BLOOD STORM

CHAPITRE 33

CHERYL

♫ Work of Art - Benson Boone ♫

Il est temps. Je vais rencontrer mes futurs collaborateurs d'atelier. La réunion me stresse atrocement. J'ai passé tout mon temps à préparer cette rencontre à tel point que ça m'a PRESQUE fait oublier le baiser que j'ai partagé avec Hollow. Nous n'avons pas fait comme ci rien ne s'était passé mais nous n'avons pas réitérer la chose... si en fait, on a totalement fait comme ci rien ne s'était passé. C'est pas grave. On verra ça, en tant et en heure.

Je rejoins Roy à l'entrée du bâtiment d'exposition. Nous avons réellement sympathisé lors du bal et je suis contente de pouvoir le retrouver. J'ai réussi à demander à Paris s'il avait son numéro et il me l'a fait parvenir. Nous avons alors convenu de se retrouver pour la réunion. Je n'ai aucune idée de ce à quoi m'attendre. J'ai déjà réalisé des expositions temporaires au sein de l'université mais l'ampleur, la démarche et les enjeux étaient tout à fait différents. Lors des vernissages qui se tenaient, les étudiants étaient davantage serveurs que mis en lumière par leurs participations et le travail fourni.

Roy m'adresse un radieu sourire quand je m'approche, m'accordant un "bonjour" du bout des lèvres que je lui retourne avant qu'il n'ouvre la marche, me tenant la porte et pénétrant dans l'âtre culturel de la Fondation Austin Contemporary Art. Hollow semble lui faire confiance car il n'a pas insisté pour attendre devant le bâtiment. C'est une bonne chose. Il fait une entière confiance aux gars qu'il intègre au sein de son réseau.

- Je suis encore plus stressé que quand je me suis retrouvé en face à face avec Paris après le bal.

Il me chuchote sa révélation et j'ai un mal fou à m'imaginer Paris en posture de bourreau tellement cet homme est un sucre, un soleil à lui seul.

- En même temps, ce n'est pas le plus à craindre.

- Non, tu as raison. Je me suis littéralement pissé dessus quand Hollow a débarqué...

Je n'ose y croire mais ça a le mérite de détendre un peu mon anxiété. Nous rejoignons un hall où un ensemble de personnes patientent également. On semble être les derniers arrivants de cet attroupement. Pour autant, je prends quelques instants pour m'imprégner des lieux. La hauteur sous plafond est grandiose et j'imagine déjà très facilement la multitude de tableaux que les murs pourraient contenir s'ils n'étaient pas immaculés.

- C'est immense.

Il est vrai que de l'extérieur ça ne paie pas de mine mais l'intérieur possède une aura spécifique avec l'odeur de la peinture qui se répand dans l'air et grâce à laquelle je peux entendre la friction entre pinceau et toile parmi le mouvement du groupe que nous formons. Les pas légers des piétinements sont ceux de l'obturateur de mon appareil. La structure des poutres transversales sont les limites de mon œil aiguisé par mes heures de formation et de pratique. Un berceau de l'art.

- Bien le bonjour jeunes gens.

La voix résonne derrière mon dos et tel des automates, nous nous tournons tous vers celle-ci.

- Nous n'allons pas perdre de temps, donc veillez me suivre je vous prie.

La tonalité est stricte et ne laisse la place à aucune interruption ou question. La personne que j'ai à peine entreaperçu prend le pas dans un couloir couvert de voilages soyeux de différentes couleurs dans les grandeurs. La lumière découle d'un seul orifice rond au centre et qui se reflète sur le sol parsemé de miroirs d'étoiles.

De ce couloir en découle un escalier d'architecte qui cache une immense salle d'exposition vide de toutes productions.

- Bien ! Voici votre espace de jeu. Les espaces ont été préalablement limités pour que vous ayez un aperçu de l'aménagement que vous occuperez, vous retrouverez vos noms sur chacun d'eux. Je vous cède quelques minutes pour vous mettre à l'aise, explorer un peu et on se regroupe ensuite pour discuter des thèmes.

C'est totalement fou. Contrairement aux aplats blancs que l'on a pu observer depuis notre arrivée dans l'atelier, ici, les murs sont beiges, semblables au sable, semblables à la peau mielleuse de Hollow. J'en serai presque à la limite d'effleurer les murs du bout des doigts pour retrouver le grain de sa peau. Suis-je en train de devenir totalement folle de lui ? Je pense qu'il y a une multitude de raisons de le devenir lorsqu'on se retrouve dans une situation pareille d'incertitude à la fois face aux sentiments de l'autre mais aussi et surtout face à ses propres sentiments...

Je suis Roy de près étant la seule connaissance auquelle je peux me référer dans ce rassemblement artistique. Il est finalement assez grand en comparaison des autres, ainsi il peut aisément se repérer au-dessus des têtes.

Nos noms apparaissent. Nous ne sommes pas tout à fait l'un à côté de l'autre. Les espaces sont semblablement les mêmes par leurs configurations, seule la présence de la lumière et ses ombres changent. Cette table rase donne une multitude d'idées à mon imagination qui projette déjà les œuvres que je pourrais exposer. Néanmoins, malgré mon style colorimétrique aux tons chauds, ce sont des orbes verts que je vois poindre dans ma fantaisie inventive. Je souris en repensant à ce moment à la station service, ce jour où je l'ai pris en photo. Cet instant simple quand on y repense qui aurait pu surgir dans un autre contexte qu'une tentative d'évasion. Tentative d'évasion...ma série pourrait porter là-dessus. Tout dépendra du thème général imposé.

Chacun de nous sommes posté devant notre espace lorsque notre guide reprend la parole.

- Est-ce que parmi vous il y a déjà des propositions de thèmes ? Il faudrait faire en sorte d'avoir des thèmes qui soient à la fois différents mais dans lesquels on peut retrouver une union. Vous voyez ce que je veux dire ?

- J'avais pensé à "Souvenir d'enfance"

- Moi à "Ombre"

- Noir et Blanc

Les propositions fusèrent de part et d'autre. Il n'y a pas à dire, certains artistes ont vraiment un air libre dans leur art que j'ai du mal à exprimer en public. Ma photographie me semble si intimiste à côté. L'ironie du sort.. c'est une opportunité incroyable pourtant c'est invraisemblable et décontenançant de se retrouver directement au cœur de ce monde.

- Bien ! Vous semblez tous avoir déjà réfléchi à vos choix. Pour faire plus simple que cet énorme carcan auquel vous me confrontez, je vais mettre à disposition une liste. Nous étudierons les propositions et celles que l'on penserait ne pas convenir seront modifiées avec vous pour nous assurer l'harmonie que nous recherchons. Je vous libère. Libre à vous d'échanger ou non.

Il délègue son papier au premier venu avant de nous tourner le dos et de s'en aller. Roy se tourne vers moi, la mine expressive.

- C'est moi ou ce gars à des airs de connard sur les bords ?

- Je ne peux qu'être d'accord avec toi !

On dit bien souvent qu'il ne faut pas rencontrer ses héros. Pour cette fois, je suis bien d'accord. J'idéalisais tellement l'évènement que s'en ai finalement très déceptif et malheureusement révélateur du monde réel. Nous sommes des rookies. Des nouveaux dans ce monde d'imagination. Pour autant, personne ne semble vouloir tendre la main vers nous pour nous intégrer. C'est donc seuls et avec acharnement je le suppose que nous devront faire nos preuves et prouver notre place. Un artiste n'est-il pas un simple ouvrier de son art ?