XIII. LET ME GO

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Kylliane sorti par la fenêtre de sa chambre sans faire le moindre bruit.

Il était très tard dans la nuit mais les lampadaires de la rue l'éclairaient suffisamment pour qu'elle puisse y voir et se déplacer sans problème.

Puisque son allié ne répondait pas, elle allait devoir occuper son esprit.
Quoi de mieux qu'une virée nocturne pour cela ? 

Avant de prendre la route, elle choisi la meilleure bande son pour son escapade. Une des nombreuses chansons, qu'elle affectionnait particulièrement, de son groupe de rock favori fit l'affaire.

Elle marcha longtemps à travers les rues désertes, scrutant parfois son téléphone avec angoisse, de peur que ses parents ne se rendent compte de son absence.

Le ciel était sombre mais les lumières des étoiles, aussi lointaines soient-elles, suffisaient à rassurer l'adolescente.
Elle se mit à penser à sa jumelle. Nolwenn aurait tellement aimé se promener avec elle sous ce sublime ciel étoilé.

Lorsqu'elle arriva enfin à sa destination, elle retira ses écouteurs de ses oreilles, les rangea rapidement dans la poche de son jean et alluma la torche de son téléphone portable.
Elle était déterminée à entrer dans ce lieu maudit coûte que coûte.

Après avoir cherché autant qu'elle put un moyen d'entrer, elle décida que, foutu pour foutu, elle pouvait bien utiliser la manière forte.
En regardant attentivement au sol, Kylliane s'arrêta sur une grosse pierre, la prit entre ses mains, la leva au dessus de sa tête et la jeta de toutes ses forces à travers la vitre qui lui faisait face.
La pierre rebondit sans même fissurer le verre avant de tomber lourdement au sol.

Ce genre de choses ne marche que dans les films...

Elle reprit la pierre entre ses mains, la serra de toutes ses forces et frappa la fenêtre à plusieurs reprises.
La vitre fini par céder sous le poids répété qu'on lui infligeait.

Enfin !

Kylliane lança un regard aux alentours et, puisqu'il ne semblait y avoir personne, s'engagea dans l'immense demeure par la vitre qu'elle venait de briser.

L'endroit était poussiéreux et l'odeur d'humidité qui y régnait lui donnait la nausée. 
Mais elle ne voulait pas abandonner si vite, si tôt dans ses recherches.

Alors qu'elle s'avançait prudemment au milieu des objets abandonnés et des toiles d'araignées, sa torche toujours pointée vers l'avant, elle entendit des grincements et des sifflements au dessus de sa tête.
Elle commençait à s'angoisser. Cet endroit n'était vraiment pas rassurant.

Dans une pièce adjacente, une imposante table ancienne en bois était posée, seule, au milieu de décombres d'objets hétéroclites.
Elle croisa un matelas miteux, des restes de gobelets en plastiques, des manches de couteau auxquels il manquait la lame et d'autres choses du même genre.

Sur sa droite, elle aperçu un petit guéridon. En s'approchant,  elle eut un sursaut de frayeur.
Un immense et délabré miroir tacheté y était posé en équilibre et lui renvoyait l'image d'elle même. Du moins, une image plus fantomatique, plus inquiétante d'elle même.
Elle observa son reflet. La jeune adolescente qui lui faisait face avait le teint verdâtre et les cheveux presque couleur foin. Ce qui s'éloignait tellement de la réalité qu'elle se demanda si elle n'était pas en train de délirer.

D'autres bruits se firent entendre, à l'étage.

Kylliane retint son souffle quelques instants et décida de s'élancer vers la source du bruit. Arrivée à l'escalier qui menait au premier, elle s'arrêta net.
Elle pensa tout d'un coup à cet endroit où sa sœur avait été retrouvée.
Elle voulait le voir. Elle devait le voir.

Alors, l'adolescente fit demi tour, vers la pièce où elle avait découvert sa jumelle.

Le sang avait été mal nettoyé, ou alors pas du tout. Les traces laissées par les enquêteurs étaient encore là.
On devinait la position dans laquelle Nolwenn avait atterrit au sol.
En levant la tête, Kylliane vit le trou béant du plafond, par là où sa jumelle avait chuté.

Elle y dirigea sa torche et laissa tomber son téléphone lorsqu'elle vit une étrange ombre passer furtivement au-dessus d'elle.

Son cerveau tentait vainement de rationnaliser ce qu'il était en train de se produire sous ses yeux. Ses jambes luttaient pour ne pas s'effondrer et son cœur battait tellement fort qu'elle l'entendait résonner jusque dans ses oreilles.

Rassemblant tout son courage, Kylliane décida d'emprunter le vieil escalier en bois massif qui menait à l'étage.
Les marches craquaient sous chacun de ses pas. La rambarde, à laquelle elle avait essayé de s'agripper, tenait curieusement debout alors que tout son bois était moisi de parts et d'autres. 
Elle retint à nouveau son souffle lorsqu'elle arriva sur le palier. Elle tentait de rationaliser ses idées, de calmer ses craintes.

Après tout, que pouvait-il arriver dans un endroit abandonné et oublié de tous ?

Un pas après l'autre, elle visitait l'étage de cette demeure terrifiante.
Elle scruta chaque pièce sans y entrer, la peur commençait réellement à prendre le dessus.
Au bout d'un moment, elle l'aperçu.

Le trou par lequel sa jumelle semblait être tombée.

Elle sentait son cœur s'emballer dans sa poitrine. Elle transpirait de peur. Elle frissonnait de terreur.

Prudemment, elle se dirigea vers l'endroit de toutes ses craintes.
Arrivée juste devant le plancher détruit, elle senti une larme rouler le long de sa joue. 

Elle senti un froid glacial l'envahir.

Elle senti un souffle dans son cou.

Pétrifiée, elle ferma les yeux aussi fort qu'elle put et pria de toutes ses forces qu'il ne lui arrive rien.

Elle senti alors une main se poser sur son épaule et une force la contraignit à se retourner pour faire face à la créature

Elle ouvrit grand les yeux et resta figée de stupeur.

La forme humanoïde qui se trouvait face à elle était maigre, ses cheveux ressemblaient en tout point à de la laine de verre, ses yeux, fatigués, exprimaient une rage folle et étaient exorbités.
Son teint grisâtre n'était pas ce qui terrifiait le plus Kylliane.
La chose avait ses propres traits. Elle était le reflet que l'adolescente avait aperçu dans le miroir du rez-de-chaussée plusieurs minutes auparavant.

Avec un sourire déformé, le monstre renforça sa poigne sur les épaules de la jeune fille et la fit basculer à travers le trou déjà présent dans le plancher.

Dans cri strident, Kylliane se senti tomber. Elle lâcha son téléphone qui rebondit à l'étage en dessous et senti sa main s'accrocher à une surface dure et presque coupante.
Elle se tenait fermement des deux mains aux planches restantes du vieux parquet.

Elle se hissa du mieux qu'elle put et, à genoux et haletante, jeta un regard circulaire dans la pièce.

Elle était seule. Cette horreur avait disparu.

Alors qu'elle reprenait son souffle, elle remarqua une lumière vacillante.
En passant sa tête par le trou du plancher, elle vit la torche de son téléphone s'éteindre. Et se retrouva plongée dans l'obscurité la plus totale.
 

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