XXXI. WHAT ABOUT NOW

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Miguel Pilguez était tranquillement assis dans son canapé en train de regarder une émission insignifiante à la télévision lorsque la sonnette retentit deux fois.

Il se leva nonchalamment et regarda dans l'œil-de-bœuf. Quand il vit le visage désemparé de sa protégée, il ouvrit la porte.

Dès qu'elle fit face à son mentor, Kylliane se mit à pleurer. Le policier la prit alors dans ses bras et l'invita à entrer.

***

Après avoir bu un verre de coca et mangé quelques gâteaux apéritif, le policier osa poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis l'arrivée de l'adolescente.

- Qu'est ce qui s'est passé ma petite ?

Sans lever les yeux de son verre, la jeune fille resta silencieuse et prit un nouveau petit gâteau qu'elle porta lentement à sa bouche.

- Tes parents savent que tu es là ?

Toujours aucun regard, aucune réponse.

- Tu es juste venue pour pleurer en silence et bouffer tout ce que j'ai dans mes placards ?

La jeune fille sourit dans un rire étouffé puis plongea enfin ses yeux verts éteints dans les yeux marrons fatigués du policier.

- Tout va bien vous en faites pas m'sieur.

- M'sieur hein... Je ne suis pas sûr que ça aille ma petite. Tu veux vraiment pas en parler ?

- Ma petite hein... Vous êtes tenu au secret professionnel pas vrai ?

- Plus ou moins. En tout cas je suis tenu au secret personnel avec toi. Alors tu peux tout me dire, je t'écoute.

Kylliane lui raconta alors tout ce qu'elle avait dans la tête et dans le cœur en ce moment.

Ses mots, parfois entrecoupés de larmes, étaient étonnamment bien choisis pour une jeune fille de son âge.

Elle lui parla de ses problèmes à l'école, du fait qu'elle n'arrivait plus à trouver sa place au sein de sa famille, que son groupe d'amis avait totalement explosé. Que tout ça c'était de sa faute.
Elle expliqua qu'elle ressentait constamment un vide en elle depuis le retour de sa sœur, elle parla de la culpabilité qu'elle ressentait face à ses sentiments. Que depuis qu'elle avait découvert que c'était elle le monstre qui avait attaqué sa sœur, elle n'était plus la même. Et que, à sa grande déception, depuis qu'elle n'avait personne d'autre à blâmer, depuis qu'elle ne menait plus son enquête, elle ne trouvait plus aucun sens à sa vie. Elle errait sans but. Sans avenir.
Il lui arrivait encore de se couper, de penser à se faire du mal, à franchir la ligne sans retour. Et ça l'angoissait.
Parce que, si elle y pensait, elle pourrait un jour passer à l'acte. Et faire encore plus souffrir son entourage.

Pilguez écouta ses états d'âme avec beaucoup d'attention et de respect. Quand elle eut fini son récit, il posa délicatement sa main sur l'épaule de la jeune fille et posa sur elle un regard paternel.

- Je vais t'aider. On va y arriver, ensemble. Tu es d'accord ?

Elle se mit à pleurer et lui hurla qu'elle ne lui avait pas encore tout dit.

Qu'en réalité il avait raison il y a des mois de cela, sa sœur avait bel et bien un petit copain et elle n'en avait jamais rien su. Elle lui en voulait, à lui, d'avoir su alors qu'elle non. Elle ne comprenait pas comment lui, alors un inconnu, avait pu savoir des choses aussi intimes sur sa sœur. Elle-même, sa jumelle, ne savait finalement rien de sa vie.
Elle n'était qu'une étrangère pour tout le monde et tout le monde jouait un rôle avec elle. Tout le monde faisait semblant, la traitant comme une enfant ignorante qui devait être protégée et préservée. Mais elle ne voulait pas ça, elle voulait juste avoir le droit d'exister et de devenir celle qu'elle devait devenir.
Mais, maintenant, elle n'était plus sûre de ce qu'elle voulait vraiment être. Elle ne se voyait pas dans cinq ou dix ans. Elle ne se voyait pas tomber amoureuse, se marier, fonder une famille.
Tout ça, elle ne se l'imaginait pas. Elle n'était même pas sûre d'y avoir droit. Elle ne savait pas si elle saurait un jour être heureuse.

Ce qu'elle savait, c'est qu'elle aurait aimé ne jamais quitter ce centre où elle était protégée et où elle ne ressentait pas toutes ces émotions qui la bouffaient à longueur de journée.

Après avoir explosé de la sorte, Kylliane se sentait étrangement épuisée. Elle se laissa tomber dans le canapé de son mentor, et pleura une nouvelle fois toutes ses peines.

***

- Non mais, Winnie, je comprends pas bien là. Je sais bien que Arnaud c'est pas le mec le plus fute-fute de la basse cour mais quand même ! Il est super sympa ! En plus ça doit être un petit copain en or non ? Alors pourquoi ?

Nolwenn eut du mal à expliquer à son amie les véritables raisons derrière sa séparation. Elle-même ne savait pas vraiment pourquoi cette option lui était apparue comme une évidence.

Tout ce qu'elle savait, c'est que lorsqu'elle s'était réveillée, elle avait ressenti le besoin de n'être entourée que de sa famille, d'être auprès de sa sœur qui avait dû tellement souffrir de son absence.

Alors elle avait pensé que, finalement, pour faire au mieux pour tout le monde il valait mieux rompre.

- Tu as pensé à Arnaud ? Tu crois que c'est mieux pour lui ? Et toi, tu es plus heureuse maintenant que tu l'as quitté ?

Nolwenn qui culpabilisait déjà énormément par rapport à sa décision, essaya de se convaincre que c'était pour le mieux. Pour elle, pour Kylliane, pour Arnaud, pour tout le monde. Même si, au fond d'elle-même, elle savait que la vraie raison était bien plus complexe. Tellement complexe qu'elle-même n'en avait pas encore conscience.

***

Après avoir pleuré tout son soûl, Kylliane ne se sentait toujours pas mieux.

Malgré les efforts de son mentor, elle continuait de se dévaloriser et de se noyer sous ses torrents de larmes.

Excédé, l'officier Pilguez se dit qu'il fallait parfois prendre le taureau par les cornes et que, de toute manière, si l'adolescente avait voulu voir quelqu'un qui se complait dans la bienveillance elle ne serai pas venue le trouver.

- Bon maintenant ça suffit ma petite ! Tu vas te ressaisir et arrêter de chialer pour des broutilles. Tu trouves pas ta place ? Créées-en toi une ! T'as peur de pas avoir d'avenir ? Construis-en un ! T'as des problèmes avec ta sœur ? Vas lui parler ! Mais pleurer ça sert à rien alors mets toi un bon coup de pied aux fesses et arrête tes âneries ! C'est bien compris ?

D'abord outrée, Kylliane comprit le sens des paroles de son mentor. Lui, il n'était pas contre elle. Lui il voulait son bien. Lui il l'aiderait à avancer dans sa vie.
Il l'aiderait à se construire un avenir, il l'aiderait à trouver sa place, il l'aiderait à ne plus vriller. A présent, elle pourrait se reposer sur lui, et non plus sur sa sœur.

Cette pensée lui réchauffa le cœur. Il était dur, il était direct, il était bourru mais il pensait à son bien à elle avant tout. Et il ne prendrait pas de gants à la traiter comme une enfant à l'instar de tous les autres adultes, tout son entourage en général.

Elle le remercia et lui demanda si il voulait bien la raccompagner chez elle. Elle voulait discuter avec sa jumelle.

COMATOSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant