VIII. BOULEVARD OF BROKEN DREAMS

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- Quoi ? C'est tout ?!

Le dossier était tellement plat qu'elle ne croyait pas qu'il soit possible que les forces de l'ordre aient si peu avancé dans leurs recherches.

- Tu t'es crue dans Les experts ma petite ? Tu crois qu'une enquête se résout en une heure ? 

- Mais c'est une enquête CRIMINELLE ! Elle devrait être prioritaire !

- Il y a plus de crimes dans cette ville que tu ne crois, et pas assez de flics. Mais si tu penses pouvoir faire mieux que les collègues, je t'en prie mène ton enquête et surtout n'hésite pas à venir me faire tes rapports.

Agacée, Kylliane ne répondit pas. Elle fulminait à l'intérieur mais accepta de se renfrogner pour pouvoir lire le contenu du dossier sur sa sœur.

Il ne contenait rien de vraiment concluant. Rien qu'elle ne savait ou ne soupçonnait déjà.
Les premières analyses mettaient surtout en évidence un flagrant manque de preuves. Tant quant à la présence d'un ou plusieurs tiers qu'au fait que toute l'affaire ne pouvait être un simple accident.

Nolwenn avait été retrouvée sur le plancher du rez-de-chaussée, ensanglantée et inanimée. Le plafond présentait un trou béant depuis lequel elle aurait pu chuter depuis l'étage supérieur. Les analyses toxicologiques n'avaient rien montré et aucune trace de sévisse sexuel n'avait été trouvée.

- Vous avez encore les trucs qu'elle avait sur elle ce jour là ?

- Oui, mais je n'ai pas le droit de les montrer à une civile ! Tu n'es même pas censée avoir accès à ce dossier, je pourrais avoir des problèmes !

- N'allez pas me faire croire que vous trouvez pas ça super bizarre ! Une ado sans histoire retrouvée inconsciente dans un squat ! Vous avez cherché du côté de ses appels, SMS et tout ça ?!

- On ne sait pas si elle est sans histoires ta sœur, et nous n'avons rien trouvé, pour l'instant, à ma connaissance. Je te signale, ma petite, que c'est toi la première à avoir été sur les lieux. Comment as tu su qu'elle était là bas si elle ne devait pas y être ? Vous devez cacher quelque chose toutes les deux et, crois moi bien, on finira par trouver !

Kylliane s'emporta alors, criant qu'ils n'étaient que des incapables bons à mettre des amendes et à attendre que les criminelles se présentent à eux. Elle entra dans une rage telle qu'elle jeta le dossier qu'elle tenait entre ses mains à travers le bureau avant de sortir, proférant de plus en plus d'injures.

Lorsque l'officier Pilguez avait parlé du dossier Sweet à son supérieur, il avait été étonné d'apprendre qu'il y avait en réalité deux dossiers distincts. Un pour la police, les spécialistes et consultable par la famille. Un autre uniquement destiné à une certaine adolescente qui posait trop de questions.
Le policier ramassa le petit dossier puis prévint son collègue de ce qu'il venait de se passer.

L'affaire allait sûrement enfin progresser.

Intrigué, lors du départ de la jeune fille, il se mit à consulter, pour la première fois, celui que personne n'était autorisé à montrer à Kylliane.

Au fil de sa lecture, la stupeur et la crainte s'emparaient de lui.

***

Les quatre comparses finirent par se séparer après leur troisième boisson consommée.

Ils avaient espéré, pendant les deux heures passées à la boulangerie, que les parents de leurs amies les y rejoindraient. Tout du moins, qu'ils les verraient passer et pourraient leur demander des nouvelles de Nolwenn.
Il n'en fut rien.

M et Mme Sweet étaient à nouveau auprès de leur fille chérie. Elle se mourait. Et ils ne pouvaient rien y faire. Ils ne savaient pas comment la sortir de cette impasse. Ils ne savaient pas comment ils pourraient l'annoncer à leur autre fille si jamais un nouveau malheur arrivait.

Ils étaient dévastés.

***

Kylliane avait quitté le commissariat encore plus énervée qu'à son arrivée.

Comment ce flic pouvait la soupçonner, elle ?

Elle était déterminée à non seulement prouver qu'elle et sa sœur n'avaient rien à cacher, mais également qu'elle avait sûrement été piégée et agressée par une ou plusieurs personnes dans cette maison. Il fallait qu'elle trouve qui, et pourquoi. Il fallait qu'elle sauve sa sœur.

Elle ne pouvait pas perdre la moitié de ce qu'elle était.

Décision était prise, elle mènerait elle-même son enquête. Et tant pis pour eux si les flics ne voulaient pas l'aider.

***

Lorsqu'elle rentra à la maison, Kylliane fut surprise de voir ses parents, qui semblaient l'attendre, assis dans le canapé du salon, dans un silence de mort.

- Que se passe t il ?

Sa mère leva un regard implorant vers sa fille, puis son mari. Au moment où elle baissa la tête, son conjoint prit la parole pour expliquer les événements de l'hôpital.

- On a failli la perdre et tu n'étais pas là ! On est samedi ! Le jour où tu rends toujours visite à ta sœur et tu n'es même pas venue ! Tes amis étaient là ! Ils étaient auprès d'elle lorsqu'elle est presque morte ! Tu comprends ce que ça veut dire ? Nolwenn aurait pu mourir et tu n'étais pas là ! Maintenant tu vas t'asseoir, arrêter de t'enfermer dans ton monde lugubre et me raconter tout ce que tu sais ! Tu vas me dire où tu étais, tu vas me dire pourquoi tu ne vois plus tes amis et pourquoi tu agis comme une petite égoïste depuis que ta sœur a eu son accident !

- Quel accident ?! Ce n'était pas un accident et si tu crois ça c'est que non seulement tu es crédule mais qu'en plus tu ne la connais même pas ! Tu n'étais jamais là, tu nous connais pas ! Tu n'es pas un père !

La gifle était partie seule. 

M Sweet regretta immédiatement son geste, mais trop tard. Le mal était fait.

Lui qui n'avait jamais levé la main sur ses enfants, venait de commettre l'irréparable. L'impardonnable. Il tenta de s'approcher de sa fille, bafouillant des excuses, mais elle s'enfui en courant vers l'étage. Hurlant un "J'te déteste !" déchirant de souffrance.

Désormais, la guerre était déclarée dans cette maison auparavant paisible.

Désormais, c'était chacun pour soi, dans la résolution de leur plus grande souffrance.

COMATOSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant