CHAPITRE 15

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CHERYL

 El Perdedor - Linan Roll 

Byron est installé dans l'unique fauteuil de la chambre du Coral Motel dont l'enseigne lumineuse traverse le voilage fin derrière lequel se dérobe le parking matinal et désert. J'ai bien essayé de lui échapper en passant par la fenêtre de la salle de bain mais il a mis littéralement cinq secondes à comprendre la situation. Ma maladresse m'a placé dans une situation où je me suis échoué contre le mur ascendant la fenêtre par la faute de mes docs usées qui ont glissé sur le battant rabaissé des toilettes. En bref, une situation pittoresque qui m'a fait me tenir comme je pouvais au rebord et c'est finalement la musculature de Byron qui m'a reposé sur terre.

Depuis, je suis telle une limace dans l'immense lit, les mains et pieds liés comme l'a ordonné Hollow... c'est un bon toutou notre Byron ! Mon téléphone, dont l'écran a souffert mais semble fonctionner, est en charge depuis une heure. Malgré mes regards insistant vers celui-ci, l'armure de glace qui m'accompagne ne comprend pas le message.

- Ça serait possible d'avoir mon téléphone ?

Il m'ignore en regardant tranquillement son livre. Il tourne une page et je prends cela pour une provocation. Je me redresse tant bien que mal pour me mettre sur mes pieds. Bam ! Je suis à terre avec une douleur lancinante qui retient ma tête dans un étau. Comme si je n'en avais pas eu assez de la gifle et de la caisse, il fallait en plus que je me tape le coin de la table de chevet au même endroit. J'ai le crâne qui va exploser. Je ne bouge plus. On me redresse mais je ne vois que du flou. Tout va trop vite. J'ai envie de vomir. Non. Je ne dois pas vomir. Je n'ai rien mangé. J'ai peur. Je suis tellement faible. Tellement nulle, putain. La surface molle en dessous de moi me fait penser à un lit d'eau. De l'eau. Je vais mourir. Un liquide m'enveloppe. C'est glacé. Je ne peux pas bouger. Je vais vraiment mourir cette fois.

- Merde, allé, Cheryl ! C'est bon.

Byron. C'est sa voix. Elle est rassurante mais ne vaut rien face à l'eau.

- Byron ?

Hollow.

- Salle de bain.

- Qu'est-ce que tu ...

Il ne termine pas sa phrase. L'eau s'arrête. J'ai l'impression d'être une poupée de chiffon. Je suis faite de coton. Une chaleur se répand autour de moi. Ça fait du bien. Je sens que ça commence à passer. Je papillonne un peu mais ma vision est toujours sombre. -Le contact entre ma joue et un buste me fait comprendre que je repose contre quelqu'un. J'agrippe un des bras de la personne et la repousse pour pouvoir me sentir libre de mes mouvements. Je ne suis pas certaine de mon équilibre. J'ai froid et je suis trempée. Mais ça va. Je ne vais pas mourir finalement. Pas aujourd'hui. La douleur toujours présente est là pour me rappeler que je suis toujours vivante. Je bloque contre la paroi de la baignoire et la pièce me paraît affreusement petite pour trois personnes.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Je l'ai ligoté comme tu m'avais dit. Elle voulait son téléphone mais elle n'a pas été foutu de dire 's'il te plaît' alors je n'allais pas me bouger pour elle. Elle a cherché à se lever mais elle s'est prise la table de chevet là où tu l'as ...

- C'est bon !

Je reste silencieuse. Mon regard est noir. Je ne peux même pas chercher à bouger, je suis toujours harnaché.

- Vous comptez me laisser moisir ici ?

Ma question est neutre. Je n'ai même plus la force de me battre. Depuis que je connais ces gens, j'ai l'impression que ma vie part en miette. J'ai peur. La peur, c'est quand on ne maîtrise pas.

BLOOD STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant