XVIII. PAIN

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Après sa visite au centre de crise, Kylliane put repartir avec ses parents à conditions de prendre un traitement et de se soumettre à un suivi psychiatrique.

En effet, l'entretien avait révélé que Kylliane ne gérait pas du tout la disparition soudaine de sa sœur et qu'elle vivait dans l'illusion qu'elle pourrait sortir Nolwenn de sa condition et ainsi leur permettre à toutes les deux de retrouver leurs vies passées.

Encore plus déprimée que la veille, l'adolescente n'avait soufflé mot de tout le trajet retour.

Son entretien avec ce psychiatre l'avait bouleversée. Elle se demandait si ses parents avaient réellement eut une bonne idée en l'emmenant là-bas.
Peu lui importait ce qui avait été dit, peu lui importait ce qui lui avait été prescrit, elle était déterminée à ne suivre aucune règle. Elle devait rester lucide pour résoudre le mystère qui planait autour de l'accident de sa sœur.

***

Assis à son bureau, l'officier Pilguez relisait pour la énième fois les dossiers concernant l'affaire Sweet. Il consignait dans le dossier destiné à Kylliane des notes sur leurs nouvelles découvertes ensemble.

Leur enquête n'avançait pas tellement, finalement.

Il était très perturbé par les deux dossiers distincts, très perturbé à l'idée de cacher les véritables découvertes à sa petite protégée.

Quand il avait demandé à son supérieur la raison de ce double jeu inhabituel, il fut surpris d'entendre que tous avaient joué le jeu à la demande du père des adolescentes.
L'enquête avait donc été mise en standby pour une durée indéterminée.

L'officier Pilguez trouvait que toute cette mascarade était injuste pour Kylliane et entreprit de tout mettre en œuvre pour résoudre l'affaire qui le perturbait tant, maintenant.

***

Après quelques jours de déprime, Kylliane s'était lancée dans des une quête visant à apprendre tout ce qu'elle pouvait sur le paranormal. Elle avait déjà trouvé plusieurs pistes susceptibles de l'aider à ramener l'âme de sa sœur qui, selon sa pensée, avait sûrement été emprisonnée dans ce manoir maudit qui l'avait attaquée.

Allongée dans son lit, Kylliane réfléchissait à comment continuer ses recherches tout en évitant que ses parents ne tentent de l'en empêcher.
Après tout, elle était la seule à encore se battre pour rendre justice à sa sœur, et elle ne pouvait pas abandonner.

Elle savait ce qu'il lui restait à faire, la seule personne sur qui elle pouvait réellement compter était celui qui était de son côté depuis le début : l'officier Miguel Pilguez.
Celui-là même qui avait vécu un drame plusieurs années auparavant, celui-là même qui ne doutait ni d'elle, ni de sa capacité à résoudre le mystère autour de l'accident de sa sœur.
Celui qui savait exactement ce qu'elle pouvait ressentir en ce moment.

Abandonnée de tous. Livrée à elle-même. Traitée en paria.

Tout cela, lui-même était passé par là lors de la perte tragique qu'il avait vécu.

Elle devait trouver un moyen de le retrouver hors de chez elle, sans se faire prendre par ses parents.

***

Dans sa voiture garée devant le domicile des parents de sa protégée, l'officier Pilguez était encore songeur.

Il se demandait encore pour quelles raisons ces parents, apparemment sans histoires, pouvaient avoir intérêt à ce que l'enquête stagne. Après tout, l'une de leurs deux filles avait été sauvagement agressée, à tel point qu'elle était maintenant dans un état végétatif.
Maintenue en vie uniquement par des machines médicales invasives.

Il devait découvrir la vérité sur cette affaire, il avait ce besoin vital de faire la lumière sur toutes ces zones d'ombres qui régnaient autour de cette famille.

***

M et Mme Sweet avaient décidé de consigner Kylliane à la maison afin qu'elle ne se mette pas plus en danger.
Ses seules sorties autorisées étaient pour aller en cours et rendre visite à sa jumelle à l'hôpital.

Mais Kylliane n'avait aucune intention de retourner au lycée et, étrangement, n'avait aucunement l'intention d'aller à l'hôpital pour visiter sa sœur.

Qu'importe, ses parents ne pourraient de toute manière pas l'y obliger. Elle avait tout à fait le droit de ne pas vouloir perdre son temps à l'hôpital où elle n'était d'aucune utilité, elle savait que sa place était auprès de l'homme qui croyait en elle et en ses capacités pour résoudre toute cette affaire.

***

Lorsqu'il vit les trois membres de la famille qu'il surveillait sortir de chez eux et partir en voiture, l'officier Pilguez se demanda si il devait ou non commencer une filature.

Ces parents lui semblaient très étranges et presque suspects.

Si il avait été à leur place, la seule et unique chose qu'il aurait eu en tête aurait été de retrouver le ou les responsables de l'accident de sa fille et de leur faire la peau.
Etant avocat, le père avait le bras énormément long, et sa femme, qui travaillait autrefois pour la mairie avait sûrement des connaissances hauts placées. L'enquête aurait pu être bouclée très rapidement au vu de ce qu'il savait de ces personnes. Mais ils avaient demandé à ce qu'elle reste pour le moment en attente pour une raison qui lui échappait encore.

Tentant le tout pour le tout, il se mit en tête de les suivre. Il fallait qu'il en sache plus sur cette famille qui l'intriguait de plus en plus.

Arrivés à l'hôpital, M et Mme Sweet durent batailler avec Kylliane afin qu'elle daigne enfin sortir de la  voiture.
Elle agissait comme une petite fille faisant un caprice et gesticulait dans tous les sens en hurlant qu'elle ne voulait pas y aller.

Contrainte et forcée, elle restait mutique et à l'écart du lit où Nolwenn reposait.

Son père trouvait qu'elle en faisait trop, qu'elle devait se ressaisir et arrêter ses enfantillages. Il la questionna sur les raisons qui la poussaient à ne plus rendre visite à sa jumelle, à ne plus aller en cours, à ne plus vivre comme avant.

- Non mais p'pa ! Rien n'est plus comme avant je te ferais dire ! T'as pas remarqué que depuis que Winnie est dans cet état rien n'a bougé ? Que personne ne bouge un petit doigt pour comprendre ce qu'il s'est passé et essayer de la réveiller ?! Moi j'ai compris et je fais des recherches, autant que je peux, pour la sortir de là !

- Je te préviens Kylliane, si tu me parles encore de possession, de démon ou quoi que ce soit qui n'a absolument rien à voir avec ta sœur ça va mal aller !

- Mais papa ! Tu n'étais pas là l'autre soir dans le manoir quand j'ai croisé ce truc qui m'a attaqué ! J'aurais pu finir comme Winnie et avec votre esprit étriqué jamais vous n'auriez tenté de chercher de ce côté là pour nous réveiller ! Il y a des gens qui aident les personnes comme Winnie et qui peuvent les sauver !

Elle expliqua alors où ses recherches l'avaient menée. 

Elle avait trouvé plusieurs personnes qui, grâce à des médium, des exorcistes et des chasseurs de démons pouvaient les aider à sortir Nolwenn de son coma et réexpédier la chose qui l'y avait plongée en enfer.
Elle raconta les récits qu'ils avaient faits de leurs exploits et expliqua même, avant que son père ne prononce le mot charlatan, que certains ne faisaient rien payer du tout.

Excédé, son père se mit dans une colère noire et décida que, puisqu'elle ne se montrait pas raisonnable, il la placerait dans un centre spécialisé pour qu'elle soigne sa folie.

Terriblement blessée par les mots employés par son père, Kylliane se sentie soudainement vide de toute émotion et se renferma dans son mutisme.

COMATOSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant