique mais ses mouvements se font plus lents. Je m'allonge à ses côtés et la tourne vers moi.
- Ouvre les yeux.
Elle m'écoute et son souffle s'allège.
- I ruled the world, With these hands I shook the heavens to the ground, I laid the gods to rest
Je chante tout bas les paroles, ses yeux s'ouvre sur les miens. Ça fonctionne. Son rythme et ses yeux s'apaisent. Sa main se pose sur la mienne mais nous ne nous détournons pas. Elle se rendort et je n'ose pas bouger. C'est seulement une fois qu'elle a replongé que je remarque la silhouette de Paris contre le mur près de la porte.
- T'avais pas besoin de moi finalement.
Il sourit et je lui fais ravaler son sourire à coup d'oreiller avant de m'extirper du lit.
- J'ai vraiment besoin d'un verre par contre.
VOUS LISEZ
BLOOD STORM
RomanceIl n'aura fallu qu'une simple et unique course à Cheryl pour se retrouver face au danger, l'obligeant à se confronter à une surveillance constante et une angoisse dévorante. Il est vrai qu'elle ne s'attendait pas à en découvrir autant sur sa famille...